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ØáÈ ãÓÇÚÏÉ

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ÇáÕÝÍÉ ÇáÑÆíÓíÉ

Arab Commission for Human Rights
5, rue Gambetta
92240-Malakoff- France
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International NGO in special Consultative Status with the Economic and Social Council of the United Nations


Le point sur la situation des droits humains dans le monde arabe*  - Haytham Manna**

2008-03-01

 

 

Le contexte international et arabe

Je vais vous raconter une anecdote que j’ai eu l’occasion de raconter, il y a cinq ans, dans une intervention sur la situation des Droits Humains dans notre partie du monde, avant l’occupation de l’Irak. J’espérais alors que les intellectuels occidentaux seraient en mesure de se prononcer  et de réagir pour tenter de rationaliser cette situation loufoque qui caractérise le rapport à l’Etat d’urgence et ses conséquences sur tout ce qui a constitué l’essence du  combat des peuples du monde entier pendant des siècles. Les cinq dernières années n’ayant rien changé à la logique dominante ou en passe de l’être,  dans un contexte généralisé qui transcende les frontières, cette anecdote garde tout son sens.

On raconte, dans un vieux récit arabe, que la peste, personnifiée, a frappé un jour à la porte d’un village. Un vieux sage l’accueillit et lui tînt ces propos : « laissez ce village tranquille, ses habitants n’ont jamais commis le moindre péché, ni désobéi à Dieu, ni agressé quiconque ». Et la peste de lui rétorquer : « n’ayez aucune crainte, je ne resterai pas longtemps dans ce village et quarante seulement de ses habitants seront touchés par la maladie ».

Au bout d’un mois, le vieux sage croisa la peste alors qu’elle quittait le village et lui dit : « ne te suffit-il pas d’avoir ramené le mal, faudrait-il y ajouter le mensonge : tu as tué quatre cents habitants » ! Et la peste de répondre « ne sois pas injuste vieux sage, je n’ai contaminé que quarante personnes, les autres sont morts de peur et de terreur ».

Cette anecdote résume en gros la situation arabe et internationale après septembre 2001. L’agression de la superpuissance mondiale a fourni l’occasion à cette dernière de ressortir du fond de ses entrailles le discours politique le plus extrémiste, le plus agressif et imparable contre lequel personne ne pourrait s’opposer (1). Je rappelle que lorsque la Commission Arabe des Droits Humains (ACHR/CADH) avait publié, peu avant la guerre contre l’Afghanistan, un communiqué dans lequel elle s’était opposée à la guerre et avait appelé à juger équitablement les responsables de l’attaque du 11 septembre, des voix sionistes s’étaient élevées pour nous accuser de connivence avec le terrorisme. Bernard Kouchner, quant à lui, n’a pas hésité à critiquer les ONG qui, comme la nôtre, s’étaient opposées à la guerre. Il a soutenu même les bombardements aveugles de l’Afghanistan et les a considérés comme relevant de la légitime défense, et donc parfaitement légitimes.

La surenchère dans le soutien à la politique américaine est devenue un des nouveaux critères de « la légitimité internationale », et la course effrénée pour satisfaire le géant américain a dépassé les limites de l’entendement. Nous citons Bernard Kouchner, non pas parce qu’il fut la personnalité française la plus illustre ayant soutenu l’occupation de l’Irak, mais parce qu’il vient d’être récompensé pour ses positions belliqueuses en se faisant désigner à la tête du ministère des affaires étrangères en France.

Moins d’un mois à peine après les événements du 11 septembre, les représentants de l’administration américaine ont présenté une liste d’exigences dont :

1) Présenter toutes les informations sécuritaires concernant les organisations terroristes, 

2) Fournir la liste des chefs des organisations terroristes,

3) Procéder à la fermeture des locaux et des bases,

4) Contribuer par une participation financière,

5) Fournir une aide politique et médiatique et une participation militaire en cas de besoin,

6) procéder à l’arrêt de toute incitation médiatique au terrorisme.

Ce message a été bien reçu, non seulement au plan arabe, mais aussi international. Juste avant les fêtes de fin d’année, le 14/12/2001, une force blindée franco-italienne, composée de 50 militaires et relevant de la KFOR, a fait irruption dans les locaux du Secours International, GR, à Jakova. Elle a  enfoncé les portes, bien qu’on lui ait remis les clés, puis confisqué tout ce que contenait le local : ordinateurs, dossiers, carnets de comptes et d’adresses, documents personnels privés, passeports des fonctionnaires et de leurs épouses ainsi que tous les documents les concernant, délivrés par l’UNMIK. A la fin de la descente, cette force a arrêté toutes les personnes qui étaient présentes.

Les fonctionnaires ont été torturés avant même qu’on les interroge et ce, en présence d’un agent du FBI. Ajoutons à cela, les divers mauvais traitements et humiliations lors du transport en prison, notamment par l’obligation faite aux détenus de se dévêtir et de se mettre à nu, avec des coups sur toutes les parties du corps et leur mise aux chaînes. Tout le personnel a été par la suite conduit à la base américaine de Boundstail où les interrogatoires ont continué dans des conditions inhumaines : détention en isolement et interrogatoires menés par un trio. Les interrogatoires portaient sur les objectifs de l’organisation humanitaire et les raisons du pèlerinage des musulmans à la Mecque (3).

Ce qui s’est passé au Kosovo sera réédité au Pakistan, en Afghanistan, en Azerbaïdjan, au Maroc, au Yémen, en Jordanie, au Koweït et en Arabie Saoudite. Au cours de cette période, les gouvernements arabes avaient cédé plus qu’on leur avait demandé. Ils ont parfois opté pour ce dont leurs services n’étaient point compromis. Il devînt ainsi indispensable pour tout pouvoir répressif de donner la preuve de son engagement dans la guerre contre le terrorisme, étant donné bien sûr que les USA sont une république démocratique ayant une lecture très particulière des droits de l’homme s’écartant de celle qui a prévalu au plan universel. C’est une lecture centrée principalement sur les droits individuels, politiques et civils et qui ne reconnaît pas les autres droits, économiques, sociaux et culturels tels que prévus dans le pacte y afférent. Les USA ne reconnaissent pas non plus le droit au développement et à l’environnement tels que tels que prévus par les critères internationaux. Les USA refusent aussi de se joindre aux pays qui ont ratifié la convention internationale des droits de l’enfant et la création de la Cour pénale internationale.

Pour ces multiples raisons, nous allons essayer de centrer ce papier sur les régressions connues dans le domaine des libertés civiques, considérées par les USA comme le fondement de leur conception des droits de l’homme, pour démontrer le recul et même l’effondrement de cette conception au niveau arabe et international. Nous mettons aussi en exergue le prix payé par les peuples, quand les gouvernements voyous qui les dirigent, cautionnés par leur modèle,  prennent exemple sur ce qu’il a de plus mauvais dans tout ce qui touche aux problèmes de la dignité et des droits de l’homme.

A la suite d’une déclaration du vice ministre de la défense américain disant en substance « que la situation est grave et que cela demande des investigations hors du territoire américain qui ne correspondent pas aux engagements des services de sécurité tels que prévus par les lois américaines et la convention internationale contre la torture », des pays, allant du Maroc au Yémen, ont offert de mener les interrogatoires sur leur territoire en présence d’officiers américains. Des informations sûres confirment qu’un responsable sécuritaire américain était présent lors de ces séances d’interrogatoire, accompagnées de torture et de traitements avilissants.

