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2015-04-14

14 députés palestiniens à la Knesset, pour faire quoi ? fadwa nassar

 

 

Fadwa Nassar

La liste électorale unifiée des Palestiniens de l’intérieur a obtenu 14 sièges à la Knesset sioniste, en troisième position après le Likoud et le Bloc sioniste. Cette liste unifiée est composée de l’ensemble des partis palestiniens participant aux élections d’un des organismes les plus racistes et les plus criminels de l’entité. Bien que ces partis aient été formés à des dates différentes (le plus ancien étant le parti communiste), leur présence au sein de la Knesset sioniste a témoigné du recul du vote palestinien pour les partis sionistes, notamment après les années 90. En un sens, la participation électorale des Palestiniens de l’intérieur à la Knesset leur a permis d’affirmer leur autonomie politique.

Malgré leur présence au sein de la Knesset, les partis palestiniens qui composent cette liste unifiée ne votent ni les lois racistes ni les lois coloniales, au contraire. Ils ont tenu, depuis leur formation, à rejeter systématiquement toute proposition de loi coloniale (visant les terres du Naqab et d’al-Jalil par exemple), toute loi raciste (imposant des sanctions économiques, culturelles ou sociales aux Palestiniens) et toute loi criminelle (envers les prisonniers palestiniens par exemple). Mais, malgré leur voix unie, ils n’ont jamais réussi à contrecarrer les législations sionistes ni à empêcher une quelconque mesure raciste. Au mieux, les députés palestiniens participant à quelques commissions subalternes issues de la Knesset sont-ils parvenus à faire accepter des lois sociales générales (des mesures en faveur des handicapés, par exemple) ou à dénoncer des mesures ou des propositions de lois, ou même à rendre visite à des prisonniers palestiniens. 

La loi sioniste ayant relevé le seuil d’éligibilité à la Knesset visait en partie les partis arabes qui, jusqu’aux élections précédentes, ne parvenaient pas à s’entendre sur une liste unique, malgré les vœux des Palestiniens de l’intérieur. Aux élections précédentes, la participation des Palestiniens de l’intérieur aux élections de la Knesset n’a pas dépassé les 50%, pour deux raisons essentielles : la vague croissante de l’appel au boycott de ces élections sionistes, d’une part et le manque d’unité entre les partis d’autre part, même si les partis concernés l’expliquaient par la « dépolitisation » de l’électorat arabe palestinien, pour éviter la discussion en profondeur de l’alternative du boycott. Il reste que la liste unifiée de ces partis n’a pas été le fruit de la pression de l’électorat palestinien, mais plutôt de la pression engendrée par la loi sioniste sur le seuil d’éligibilité. 

Les partis arabes palestiniens composant cette liste crient à présent victoire. Ils sont parvenus à mobiliser 70% de l’électorat arabe en leur faveur et leur liste est en troisième position. Mais s’ils sont capables de s’unifier pour participer à cet organisme sioniste qu’est la Knesset, avec l’illusion de pouvoir changer quoi que ce soit dans la politique coloniale, pourquoi ne parviennent-ils pas à s’unir pour organiser des élections au sein du « Haut Comité de Suivi des masses arabes », organe représentatif des Palestiniens de l’intérieur ? Alors que c’est le Haut Comité qui appelle aux manifestations, aux journées de protestation et qui dénonce incessamment les mesures coloniales de l’entité ? Il est symptomatique que les partis qui entravent le plus les élections démocratiques au sein du Haut Comité de Suivi soient ceux qui crient le plus victoire aux élections de la Knesset. Pourtant, organiser la lutte des Palestiniens de l’intérieur et assurer la liaison entre eux et les Palestiniens des autres territoires occupés et de l’exil apparaissent de plus en plus comme les tâches vitales et prioritaires, ce que ne peuvent faire les députés élus à la Knesset sioniste, mais que peuvent faire et sont appelés à faire les représentants au sein du Haut Comité de suivi.  

Si le public colonial sioniste fut disputé, au cours de la bataille électorale, par les ultras et les moins ultras, les fascistes et les moins fascistes, des partis en compétition, le public arabe palestinien fut par contre disputé entre les partis ayant décidé de s’unifier pour la bataille électorale et les forces politiques qui ont décidé de poursuivre et d’accentuer la campagne de boycott de ces élections, jugées internes à l’entité sioniste. Que ce soit pour le parti Abnaa al-Balad (qui a toujours refusé cette participation et qui appelle au boycott, et qui a déjà subi une scission interne, précisément à cause de cette participation), ou pour le Mouvement islamique – partie nord (qui ne participe pas, sans cependant appeler au boycott, et qui est l’émanation de la partie du Mouvement islamique ayant refusé la participation aux élections de la Knesset), la participation aux élections de la Knesset témoigne d’une vision étriquée du conflit arabo-sioniste où les Palestiniens de l’intérieur sont perçus comme des citoyens ayant pour tâche de lutter pour l’égalité des droits au sein de l’entité coloniale, outre le fait qu’elle permet aux sionistes de se vanter d’une démocratie qui n’exclut pas « ses minorités ». S’ajoutent à ces deux formations politiques refusant le principe de la participation au Knesset, une nouvelle formation issue de la jeunesse du Rassemblement National démocratique et de nombreux comités estudiantins ou de quartiers, d’intellectuels ou de militants « indépendants », qui furent souvent aux pointes des luttes contre la judaïsation du Naqab (contre le plan Prawer) et dans le soutien aux prisonniers palestiniens. 

La campagne pour le boycott des élections de la Knesset a été largement écartée des médias palestiniens et arabes, qui ont préféré mettre en avant la liste unifiée et appelant même à la soutenir. Au niveau palestinien, les partis de l’Autorité Palestinienne (Fateh, FDLP, etc..) n’ont pas caché leur préférence pour la participation, ce qui a fait frémir Netanyahu qui en a profité pour accuser l’Autorité d’intervenir dans les élections. Au niveau arabe, même La Ligue arabe a appelé les masses palestiniennes de l’intérieur à voter pour la liste unifiée. Malgré cet alignement, les formations appelant au boycott, et notamment Abnaa al-Balad, ont dénoncé l’attaque fasciste ayant visé Hanine Zo’bi (Rassemblement) au cours de la campagne et ont tenu à souligner qu’il n’est pas question de juger les participants de « collaborateurs » et que les différences de positionnement envers ces élections ne doivent pas influer sur le cours des luttes communes contre l’entité coloniale et ses projets (déclaration du collectif représentant les réfugiés internes, par exemple).

Même si le taux de boycott fur moins élevé au sein des masses arabes, en comparaison avec les élections précédentes, à cause précisément de l’unité de la liste arabe, il faut cependant remarquer que face aux colons et à leur entité, la seule voie encore porteuse d’espoirs demeure dans l’unité de la lutte et dans l’unité du Haut Comité de Suivi élu pour représenter les masses palestiniennes, au niveau des Palestiniens de l’intérieur, et au niveau de l’unité de l’ensemble du peuple palestinien, qu’il soit en exil, dans les territoires occupés en 67 ou en 48. C’est précisément dans ces luttes unies qu’apparaîtra le dérisoire de ce que peuvent faire 14 députés palestiniens à la Knesset sioniste.


Assawra/ 20 mars 2015

 

 

 

 

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