Imaginez une minute. Je dis bien "imaginez" car
nous espérons tous que ce ne sera jamais le cas.
Imaginez qu’un État voisin d’Israël ait décidé
de bombarder ce pays. Imaginez l’horreur : des
enfants jouant sur une plage, dont le corps est
coupé en deux. Des femmes dévisagées. Des
hommes écrasés sous des immeubles en feu. Des
écoles bombardées. Des milliers d’orphelins. Des
milliers de blessés…
Immédiatement, tous nos pays auraient réagi : en
moins d’une heure, les avions de l’Otan
auraient décollé des bases les plus proches.
L’Europe aurait organisé un pont aérien pour
évacuer les blessés, les soigner dans nos
hôpitaux et fournir à tous les vivres
nécessaires.
Oui, si Israël avait été attaqué, nous aurions
tous réagi immédiatement et avec beaucoup de
force. C’est normal. Israël est un pays ami.
Critiquer Netanyahu, ce n'est pas critiquer
Israël
Alors comment expliquer notre inertie quand un
autre pays ami, la Palestine, est sous les
bombes ?
"Quand c’est des Arabes qui sont tués, tout le
monde s’en fout ? Israël a le droit de tuer
parce qu’on est arabe ?" demandait une jeune
fille dans la manifestation du 13 juillet. Je
n’ai pas su lui répondre.
Notre amitié pour Israël ne peut aucunement
justifier notre inertie.
Critiquer Netanyahu, ce n’est pas critiquer
Israël. L’Hymne d’Israël c’est Hatikva,
l’Espoir. Hélas, la stratégie d’hyper-violence
de Benjamin Netanyahu est en train de détruire
l’espoir. Il enferme son pays et tout le
Moyen-orient dans une logique de guerre
perpétuelle.
À chaque fois que Netanyahu se réjouit d’avoir
éliminé un terroriste, il provoque la haine de
centaines de milliers d’hommes et de femmes en
Palestine et dans le reste du monde. Parmi eux,
combien vont s’engager dans des mouvements
terroristes pour venger la mort de centaines
d’innocents ? C’est un engrenage qui va
provoquer des souffrances terribles dans les
deux camps et ne pourra jamais assurer la
sécurité d’Israël.
Deux États, c'est la seule solution pour une
paix durable
La stratégie choisie par Yitzhak Rabin en 1993,
construire la Paix avec ceux des Palestiniens
qui veulent aussi la paix, était plus courageuse
et plus efficace. Rabin n’était pas un pacifiste
béat : il était général et avait été l’un des
premiers militaires israéliens à rentrer dans la
vieille ville de Jérusalem lors de la guerre des
six jours en 1967.
Mais il savait que les armes doivent se taire si
l’on veut construire une paix durable.
Construire deux États et permettre aux deux
peuples de vivre sereinement dans des
territoires reconnus par la communauté
internationale est la seule façon d’assurer la
sécurité de tous. Pas de paix durable sans
justice sociale et sans respect de l’identité et
de la souveraineté des peuples.
Nétanyahu a dit ce week-end qu’il
voulait continuer le combat jusqu’à
assurer "le retour au calme pour les citoyens
d'Israël. De quel calme parle-t-il ?
Sortons du terrorisme intellectuel
La droite israélienne se croit autorisée à tuer
du fait de la passivité complice de l’Europe et
des États-Unis comme de la faible solidarité
avec Gaza affichée par les États arabes. Mais
c’est un calme trompeur que prépare Nétanyahu :
on sait depuis le 11 septembre 2001 que les
attaques les plus meurtrières ne viennent pas
forcément des états.
Critiquer Nétanyahu, ce n’est pas sacrifier la
sécurité d’Israël. Au contraire !
Dénoncer le martyr du peuple palestinien, ce
n’est pas oublier ou minimiser le martyr qu’a
subi le peuple juif. Vouloir stopper l’horreur
en Palestine, ce n’est pas de l’antisémitisme.
Il faut en finir, une fois pour toute, avec ce
terrorisme intellectuel qui fait que quiconque
critique une décision du gouvernement israélien
serait antisémite.
Ma femme s’appelle Esther. Un de nos enfants
s’appelle David. Étant Chrétien, je suis
spirituellement et culturellement sémite car
j’ai été nourri dans mon enfance par ce que la
foi et la culture juives ont apporté à la foi et
à la culture chrétiennes.
Oui, je suis sémite mais en aucun cas, je ne
veux être complice de la politique de Netanyahu.
Des conditions de vie scandaleuses imposées par
Israël
Depuis des années, les conditions de vie à
Gaza sont scandaleuses : en juillet 2004, la
Cour Internationale de Justice affirmait déjà
que la construction du Mur de séparation était
contraire au Droit international.
Cela fait 10 ans !
Avant même le
déluge de feu qui s'abat sur ce territoire
depuis le 8 juillet, tous les
rapports de l’ONU ou de Médecins sans frontières
dénonçaient les conséquences très graves sur la
santé des Gazaouis du
blocus imposé depuis 2006 par la droite
israélienne.