Le Koweït :

Dans un témoignage présenté à la Commission Arabe des Droits Humains, le koweïtien Khaled Al Dosari, ancien détenu dans les prisons marocaines, énumère les méthodes de torture qu’il avait subies du 11/06/2002 au 19/08/2002 : coups sur toutes les parties du corps y compris la plante des pieds, brûlures aux mégots de cigarettes, privation de nourriture et de sommeil, fort éclairage, coups sur la tête, bruits sonores de klaxon dans la geôle, ingurgitation d’un liquide ayant des effets sur la mémoire, injures, vexations et avilissements, obligation d’embrasser les pieds des inspecteurs, chantages, aveux extorqués sur une prétendue appartenance à Al Quaida, (rencontre d’un responsable des services de sécurité irakiens et d’un responsable du Hamas). Il confirme d’autre part la présence d’officiers des renseignements américains et saoudiens tout au long de l’interrogatoire. Il lui a été demandé par ailleurs de déclarer qu’il y avait des relations entre Al Quaida et le régime irakien, en contrepartie de sa libération (4).

Tout de suite après son témoignage à la CADH/ACHR, à Aljazeera et au journal Al Quds alarabi, Khaled Al Dosari a été l’objet de poursuites ; et le journaliste auquel il avait donné cet interview au Koweït a été arrêté.  Son frère et son père furent aussi arrêtés afin de le contraindre à se rendre, ce qu’il a fait quelque temps plus tard. La CADH a entrepris alors une campagne en sa faveur et Khaled Al Dosari a été libéré juste avant la fête de l’Aïd Al Fitr.

Les poursuites contre tous ces témoins gênants s’expliquent par le désir des gouvernements de les faire taire, les empêchant de s’engager davantage. Khaled a essayé de nous accompagner dans notre action en faveur des victimes innocentes de « la guerre contre le terrorisme » et a fondé une organisation Koweïtienne contre la torture. Ainsi, il a réuni, avec d’autres amis, 54 témoignages de Koweïtiens ayant subi la torture, que la CADH a présentés au rapporteur spécial sur la torture du Haut Comité des droits de l’homme.

Les services de sécurité koweïtiens ont organisé, avec nombre de journalistes, une campagne de diffamation contre Khaled, le présentant comme le responsable, au Koweït, d’une organisation spécialisée dans l’envoi de combattants volontaires en Irak. Notre ami a dû se cacher, mais il a été jugé et condamné par contumace à 10 ans de prison.

Le cas des quatre koweïtiens de Guantanamo est à part. Ils ont été innocentés de l’accusation de « combattants ennemis », et malgré la demande réitérée du parlement, du gouvernement et de la société civile de les libérer et en dépit de la demande présentée par l’Emir du Koweït au président Bush pour leur libération, rien n’a été fait. L’administration américaine est demeurée sourde aux appels d’un pays où les services de sécurité de l’Etat exécutent fidèlement et même avec zèle les demandes des Américains.

Le Maroc 

Le Royaume Marocain ne s’est pas contenté de consacrer la torture comme partie intégrante de l’interrogatoire. Il  a ratifié la convention arabe de « lutte contre le terrorisme » et a rejoint ainsi la liste des pays qui lui consacrent une loi. C’est ainsi que fut promulguée la loi contre le terrorisme, dont Abderrahim Saber dit « qu’elle comporte de nombreuses analogies avec le Patriot Act, voté par le Congrès américain. Ainsi dans l’article 218, alinéa 1, nous avons une définition du terrorisme des plus vagues et des plus vastes. L’alinéa 5 du même article traite des sanctions réservées aux terroristes en les aggravant et en y ajoutant la peine de mort, chère à Bush ».

L’alinéa 6 quant à lui, incite les citoyens « à la délation et à dénoncer aux  autorités toute personne ou comportement douteux». L’article 108/3 autorise « la surveillance des communications téléphoniques, etc...

Ceci avait précédé les explosions de Casablanca qui ont été suivies par l’arrestation de 3000 personnes, dont près de 2000 ont été libérés par vagues successives.

Mais si la loi est mauvaise, la réalité est encore pire : on assiste à des vagues quasi régulières d’arrestations, à l’interdiction de réunions du mouvement Aladl wal Ihsan, à des interpellations par anticipation dans les rangs des divers mouvements islamistes et enfin à l’interpellation de près de 80 activistes politiques dont le secrétaire général du parti Al Badil Al Hadhari, Mustafa Mou’tassim, Mohamed Amine Rakkala, président du Conseil national et Mohamed Merouane, secrétaire général du parti du mouvement de l’Oumma, pour motif de terrorisme, accompagnée de l’interdiction des dits partis.

Le pouvoir marocain ne s’est pas empêché de reluire son image en instrumentalisant les Comités de réconciliation qui ont certes ouvert audacieusement des dossiers importants, mais oublié que les droits de l’homme ce n’est pas uniquement le passé, mais aussi le présent et l’avenir.

Syrie :

Dès le premier jour où les Etats-Unis avaient commencé la publication les listes des terroristes d’Al Quaida, les services secrets syriens ont pris l’initiative de diffuser les listes de tous ceux qui proclament « Il n’y a de Dieu que Dieu » dans le mouvement islamiste syrien, en Syrie et en exil. Evidemment, tous ceux qui ont été cités ont été considérés comme liés à Al Quaida qui devînt par miracle le plus grand mouvement politique syrien de l’opposition.

De nombreuses personnalités se sont engagées dans cette logique, tel le procureur espagnol Garzon qui avait poursuivi Pinochet, ainsi que de nombreuses autres personnalités judiciaires européennes. Le journal londonien Al Hayat lui aussi s’est engagé dans la brèche et son correspondant à Damas a écrit de nombreux reportages se fondant sur des informations des services syriens. Par un curieux retournement du balancier, le même correspondant a été interpellé par la suite et s’est transformé en prisonnier d’opinion à Damas.

Cette politique qui vise à satisfaire les Américains, ne commença à s’estomper que lorsque le régime syrien lui-même s’est retrouvé en difficulté dans le dossier libanais, après l’invasion de l’Irak. Les arrestations n’ont pas pris fin pour autant. Elles se font simplement pour des motifs à connotation locale, sans volonté de rendre service aux Américains dont les exigences, devenues tout simplement folles, font fi de tous les mécanismes nationaux et internationaux.

La répression non plus ne s’est pas arrêtée. Les autorités syriennes avaient en effet jugé 8 activistes de la société civile et 2 députés à l’assemblée du peuple, au cours d’une vague de répression qui avait débuté le 1er août et s’est terminée le 9 septembre 2001, juste avant les événements du 11 septembre. Ces arrestations furent pour des considérations locales, afin de mettre fin à ce qui fut appelé le printemps de Damas. Parmi les condamnés, Aref Dalila, qui a écopé 10 ans de prison, est toujours incarcéré. Le gouvernement a tergiversé pendant une année avant qu’il ne se décide à libérer 36 détenus, jugés de santé fragile et rassemblés à la prison de Sydania, Il reprît son action répressive et ses arrestations à l’encontre de journalistes et d’activistes, hommes et femmes, dans le domaine de l’information, pour terroriser les esprits libres ainsi que les jeunes, islamistes et démocrates, rassemblés dans des groupuscules restreints, sans grande influence.

Mais les services de sécurité, qui poursuivent depuis 1970 une stratégie consistant « à casser l’œuf avant qu’il n’éclose », ont continué à appliquer une politique sécuritaire préventive. Ils continuent présentement à suivre la même politique de terreur et de répression des hommes politiques et des activistes des droits de l’homme. Ainsi, ils interdisent aux symboles de l’activisme des droits de l’homme de voyager à l’étranger ou conditionnent ces voyages par l’accord préalable des autorités sécuritaires. Ils arrêtent aussi des activistes kurdes pour des motifs inconsistants et les jugent pour affaiblir et atomiser le mouvement politique kurde syrien. Il y a deux ans, ils ont entrepris une vaste opération d’arrestations dans les rangs du groupe de la Déclaration de Damas- Beyrouth, embastillant l’écrivain Michel Kilo, l’avocat Anouar Al Bunni, ainsi que sept autres de leurs camarades. Tout cela se passe après la fermeture des muntadas indépendants dont le dernier fut celui de Jamal Atassi.

Les arrestations touchèrent des activistes dans la presse et des internautes. Il faut rappeler que des dossiers importants des droits de l’homme sont toujours gelés, tels que la privation de 200.000 kurdes de la nationalité syrienne, de nombreux cadres politiques de leurs droits civiques et des milliers de politiques et de leurs proches de voyager. Les expatriés qui reviennent au pays ne sont pas épargnés non plus. Les autorités ont par ailleurs promulgué une loi sur les publications qui normalise les lois d’exception en vigueur.

Le tableau se complète enfin avec l’arrestation des membres de « la direction de la déclaration de Damas pour le changement démocratique » à l’issue de leur réunion du 1er décembre 2007. Certains d’entre eux, tels que Fida Al Horani, Fayez Sara, Akram Al Bunni, Ali Abdallah, Ahmed Tâamia, Walid Al Bunni, Mohamed Hajji Darouiche, Jabr Echoufi, Marwan Al Ich, Riad Seif et Talal Abou Dane sont toujours incarcérés. Espérons enfin, qu’aujourd’hui, qui correspond au 45 ème anniversaire de la promulgation de l’Etat d’urgence, ne soit pas une occasion pour allonger la liste des internés politiques. (2 semaines après, trois kurdes syriens sont tués la nuit de Nawrouz  à Qamishli par les forces de sécurité).

Tunisie

Le président tunisien est aussi de ceux qui ont bien accueilli les événements du 11 septembre. Il rappela qu’il fut le premier à avoir fait voter une loi pour lutter contre le terrorisme (1993) et une loi sur la presse, susceptible de faire juger tout citoyen qui parle de la chose publique. Il proposa ses services pour tout et n’importe quoi et rend plus difficile les conditions de détention des prisonniers du Nahdha, dont 25 membres demeurent toujours en prison, depuis bientôt deux décennies. Le président tunisien arrêta plusieurs symboles de la lutte pour les droits de l’homme et des journalistes dont le dernier est Sélim Boukhdir.

L’arrogance des autorités et leur défi de l’opinion publique, arabe, tunisienne et internationale sont apparus au grand jour quand elles osèrent s’attaquer à maître Béchir Essid, doyen des avocats tunisiens et membre fondateur de la Commission arabe des droits humains (CADH), en violant son cabinet, en mobilisant des avocats contre lui et en le poursuivant devant la justice. Il s’agissait d’une vaine tentative de démanteler une organisation indépendante de la société civile tunisienne, à travers son représentant élu. Cette tentative n’a pas seulement échoué, mais après une éclipse de 5 ans, maître Essid est revenu sur la scène et a été réélu doyen des avocats tunisiens.

Pour services rendus, les autorités tunisiennes ont eu un communiqué officiel des autorités américaines affirmant que « le président tunisien actuel est le mieux qui représente l’ordre et la stabilité en Tunisie, et qu’il suffisait de quelques changements mineurs pour que la situation tunisienne des droits de l’homme s’améliore ». Ainsi, ces conseils au président tunisien ont eu pour conséquence, une réforme constitutionnelle et des élections aux résultats connus d’avance. Les autorités tunisiennes ont tenu leurs promesses vis-à-vis de l’administration Bush et interpellé toutes les personnes qui lui ont été remises par les européens, la Syrie et Guantanamo. Elles les ont jugées et condamnées à des peines très dures et continuent de procéder à des arrestations périodiques sous prétexte de combattre le terrorisme.

Par ailleurs, les autorités tunisiennes ont renforcé les entraves aux activités publiques et empêché la tenue de congrès ordinaires, tels que celui de la LTDH.  Elles imposèrent une surveillance rapprochée à certains militants et provoqué l’agression de militants par des inconnus (des agents de police accusant les militants d’être à la solde de l’occident !!!), comme cela s’est passé avec notre collègue Moncef Marzouki lors de son retour en Tunisie, puis récemment avec Omar Mestiri et Sihème Ben Sedrine.

La liste des anciens prisonniers politiques du Nahdha, interdits de voyager à l’étranger, de se déplacer à l’intérieur du pays, de poursuivre des études ou de travailler, est très longue. Après la prison et la coupure du monde, vient la grande prison face au monde. Ainsi des universitaires, des académiciens et des journalistes de la meilleure élite tunisienne, sont assiégés par tous les moyens sans la moindre charge, ni motif légal ou couverture judiciaire. Nous pouvons citer à titre d’exemple, le cas de Ali Ben Salem (76 ans) : un symbole de la lutte contre la colonisation qui continue à militer aux plans syndical et des droits de l’homme et qui est tout simplement assiégé chez lui. Il ne peut recevoir des visiteurs et ne peut même pas se faire soigner à l’étranger, au seul motif qu’il milite en faveur des droits de l’homme et de la liberté dans son pays. Aujourd’hui, alors que nous sommes ici à fêter la journée internationale de la femme, il y a des femmes en Tunisie qui marquent leur solidarité avec l’étudiante emprisonnée Karima Boucetta.

Algérie 

En Algérie, les événements du 11 septembre ont eu pour conséquence d’anéantir le projet du président Bouteflika de réaliser la réconciliation nationale, à son arrivée au pouvoir. Depuis, le gouvernement algérien ne se gêne nullement dans tout ce qu’il entreprend. Il tape successivement sur les arabes et les berbères, se moque de l’action revendicative et du combat démocratique et reçoit les délégations arabes,  officielles et officieuses pour les entretenir de ses succès en matière de lutte contre le terrorisme. L’Algérie compte le plus grand nombre de détenus politiques et de disparus dans le monde arabe au cours des années mille neuf cents quatre vingt dix. L’exemple du militant algérien des droits humains, le Docteur Salah Eddine Sidhoum, illustre parfaitement la situation de tous ceux qui se sont opposés à la solution sécuritaire prônée par les généraux algériens. Ce militant a été poursuivi par la hargne des groupes islamiques armés en même temps que par la haine de la sécurité militaire depuis 1994. Malgré cette situation très dure, ce militant a réussi tout au long de nombreuses années, à fournir aux ONG des droits de l’homme, des informations de la plus haute valeur sur les violations flagrantes qui se sont produites depuis le début de la solution sécuritaire (1992). Des pressions arabes et internationales ayant mis fin à sa poursuite, il se décida à sortir en plein jour et à se livrer à la justice. Après une courte grève de la faim il a été acquitté.

Vous avez entre les mains un dossier de la Commission Arabe des Droits Humains (CADH), sur la torture en Algérie. Je dois vous faire remarquer que les détenus qui nous ont fourni ces informations ont été changés de cellule et coupés du monde, et que la personne qui suit avec nous ce dossier, est le journaliste Anouar Malek qui vient d’être mis par les autorités algériennes sur la liste d’Interpol.

La Mauritanie  

En Mauritanie, le Colonel Mouaouia Ould Taya n’a pas réussi à se maintenir  au pouvoir malgré sa normalisation avec Israël et sa guerre contre le terrorisme, au cours de laquelle il n’a pas hésité à livrer un de ses compatriotes à Guantanamo. Le Conseil militaire issu du coup d’Etat a respecté les engagements fondamentaux qu’il a tenus pour la période transitoire. Les élections présidentielles qui se sont déroulées depuis, ont drainé toutes les accumulations historiques dans une opération aux perspectives peu claires, au cours de laquelle des alliances disparates se sont nouées pour un objectif strictement électoral : formations tribales, vieilles forces traditionnelles et services de sécurité.