Il est urgent que la France et l’Europe passent
à l’action pour arracher Israël et Palestine à
la logique de guerre.
Au Chili, les députés ont décidé à l’unanimité -
droite et gauche confondues - de cessez
les relations commerciales avec Israël.
Le Brésil puis l’ensemble
des cinq pays du Mercosur ont fait de même.
Si l’Europe,
qui représente 33 % des exportations
israéliennes, décidait à son tour
d’un tel boycott, nul doute que cela aurait une
influence très forte sur les décisions prises à
Tel-Aviv.
Le boycott, le moyen d'obtenir la fin de la
guerre
"Le boycott, c’est comme ça qu’on a eu la peau
de l’apartheid en Afrique du Sud, me disait il y
a quelques jours Michel Rocard. C’est une arme
très efficace." Pourquoi l’Europe et les
États-Unis ont-ils décidé de sanctions contre la
Russie mais d’aucune sanction contre Israël ?
Pour obtenir immédiatement un vrai
cessez-le-feu, il faut saisir la Cour Pénale
Internationale.
À plusieurs reprises depuis un mois, l’ONU a
affirmé que l’armée
d’Israël ne respecte pas les lois de la guerre.
C’est intolérable ! Une
plainte a été déposée le 25 juillet par un
avocat français au nom du ministre
palestinien de la Justice. Pour que la CPI
puisse agir, Dominique de Villepin propose de "donner
droit aux demandes palestinienne d’adhérer à la
CPI".
Il a raison : il faut effectivement permettre
l’adhésion de la Palestine. Mais cette
négociation va prendre du temps et son issue est
incertaine.
Un cessez-le-feu immédiat pour pouvoir
intervenir
Vu la gravité de la situation, la France devrait
annoncer qu’elle reprend à son compte la plainte
de la Palestine. En l’élargissant aux crimes
commis par les deux camps et en donnant demain
comme date de début de la période à partir de
laquelle les territoires palestiniens seront de
facto sous protection internationale.
À partir de demain, Benjamin Netanyahu et ses
proches seraient personnellement responsables de
tous les actes commis par l’armée ou par les
services spéciaux israéliens dans la bande de
Gaza. Si la barbarie continue, ils risqueraient
de finir leurs vies en prison.
Saisir la Cour Pénale Internationale devrait
permettre un cessez-le-feu immédiat. Ce
cessez-le-feu devrait être suivi sans délai de
l'envoi d'une force d’interposition pour
sécuriser et démilitariser Gaza, la Cisjordanie
et Jérusalem est. L’Europe pourrait mettre à
disposition de l’ONU la brigade
franco-allemande.
Pourquoi la brigade franco-allemande ? Parce que
les 5.000 hommes de cette brigade sont la preuve
vivante que deux peuples qui se sont déchirés et
détestés pendant des décennies peuvent, malgré
tout, faire la paix. Une aide humanitaire
d’urgence doit être envoyée pour soigner et
nourrir les populations martyrisées depuis un
mois.
Il faut lever le blocus de Gaza
La levée du blocus imposé par Israël à Gaza est
un préalable à la levée du boycott par l’Europe
des exportations israéliennes. Ce blocus est
totalement illégal. Il rend impossible tout
développement économique de Gaza. Il détruit la
santé de milliers d’enfants. Il démoralise et
empoisonne la vie quotidienne de centaines de
milliers d’adultes. Le
blocus doit être levé immédiatement.
Pour faciliter la réussite des négociations, il
faut dire clairement quelles seront les
sanctions en cas de statu-quo (sanctions
financières, économiques, militaires…) mais
aussi quelles seront les aides en cas de succès
: de même que l’Allemagne et la France ont
bénéficié après la seconde guerre mondiale des
financements du Plan
Marshall, l’ONU doit organiser un
plan d’aide très significatif pour financer le
retour en Israël d’un grand nombre de colons
tout comme la reconstruction et le développement
des zones occupées depuis des années.
La paix est possible. C’est une question de
courage politique.
La paix n'est pas négociable
Qu’on se souvienne du discours de Pierre Mendès
France le jour de son investiture :
"Si je n’ai pas fait la paix en Indochine dans
un mois, je démissionne."
Beaucoup ont ricané :
"Cela fait des années que la guerre ravage
l’Indochine et nul n’est parvenu à éteindre le
brasier. Pour qui se prend ce Juif ?"
Mais 30 jours plus tard, le Juif Mendès signait
la paix.
Pourquoi François Hollande et les autres
dirigeants européens ne font-ils pas preuve du
même courage et du même volontarisme ?
Boycott commercial, saisine de la Cour Pénale
Internationale, orce d’interposition,
négociation de paix et Plan Marshall...
Construire la paix entre Israël et la Palestine
est encore possible. Oui, il est temps d’agir
avec force pour que soient brisées les
logiques de haine et que revienne l’espoir.
Si les dirigeants européens ne s’engagent pas
pleinement dans ce chantier, ils seront
complices de ce qui se passe à Gaza. Complices
de crimes de guerre.
Source : Le Nouvel observateur 04-08-2014
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