La Mauritanie vit actuellement un état d’équilibre entre forces d’égale faiblesse dans lequel opposition et pouvoir se trouvent interdépendantes, la pauvreté étant le plus grand ennemi des libertés. La corruption est aussi un cancer en héritage de la dictature. La Mauritanie qui vit une période de transition pacifique et difficile à la fois, est confrontée aussi à des grands dossiers tels que ceux des déplacés, de l’esclavage, des détenus islamistes et du retour des militaires à leurs fonctions. Tous nécessitent des solutions nationales, sages et rapides.

Ce pays, qui a vécu sous une dictature d'un autre temps, commence à se libérer tant bien que mal de ce cauchemar. La nouvelle Constitution mauritanienne est certainement plus avancée que celle de l’Irak toujours sous occupation.

En tant que Commission Arabe des Droits Humains, nous demeurons en contact avec l’expérience mauritanienne afin de consolider le rôle de la société civile et pour appuyer l’indépendance de la justice et encourager toute politique de développement soutenant des avancées au plan des libertés d’association, d’organisation et d’expression.

Le Soudan

Le Soudan représente l’exemple par excellence des retombées catastrophiques des guerres civiles sur les pays du sud. Malgré l’accord entre le mouvement populaire et le parti au pouvoir, pour entreprendre des réformes et des changements dans la voie de l’ouverture politique, le chemin parcouru est encore en deçà de ce qui est requis pour asseoir la cohésion sociale et nationale.

Le drame du Darfour, dans lequel la responsabilité du gouvernement est patente, constitue un poignard dans le dos des gouvernants et des gouvernés. Ce drame est sorti de son cadre national pour une internationalisation où l’instrumentalisation est déjà permanente. Notre organisation a sollicité de visiter le Darfour, et après un refus qui a duré deux ans, nous comptons envoyer au mois de juin prochain une mission d’investigation.

L’Arabie Saoudite

Le dossier Saoudien des droits de l’homme est des plus exécrables que nous ayons entre les mains. Il suffit pour s’en convaincre de feuilleter le rapport de la CADH au chapitre de la liste non exhaustive des détenus et qui comporte quelques 600 détenus politiques, sans jugement et privés de leurs droits élémentaires, en plus des détenus irakiens, yéménites (près de 50) et bien d’autres.

Les Renseignements généraux ont arrêté quatre membres de la CADH, Matrouk El Faleh, Abderrahman Allahem, Ali Demini, Abdallah Al Hamed le 16 mars 2004. Ils ont été jugés et lourdement condamnés, mais  libérés le jour de l’intronisation du Roi Abdullah. Cette grâce nous a tous comblés de joie et avait auguré d’une ère nouvelle, avons-nous cru, puisqu’elle a englobé le Cheikh Saïd Zaïter. Mais les mêmes services ont interpellé de nouveau ce dernier à la première occasion, alors qu’il était en mauvaise santé. D’autre part, les mêmes services ont arrêté, le vendredi 2 et le samedi 3 février 2007, une dizaine de personnalités de la société civile, à la suite d’une réunion tenue à Jeddah. Huit d’entre elles se trouvent toujours en prison au prétexte fallacieux de soutenir « la lutte contre le terrorisme, son financement par des collectes illégales, des transferts de fonds à l’ordre de correspondants douteux dans le but de mobiliser des citoyens à s’engager dans des régions troubles ».

Les personnes actuellement en prison sont : Séoud Mokhtar Al Hachemi, Abderrahman Achemiri, Souleiman Errouchoudi, Abdel Aziz Al Kheriji, Moussa Al Karni, Chérif Seif Eddine Faycal El Cherif et Mohamed Hassen Al Korchi.

Et comme si la présence dans les prisons de quelque centaines de détenus non encore jugés ne suffisait pas, un tribunal Saoudien a confirmé la condamnation du docteur Abdallah Al Hamed, un intellectuel musulman et activiste de droits humains, à 6 mois de prison et son frère à 4 mois de prison, pour avoir soutenu les familles de certains personnalités incarcérées elles-mêmes pour avoir réclamé la libération des prisonniers politiques. Mentionnons enfin que l’internaute Fouad Al Ferhane est toujours en prison depuis la célébration de la journée internationale des droits de l’homme en 2007.

Par ailleurs, en Arabie Saoudite, l'on se trouve face à une grave atteinte au droit de la société à la création de ses propres associations de bénévolat, avec la libre définition de leurs objectifs et conseils de direction qui y assument les résultats de leurs exercices devant la loi et leurs membres. La décision de la mise en place de «l’Organisme national saoudien de secours et d’œuvres caritatives pour l’étranger», ainsi que l’annulation de l’ensemble d’organismes, institutions, associations caritatives et commissions non autorisées par ordre royal, sous l’autorité de la présidence du conseil des ministres, signifie la mise à mort, en plein jour, des initiatives sociétales et de la participation des individus aux affaires publiques. Il est, en partie, constitutif d’une politique d’édification d’un Etat absolutiste contemporain, dont la seule raison d’être est la satisfaction de l’actuelle administration américaine. Signalons enfin que les méthodes de fonctionnement interne de cet organisme, sont en complète contradiction avec l’esprit de notre époque et les impératifs des réformes politiques, sociales et économiques.

L’ACHR a publié, en mai 2004, un rapport accablant sur la détention arbitraire en Arabie Saoudite où plus de 600 détenus se trouvaient à la prison d'al-Haer. 4 grands symboles de la réforme constitutionnelle pacifique et membres de la Commission arabe des droits humains : Dr. Abdellah Al Hamed, Dr. Matrouk Al Faleh, le poète Ali Demmini et leur avocat Abderrahmane Al Lahem ont été détenus et condamnés dans un procès inique. C’était aussi le cas du Dr Saïd Ibn Mobarak Al-Zair et de ses deux fils Mobarak et Saad. Il a suffi de 3 minutes sur Al-Jazeera pour que l’ancien détenu, qui a fait plus de 7 ans de prison sans jugement ni procès, regagne la prison. Dès son accession au trône, le Roi Abdallah a amnistié les prisonniers cités ci-dessus. Mais il n'en reste pas moins de 600 prisonniers en détention arbitraire, parmi lesquels des Ismaélites, des Shiites et surtout des jeunes accusés d’appartenir aux salafistes djihadistes (fondamentalistes islamistes).

A son arrivée à l’aéroport du Roi Khaled le 15/09/2004, le citoyen yamanite Mohammad Jobran n’avait à l’esprit que « comment expliquer à sa première femme qu’il s’est marié avec une deuxième femme à Damas ». Mais pour le service de sécurité saoudien la question est tout autre : Pourquoi ce professeur d’éducation islamique demeure à Damas aussi longtemps si ce n’est pour participer aux opérations de transfert de volontaires arabes vers l’Iraq (cette même accusation a été utilisée à un moment donné contre l’auteur de ce livre par un parti politique préfabriqué par le Pentagon pour les besoins de la campagne d’inquisition contre le terrorisme). Jobran est toujours en prison sans procès ni jugement. Il est l'un des centaines de prisonniers politiques arabes sans frontières. Comme lui, il y a au moins une soixantaine de Yéménites dans les prisons saoudiennes. Combien y-a-il d'Iraqiens ou d’autres nationalités? Et en revanche, combien y a-t-il de détenus séoudiens dans les prisons syriennes et iraqiennes ?  

Qatar

Avant septembre 2001, le ministre des affaires étrangères du Qatar parlait de prochaines élections en 2002, d’une sérieuse volonté d’édifier un Etat avec des institutions solides, d’un élargissement du champ des libertés et d’un contrôle international du processus de démocratisation du pays. Non seulement ces promesses ont été oubliées, mais de nombreuses dispositions ont été prises pour limiter les libertés et contrôler les droits des citoyens.

Ainsi, l’Etat du Qatar, qui n’a pas été confronté à des actes de terrorisme, hormis un seul incident perpétré par des non Qataris et des non résidents, a promulgué des lois arbitraires sous prétexte de protection contre le terrorisme. La loi n° 3, promulguée en 2004, concernant la lutte contre le terrorisme, est parmi les plus mauvaises des pays arabes. A la lecture de son texte, on constate l’élargissement de son champ d’application à tout acte d’opposition et non seulement de violence.

 

Le premier article définit ainsi le terrorisme : « Il s’agit d’une entreprise terroriste si le         mobile du recours à la force, la violence, la menace ou la peur, est de paralyser les dispositions du Basic Law provisoire et révisé, ou la loi, ou de menacer l’ordre général, d’exposer la paix et la sécurité de la société au danger, de saper l’unité nationale ;  et si les conséquences « de l’acte » étant ou pouvant nuire aux gens ; leur faire peur ; exposer leur vie, leurs libertés ou leur sécurité au danger ; causer des nuisances à l’environnement, à la santé publique et à l’économie nationale ; porter atteinte aux institutions, établissements et biens, publics et privés, ou les occuper ou dégrader leur fonctionnement ou encore empêcher ou retarder les pouvoirs publics de mener à bien leurs actions ».

 

L’article 2, quant à lui, est d’une plus grande sévérité que la loi pénale à cet égard. Comme par exemple une sentence de mort à la place d’une condamnation à perpétuité et « dans tous les cas une condamnation à mort lorsque l’acte perpétré par le condamné a causé la mort d’une personne ou nécessité l’usage d’une arme pour commettre le crime ».

L’article 3 prévoit « la condamnation à mort ou à la prison à perpétuité de toute personne qui constitue, organise ou dirige un groupe ou une organisation non autorisée et ce, quelque soit son appellation dans le but de commettre un acte terroriste ».

 

L’article 6 stipule quant à lui « la condamnation à mort ou à perpétuité de toute personne qui dirige une organisation ou une association privée, ayant été constituées conformément à la loi, et qui en a profité pour pousser à commettre un acte terroriste ».

 

Cette loi comporte des situations de cas d’urgence avec l’interdiction de séjour, l’assignation à résidence ou l’interdiction de se rendre dans des endroits spécifiés (article 13) ; ainsi que la saisie du courrier, des publications, des colis et des télex ; la surveillance des communications sous toutes leurs formes et l’enregistrement des mouvements dans les lieux publics et privés (article 19). Et ce qui est plus grave encore, c’est que pour ordonner une enquête ou engager un procès dans les crimes terroristes, le procureur général n’est pas soumis à la condition de dépôt de plainte ou de demande, comme c’est le cas dans les procédures pénales (article 17). En outre, la procédure judiciaire ne dévient pas caduque avec l’écoulement du temps (article 16), et la détention préventive peut atteindre six mois, renouvelables par le tribunal compétent (article 18).

La loi 17, promulguée par le cabinet de l’Emir, en date du 02/07/2002, dans le but de « protéger la société », préconise l’arrestation arbitraire de tout citoyen ; et ce dans une logique qui nous rappelle la loi de « protection du front intérieur et de la paix sociale », promulguée par Anouar El Sadate en 1978, en Egypte, et qui relève le plafond des arrestations administratives au gré du pouvoir.

 

Article 1 : par dérogation aux dispositions du code de procédure pénal, susmentionné, le ministre de l’intérieur peut, dans les cas de crimes contre l’Etat, l’honneur, les bonnes moeurs et les usages, décider la garde à vue d’un prévenu s’il se confirme qu’il existe de sérieuses justifications à cela et ce, sur la base d’un procès verbal établi par le directeur général de la sécurité publique.

 

Article 2: la durée de la garde à vue est de deux semaines susceptibles de prolongation, une ou plusieurs fois pour la même période et pour un maximum de six mois. Une prolongation de six mois est encore possible avec l’accord du président du conseil des ministres. La durée de la garde à vue est doublée dans le cas d’un crime touchant à la sécurité de l’Etat ». La durée de la garde à vue----détention provisoire---La détention provisoire peut donc durer deux ans et le ministre de l’intérieur a toute latitude de fermer le local en rapport avec le délit.

D’autre part et selon une politique sans la moindre rationalité, le gouvernement Qatari a         privé 5266 citoyens et citoyennes de la nationalité Qatarie au mois d’octobre 2004. Malgré les interventions conjointes d’organismes internationaux et de la commission nationale des droits de l’homme, la moitié des intéressés n’a pas encore trouvé de solution ou n’a pas eu entièrement gain de cause.

 

Jordanie 

Pour la vérité et l’histoire, nous pouvons dire que le royaume de Jordanie détient le record absolu des lois provisoires et exceptionnelles depuis que l’Etat d’urgence a été proclamé à l’échelle internationale. Le Royaume de Jordanie s’est empressé de promulguer des lois provisoires pour venir à bout du peu de liberté que le pays a connu aux lendemains de la révolte du pain de la fin des années quatre vingt et de l’accord de Wadi Araba entre la Jordanie et Israël.

Le nombre de ces lois provisoires a atteint la centaine, soit le tiers des lois et juridictions du même genre, promulguées au cours de la même période dans les pays musulmans. Il n’est pas étonnant qu’à la suite de l’offensive enragée de Sharon et la détermination américaine à garder le royaume dans la dépendance totale, le jeune roi sacrifie tout ce qui a trait aux libertés fondamentales.

Egypte 

L’Egypte est l’un des premiers pays à avoir promulgué une loi relative à la lutte contre le terrorisme (loi 97 de 1992). Cette loi donne à la police plus de pouvoir que n’en disposent la justice et le parquet, et ce en contradiction flagrante avec les dispositions de la Constitution, les usages et les engagements internationaux de l’Egypte.

Ce pays n’avait nul besoin des campagnes d’arrestations cycliques dans les rangs des Frères musulmans et autres courants islamistes, comme gage de bonne volonté vis à vis du gouvernement américain, d’autant que ces arrestations, avec ou sans motif, touchent particulièrement des éléments modérés (5). La décision de déférer devant la justice militaire des universitaires et opposants pacifiques, a constitué un tournant très grave dans les atteintes au respect des compétences et prérogatives des pouvoirs en Egypte.

 

Toutes les organisations des droits de l’homme crédibles sont unanimes à considérer que le gouvernement egyptien persiste à ignorer les principes constitutionnels et juridiques, fondateurs de la législation et qui prônent la plus haute considération pour l’homme et pour tous les hommes, sans aucune exclusive ni distinction entre eux. Et qui définissent le rôle de l’Etat dans la direction des affaires de la société et la protection de ses citoyens, sans atteinte  aux  droits fondamentaux reconnus par les conventions internationales.

La constitution et les lois sont tenues d’élargir les conditions et les perspectives de participation des citoyens à l’action publique dans le respect des libertés d’opinion et d’expression et des droits fondamentaux de chacun. Or les nouveaux amendements constitutionnels et notamment les articles 37, 56, 76 ainsi que l’article 179, (stipulant que le Président de la République est habilité à déférer tout crime de terrorisme à n’importe quelle juridiction), sont en contradiction avec la Constitution et notamment ses articles 41, 44 et 45, ainsi qu’avec quatre conventions internationales auxquelles l’Egypte a adhéré et qu’elle est tenue de respecter.

Cette situation a conduit à déférer devant la justice militaire près de quarante universitaires, des médecins et des hommes d’affaires pour des charges contraires à toute logique et qu’aucun esprit saint ne pourrait accepter. Quoique les prévenus aient été innocentés par la justice civile, ils ont été poursuivis par la justice militaire près d’une année et demie. Cette dernière, se livrant à des tentatives mesquines de chantage politique qui la discréditent et lui dénient toute indépendance et toute constitutionnalité, avait procédé à chaque audience au renvoi de la prononciation du verdict à l’audience suivante.

Nous avons assisté ces dernières années à l’aggravation du phénomène de falsification de la volonté des électeurs et des résultats des élections et des référendums. Ce qui a pour conséquence de développer la suspicion sur la légitimité des législations qui en sortent. De même qu’on assiste à une aggravation des pressions sur la justice, le dédain de ses représentants et le mépris de leur indépendance par le pouvoir exécutif.

D’autre part, nombre d’agressions physiques perpétrées contre des juges pour leur indépendance et leurs positions hostiles à la politique du gouvernement, n’ont jamais été réglées. Tout cela se passe alors que le pays continue à subir depuis 1981 l’Etat d’urgence et que les lois contraignantes, contre les libertés d’opinion et de diffusion continuent à sévir et à faire des victimes. C’est à ce titre que la journaliste Howeida Taha a été condamnée à la prison pour avoir réalisé une émission télévisée sur la torture en Egypte et que le blogueur Abdel Krim Nabil Souleyman a été condamné à 4 ans de prison, au motif qu’il a manqué de respect pour les religions et offensé le président de la République.

Enfin, quatre rédacteurs en chef de journaux non gouvernementaux ont été condamnés à une année de prison pour diffamation du chef de l’Etat. Mentionnons les contraintes à la formation de partis politiques et d’associations, ainsi que les tentatives permanentes pour domestiquer   certaines d’entre elles par les méthodes les plus diverses, de marginaliser l’opinion publique internationale en instituant un conseil national pour les droits de l’homme, aux prérogatives limitées et plafonnées.

Nous n’avons pas vu ce conseil réagir à la légalisation et à la constitutionnalisation de l’Etat d’urgence. Au contraire, la CADH et les ONG ont  été empêchées d’assister aux procès devant la justice militaire. Des centaines de personnes ont été incarcérées ces derniers mois, accusées d’appartenir aux frères musulmans ou pour d’autres motifs. L’un d’entre eux, Khaled Hamza, rédacteur en chef du site Internet des frères musulmans, a été l’interlocuteur de la mission de la CADH. C’est ainsi que cette dernière a décidé de lui conférer le statut de membre d’honneur pour ses efforts et son action discrète et grandiose pour la défense des droits de l’homme et des libertés en Egypte.

Yémen

L’exemple yéménite est une illustration parfaite de la soumission, en temps de mondialisation de l’Etat d’urgence, comme si c’était pour s’amender de ses positions au cours de la seconde guerre du Golfe. Les responsables yéménites expliquent la position de leur gouvernement par le fait que leur pays a été partie prenante dans plusieurs attentats ayant visé les intérêts occidentaux, et de ce fait susceptible d’être victime des réactions américaines au cas où il ne collaborerait pas d’une manière complète avec leur administration. Mais que signifie la coopération totale : est-ce à dire que le gouvernement yéménite demande de l’administration américaine de liquider ses propres citoyens sur le sol  yéménite ? Ou bien que le Yémen devienne le pays qui compte le plus de détenus (100 sur 275) à Guantanamo ?

Cette politique de dépendance conduit à notre sens à des réactions incalculables en matière d’hostilité à l’Occident en général, avec son bien et son mal. Le meurtre des médecins américains nous donne une idée sur les réactions extrémistes à des politiques extrêmes dans leur suivisme.

Selon les chiffres qui nous sont parvenus le mois dernier, il y a au Yémen plus de 900 détenus hors du contrôle de la justice. Parmi les spécificités tragiques yéménites, l’existence de prisons privées à l’intérieur des prisons officielles, dont l’exemple des Jaâchen sûrement difficile à comprendre pour un citoyen tunisien. Il existe au Yémen, en dehors de l’Etat mais aussi à son ombre, l’exemple du Cheikh et de ses agents qui pratiquent de nombreuses méthodes de répression et de terreur, comparables à celles pratiquées par des services officiels dans d’autres pays. Ces « autorités » à l’intérieur d’autorités officielles, un Etat dans l’Etat, constituent un handicap sérieux devant les droits du citoyen. Ainsi les esclaves d’un chef de tribu mauritanien ou l’armement des Janjaouids au Darfour ne constituent pas des exceptions. Dans de nombreux pays arabes, nous vivons toujours à l’ombre des potentats sociaux  qui assistent et soutiennent les potentats des services de sécurité dans la réduction des droits fondamentaux des citoyens.

Le règlement des problèmes avec la mentalité sécuritaire et militaire fausse, malgré la présence d’institutions civiles, le rôle de ces institutions et en fait « un faux témoin » des violations des droits humains, économiques, politiques ou tribaux. Cette logique a été flagrante au cours des événements qui ont ensanglanté Saâda et dans lesquels la société civile yéménite a été marginalisée, avec préméditation et détermination. Ceci empêcha l’exercice de toute tentative interne de bons offices et obligea à recourir aux services d’un pays arabe du golfe. Comme si le clapet de sécurité intérieur n’était pas reconnu et ne pourrait être autorisé qu’à manifester pacifiquement  pour demander l’arrêt de la guerre. Les violations enregistrées au cours de ces événements demandent à constituer une commission d’enquête, nationale et civile, afin que les responsabilités soient déterminées et afin aussi d’alléger les souffrances des victimes.

Irak

Les forces américaines et alliées ont occupé l’Irak sans aucune couverture des Nations Unies. Je m’étais immédiatement déplacé en Irak en ma qualité d’observateur de la situation des droits de l’homme dans ce pays sous occupation, tout comme l’a fait la Commission Arabe des Droits Humains auparavant en y envoyant une mission pour s’enquérir de la situation du peuple irakien soumis à un embargo inique. J’avais écrit à l’époque : « les forces d’occupation ont garanti toutes les conditions objectives de la destruction et du désordre ».

Actuellement, il y a plus de quatre millions d’irakiens déplacés et émigrés, plus de 700.000 morts, plus d’un million d’invalides et de blessés depuis le début de l’occupation et quelques 26.600 prisonniers et détenus dans les prisons américaines et irakiennes. Les richesses pétrolières irakiennes sont en passe d’échapper à leurs propriétaires légitimes à travers un projet de loi qui risque de les livrer pour des générations aux compagnies multinationales, privant ainsi le peuple irakien d’un développement économique durable, seule alternative à sa misère actuelle et unique moyen de le rétablir dans sa santé perdue. L’Irak est confronté actuellement à une confessionnalisation de ses institutions et du discours politique, un chauvinisme dans le discours national du gouvernement et de l’opposition, l’assassinat des scientifiques, des cadres et des journalistes, et à une corruption jamais égalée dans le monde en 5 ans d’occupation. L’administration américaine a donné aux démocrates du monde l’exemple de ce qu’on ne doit jamais entreprendre ou s’y impliquer.

Palestine

Le peuple Palestinien a été sacrifié sur l’autel de la guerre contre le terrorisme et ses sacrifices ont permis de freiner l’agression américaine contre les pays de la région. L’Europe, qui a respecté 3 minutes de silence à la mémoire des victimes américaines, n’a pas suivi le simplisme stupide de l’administration américaine qui a associé le combat des palestiniens au terrorisme international et habillé Ariel Sharon des oripeaux de l’homme de paix.

C’est à cet autel qu’on a assassiné le droit international humanitaire en plein jour, à travers le crime d’une guerre systématique menée par l’armée d’occupation depuis le début de l’Intifada. Les forces d’occupation israéliennes entreprennent la destruction de maisons, les assassinats ciblés et prémédités extrajudiciaires, exercent un blocage sanitaire et sur les denrées alimentaires à l’encontre des individus, la spoliation des terres, l’attaque de terres agricoles, l’assassinat des enfants et des civils d’une manière tout à fait normale, sans la moindre dénonciation ou condamnation de quiconque, et ce avec la complicité américaine. Il y a actuellement quelques 12.000 prisonniers et détenus palestiniens et arabes dans les prisons israéliennes. Un mur d’apartheid et un encerclement de la bande de Gaza privent la population de nourriture, de médicaments et de tout moyen de survie.

Israël a, au cours des huit dernières années, commis tous les crimes graves listés dans la convention de Rome. Sans aucun doute, l’administration américaine et ses alliés assument une lourde responsabilité dans l’impunité actuelle et la poursuite de ce lent génocide contre le peuple palestinien.

L’entité sioniste a fait tout ce qu’elle pouvait et mobilisé toutes ses forces pour anéantir définitivement la cause palestinienne. Des responsables de la communauté juive à l’étranger ont tout entrepris pour lier lutte contre le sionisme et antisémitisme et pour couvrir l’extrémisme américano sioniste, même dans les milieux des organisations non gouvernementales. Pourtant, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été prouvés et attestés contre les principaux responsables de l’Etat Hébreu. Il y a toujours une volonté farouche pour protéger l’enfant chéri de la domination occidentale sur le monde arabe. Il nous faut imaginer chaque jour de nouveaux moyens de lutte et de poursuite, afin de créer un équilibre minimum entre le crime et le châtiment. Il y va non seulement du crédit du mouvement international pour les droits de l’homme, mais aussi des fondements de la conception occidentale du droit international.

Bahreïn

De ce sombre tableau, nous avons cru pouvoir excepter le Bahreïn, d’autant que les mesures d’amnistie, qui ont créé une dynamique sociale très avancée, ont mis fin à la peur et à la méfiance et ouvert de nouvelles perspectives pour l’avenir. D’un autre côté, les conservateurs ont su profiter des événements de septembre. Ils ont réclamé l’arrêt des réformes, la prudence dans la reconstitution de l’institution législative et la nécessité pour que l’amnistie recouvre aussi les crimes graves, imprescriptibles, tels que la torture et le meurtre extrajudiciaire. Ainsi, selon le décret 56 de l’année 2002, qui explique certaines dispositions de la loi 10 de l’année 2001, l’amnistie concerne les crimes commis par un fonctionnaire public, civil ou militaire, quelque soit le niveau de sa participation dans le crime, principal ou secondaire, et quelque soit la nature du crime.

La loi organisant la presse, l’impression et l’édition, promulguée un jour avant les élections législatives, stipule dans son article 6 et 77, des choses contradictoires avec le principe de la transparence démocratique et comprend des contraintes injustifiées aux journalistes les exposant à de durs châtiments.

Le Bahreïn a connu de nombreuses vagues d’arrestations ces dernières années et après avoir vidé ses prisons. J’ai vu personnellement, il y a deux ans, comment les services de sécurité se sont comportés avec un rassemblement pacifique. Ils ne se sont pas contentés d’utiliser des bombes lacrymogènes, de recourir aux bastonnades, aux coups de feu et aux arrestations, mais nous ont mis sous le contrôle d’hélicoptères et un siège policier étranglant durant des heures.

Libye

La pénitence de Kadhafi constitue le nouveau modèle « du rapport de l’administration américaine et la plupart des gouvernements occidentaux » aux droits de l’homme. Depuis que le Colonel libyen a rejoint l’orchestre du chantage de « la guerre contre le terrorisme » et obtenu un certificat de bonne conduite, il n’est plus tenu d’apporter le moindre changement à sa gestion des droits de l’homme dans son pays. Nous en avons une bonne illustration à travers l’arrestation de 14 militants pour les droits civiques en date du 16/02/2007. Au cours du procès de ces derniers, nous avons constaté, le mois dernier, pour la septième fois consécutive, que deux des prévenus, Jomâa Boufaied et Abderrahman Al Ketioui, n’ont pas été présentés au procès, ce dont nous nous inquiétons beaucoup.

Mondialisation de l’Etat d’urgence

Ce rapport n’est pas exhaustif. Nous n’avons pas tout dit sur les violations dans les pays cités et nous n’avons pas cité certains autres, par manque de temps. Mais il convient, à ce niveau, de mentionner « la traduction arabe de la mondialisation de l’Etat d’urgence », et ce sur tous les plans. Ainsi, nous avons aujourd’hui ce qu’on peut appeler « les prisonniers arabes sans frontières », un phénomène qui intéresse quelques 10.000 personnes, allant du Pakistan à la Californie, présentes dans tous ces pays et chez leurs voisins immédiats. En Syrie, il y a des prisonniers irakiens et saoudites, alors qu’en Irak, il existe des prisonniers arabes de toutes  nationalités.

Au Koweït, il y a des prisonniers irakiens et d’autres nationalités ; en Arabie Saoudite des prisonniers yéménites, irakiens, des pays du golfe et autres. En Egypte, des prisonniers soudanais, comme il y a des prisonniers arabes en dehors des pays arabes en grand nombre.

Il y a aussi un phénomène qu’on peut appeler « prisons sans frontières », tel que le camp de Guantanamo ou les prisons secrètes existant en Jordanie, Roumanie, Pologne et de nombreux autres pays du monde.

Mais le chiffre le plus important des ‘prisonniers arabes sans frontières’ reste celui de Guantanamo :

25 Algériens, 108 Yéménites, 8 Syriens, 11 Tunisiens, 132 Saoudiens, 9 Soudanais, 6 Bahreïnis, 2 Somaliens, 4 Egyptiens, 2 des Emirats arabes unis, 6 Iraquiens, 5 Jordaniens, 12 Koweitiens, un Libanais, 11 Libyens, 3 Palestiniens, 9 Marocains, 3 Mauritaniens, et un Qatari de la tribu d'Al Marri, ayant entre temps perdu sa nationalité avec 5700 Qatari de sa tribu déchus de leur nationalité.

Il existe aussi ce que l’on peut appeler « interrogatoires sans frontières » et selon lequel des agents du FBI peuvent venir dans nombre de pays arabes, nous en avons connus cinq,  pour participer aux interrogatoires avec les agents locaux. Ainsi, nous sommes passés de la mondialisation sous la férule unique de l’Amérique à ce que l’on peut appeler «  les violations graves et sans frontières des droits de l’homme », la mondialisation de l’Etat d’urgence, de la torture, des arrestations arbitraires et des prisons extrajudiciaires et enfin au meurtre extrajudiciaire.

Il existe actuellement dans le seul Irak, huit foyers ou centres pouvant tuer et causer ainsi la mort extrajudiciaire. Il n’est pas étonnant que les forces d’occupation y soient comprises, en même temps que le ministère de l’intérieur, à côté d’autres organisations terroristes. Le crime organisé a sa part dans les enlèvements et les demandes de rançon et dans l’assassinat des victimes, au cas où leurs familles ou des parties politiques ne paient pas la rançon.

Aperçu géopolitique

Après ce bref aperçu des conséquences immédiates sur les droits de l’homme dans le monde arabe, nous allons essayer de dessiner les grandes lignes de la situation géopolitique par rapport aux libertés fondamentales et des droits de l’homme.

Le besoin qu’a l’administration américaine des services de sécurité arabes dans ses guerres étrangères, a permis la réhabilitation de ces services et rendu le discours américain sur la démocratie une risée pour tout le monde et discrédité par les gens les plus simplistes.

Il est clair que le résultat fondamental, aux plans psychologique et politique, de l’échec du modèle occidental des droits de l’homme a permis de libérer les petites dictatures de leurs chaînes. Celui qui institue le Camp X Ray n’est pas capable de réclamer la fermeture des prisons arabes et israéliennes de triste réputation. Tout comme celui qui promulgue le Patriot Act ne peut s’opposer aux lois d’exception dans le monde arabe. Les droits de l’homme ne sont plus dans le discours officiel américain que des mots creux, vides de sens, utilisés pour faire chanter ses ennemis politiques à travers le monde.

Le système politique arabe, après avoir échoué dans son combat pour le développement et l’unité arabe- le vote syrien, en faveur de  la résolution 1441, au nom de l’ensemble arabe- n’a plus rien à dire en matière de souveraineté, d’indépendance et d’autonomie de décision. Les bases américaines se multiplient dans les pays du golfe et la presqu’île arabique. Les services secrets américains sont présents dans les centres d’interrogatoire dans le monde arabe. Leurs collègues arabes sont au petit soin avec eux et ne leur refusent rien, bien qu’ils sachent pertinemment le haut degré de la collaboration israélo- américaine.

Le refus de la plupart des régimes arabes de compter sur leurs peuples et leur choix de privilégier la coopération avec l’administration américaine dans ses projets régionaux, a fait d’eux, non seulement des pouvoirs qui violent les droits de leurs citoyens et refusent toute réforme ou amélioration, mais aussi des producteurs de la violence sociale, avec toutes les conséquences sur la paix civile et internationale.

Que faire ?

Dans cet état général de ruines, est-il possible de faire quelque chose aux plans arabe et international, ou bien sommes-nous, tous, gouvernements et gouvernés, sortis de la dynamique de l’histoire ?

Il est certain que l’effondrement de l’ordre arabe va laisser des traces sur les sociétés, mais sans aller jusqu’à déterminer l’avenir des peuples. Certes, ces peuples ont perdu beaucoup de leur dignité, de leur conscience et de leur capacité à réagir et à prendre des initiatives, sous le coup de la tyrannie, de la corruption et de la mainmise des services de sécurité. Malgré cela, il faut croire que le suicide collectif n’est pas un trait de caractère arabe et n’appartient pas à la culture orientale qui interdit toute forme de suicide sous quelque prétexte.

C’est ce qui nous rend confiants et nous permet de penser que la situation actuelle, aussi dégradée soit-elle et même accompagnée d’un certain racisme parfois et d’un repli sur soi, avec en réaction, un extrémisme aveugle, constitue le creuset et l’alchimie de la vie ; et peut de ce fait constituer les semences de l’avenir pour nos enfants.

Il y a néanmoins cette question: pouvons-nous y jouer un rôle ou bien notre génération a-t-elle déjà joué le sien ?

J’ai eu l’occasion de répéter au cours de mes dernières interventions, qu’il serait difficile pour les petites chapelles de défense des droits de l’homme, pour les groupuscules politiques et les syndicats taillés sur mesure, de répondre aux défis de l’étape. Une telle mission exige que l’on reconsidère les programmes et les stratégies d’action des Organisations non gouvernementales au plan arabe et international. L’obéissance du pouvoir politique à la loi du plus fort, la capacité à annihiler la résistance des gouvernements, l’illégitimité de la plupart des pouvoirs exécutifs arabes et les tentatives d’intervention directe des Etats-Unis dans les politiques des pays de l’OTAN, ont donné aux représentants de la société civile un rôle central dans la résistance civique pour la défense des droits et des libertés. Ce contre pouvoir qui ne se limite plus au rôle  traditionnel d’intermédiaire entre l’Etat et la société et le clapet de sécurité contre la violence intérieure et le lien entre les peuples, les cultures, ainsi que la dernière citadelle pour la défense de la solidarité internationale. C’est devenu même, selon l’expression de Mahmoud Mohamed Salah et Morot Doufargues, porte parole officiel d’une éthique universelle agressée par l’ordre mondial actuel dans ses constituants fondamentaux, économiques, politiques et militaires.

L’agression de l’Irak fut le début d’une nouvelle étape dans laquelle la loi de la force a écrasé la force de la loi. La réponse à l’arrogance de la force exige le passage à un rassemblement politique et associatif des voix hostiles à la domination américaine et qui défendent leur droit à la différence : les syndicats progressistes, les agents des organisations humanitaires et de bienfaisance, les intellectuels critiques et l’homme de religion résistant, tout comme le parti politique et l’Organisation non gouvernementale. Toutes ces forces doivent assumer la responsabilité de reconstituer les réseaux de lutte et de défense de la dignité humaine. Et ce à un moment crucial de déliquescence politique et de délitement institutionnel accompagné de tentatives d’exploiter une situation arabe très détériorée, pour consolider l’exploitation et la tyrannie à l’échelle mondiale.

Pour répondre aux défis réels de « la mondialisation de l’Etat d’urgence », c'est-à-dire la tragique victoire de la barbarie dans les esprits, les comportements et les institutions, il nous faut avant toute chose procéder à la construction d’un vaste front démocratique à l’échelle mondiale (6).

Traduit de l’arabe par Ahmed Manai

 

1- Haytham Manna : les conséquences de la politique américaine des droits de l’homme sur la situation arabe. Conférence à Manama, à l’invitation de l’association Bahreini des droits de l’homme.

Voir aussi du même auteur, le livre : Les Etats-Unis et les droits de l’homme.

2- Talal Khaldi : une heure et demi qui ont bouleversé le monde : l’automne de Damas et les nouveautés internationales, Revue Moukarabat, numéros 4 et 5, 2002 ;

3- Témoignage de Ahmed Hamid Saïd : 31/01/2002, archives de l'ACHR.

4- Du témoignage de Khaled Al Dosari, 22/09/2002, archives de l'ACHR. Le dossier de k. Al dosari n’était pas encore clos quand les autorités jordaniennes avaient arrêté le 24 Ramadhan l’ingénieur informaticien Yasser Fethi Ibrahim Ferihat le déférant devant la cour de sûreté de l’Etat. Le ministère de l’information jordanien avait évoqué à l’époque son rôle dans l’assassinat du diplomate américain Foli.

Des aveux ont été arrachés à la victime sous la torture et ont conduit à son inculpation pour un usage strictement de désinformation médiatique. La victime a été déférée devant la cour de la sûreté de l’Etat et condamnée avec Salem Sâad Salem (ressortissant libyen) à mort, le 11/03/2002.

5- Voir aussi sur le même sujet : Maha Youssef, Imed Moubarek et Mustafa Al Hassan : les lois d’exception et le droit à l’association en Egypte : ACHR, publications Eurabe, Paris, 2002.

6- Voir : Haytham Manna : La justice ou la barbarie, Al Ahali et ACHR, Eurabe, paris, 2006.

*Conférence prononcée à Taez (Yémen) le 8 mars 2008, à l’occasion de la journée de la femme et à l’invitation de Women's Forum for Research and Training - WFRT- Yemen.

 

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