L’ancien président Bush avait
décrété la « guerre du bien contre le mal ».
Dans ce cadre, tout ce qui était arabe et
musulman représentait le terrorisme et une
menace contre la civilisation (occidentale, ça
va de soi). Cette politique s’accompagnait de la
criminalisation systématique des musulmans
vivant en Occident.
Le mythe du « bon
Arabe »
Les révoltes du monde arabe
balaient ces stéréotypes racistes et frappent
toutes les formes de régime : déjà, les
dictatures mafieuses sont partiellement tombées
en Tunisie et en Egypte. Les aspirations à la
liberté, le refus de l’étouffement, le réveil de
la lutte des classes et le dégoût face à une
classe dominante qui a accaparé toutes les
richesses soulèvent des lames de fond dans des
pays apparemment très différents : Syrie,
Bahreïn, Libye, Yémen, Maroc, Algérie … Dans
toutes ces révoltes, l’intégrisme religieux,
dont on avait fait un épouvantail, joue un rôle
marginal.
L’impérialisme a depuis
longtemps choisi ses « bons Arabes », ceux qui
garantissent l’ordre capitaliste et qu’on peut
exhiber comme un rempart contre le terrorisme et
l’islamisme. Le soutien aux féodalités du Golfe
date du début du XXe siècle. Pour garantir la
possession des richesses pétrolières, un «
modèle social » domine la région, mélange de
féodalisme patriarcal, intégriste, obscurantiste
et d’ultralibéralisme ayant réduit au rang
d’esclaves des millions de prolétaires
étrangers. Le soutien à ces régimes est plus que
jamais d’actualité : l’armée saoudienne est
intervenue à Bahreïn tout en soutenant
l’intervention occidentale en Libye. Il n’y a
pas de contradiction : dans les deux cas, il
s’agit de prévenir tout bouleversement
incontrôlable et de maintenir l’ordre
capitaliste. Le fondamentalisme saoudien est
censé représenter la civilisation face à la
barbarie iranienne. Après l’Irak et
l’Afghanistan, c’est peut-être là qu’aura lieu
la prochaine guerre « préventive ».
Avec les féodaux saoudiens,
Moubarak a représenté pendant trois décennies et
jusqu’à la caricature le prototype du « bon
Arabe ». Il a amplifié l’alliance avec les
Etats-Unis qui forment et équipent l’armée
égyptienne. L’aide économique permet à la
population surexploitée de survivre dans
l’extrême pauvreté. Moubarak était devenu le
gendarme de la région en participant au blocus
de Gaza.
Et en Palestine ?
Parmi les mensonges
fondateurs du sionisme, il y a la phrase
attribuée à Zangwill « une terre sans peuple
pour un peuple sans terre ». Les sionistes se
sont comportés lors de leur arrivée dans la
région comme si la Palestine était une terre
sans peuple. Dès le départ, pour acquérir la
terre et conquérir le territoire, ils se sont
adressés à des féodaux locaux qui ont vendu ou
bradé la terre palestinienne. Quand il est
devenu clair qu’un mouvement national émergeait
en Palestine dans les années 1930, les sionistes
ont trouvé un allié avec la dynastie hachémite
(la future Jordanie) pour se partager le pays.
Dans la guerre de 1948, chaque armée arabe s’est
battue pour ses propres intérêts nationaux et
pas pour les Palestiniens. À la fin de la
guerre, il y a eu consensus parmi les dirigeants
arabes pour qu’il n’y ait pas de Palestine. La
bande de Gaza est devenue égyptienne alors que
la Jordanie annexait Jérusalem Est et la
Cisjordanie. Les réfugiés palestiniens expulsés
de leur pays ont été très mal accueillis dans
les « pays frères », en particulier au Liban.
La stratégie israélienne de
nier l’existence du peuple palestinien en
s’appuyant sur des dirigeants arabes complices
s’est prolongée très longtemps. En 1970, l’armée
israélienne a apporté un appui décisif au roi de
Jordanie pour écraser les Palestiniens
(Septembre Noir). En 1977, les accords
Begin-Sadate ont eu pour but de faire une paix
séparée pour mieux écraser la Palestine. Et
pendant la guerre civile du Liban, il y a eu
alliance stratégique entre Ie gouvernement
israélien et les Phalanges Libanaises pour
liquider l’OLP. Pendant cette même guerre
civile, la dictature syrienne a aussi servi
d’allié objectif quand l’OLP s’est retrouvée
encerclée entre les tanks syriens et les
vedettes israéliennes.
La première Intifada a obligé
les dirigeants israéliens à reconnaître l’OLP.
Mais pas les droits du peuple palestinien. Les
textes signés lors des accords d’Oslo ont porté
essentiellement sur la sécurité de l’occupant.
Les questions essentielles (l’occupation, la
colonisation, l’apartheid, les réfugiés, les
frontières …) n’ont pas trouvé de solution.
Arafat a refusé à la fin de signer une paix qui
aurait baptisé « Etat Palestinien » quelques
cantons éclatés non-viables et il en est
probablement mort. Avec son successeur, Mahmoud
Abbas, les Israéliens ont trouvé un dirigeant
beaucoup plus complaisant, acceptant les pires
humiliations pour son peuple et continuant
pourtant à maintenir une « Autorité
Palestinienne » de plus en plus fantoche. Avec
le Premier Ministre Salam Fayyad, l’homme du
FMI, ils ont entrevu la possibilité de pouvoir
faire des affaires sans avoir besoin de trouver
un règlement politique.
La division entre Gaza et la
Cisjordanie a été une très grande victoire pour
l’occupant. Elle a permis une accélération du
fait accompli colonial et un crime de guerre
resté impuni, le massacre de « plomb durci ».
Une résistance
ancienne
Les Palestiniens ont tiré des
leçons de leur histoire douloureuse. S’accrocher
à leur terre, même quand celle-ci est détruite.
Ne plus partir en exil comme en 1948 et
partiellement en 1967. Réussir à vivre, à
produire, à s’organiser malgré l’occupation. Il
y a en Palestine un foisonnement d’associations
et de syndicats. On pourrait citer le PARC (Palestinian
Agricultural Relief Commitees) qui a créé une
entraide entre paysans pauvres et population
sans ressources, le PHCR (Centre Palestinien
pour les Droits de l’Homme) qui dénonce tous les
crimes d’où qu’ils viennent. Les femmes jouent
un très grand rôle dans cette auto organisation
de la société palestinienne, surtout depuis que
les hommes qui travaillaient en Israël ont été
licenciés et ont perdu leurs moyens d’existence.
Des syndicats indépendants défendent les
employés de l’UNRWA (l’office des réfugiés de
l’ONU) qui discrimine les travailleurs
palestiniens. Dans les camps de réfugiés, la
population, abandonnée, a su créer elle-même les
logements des habitants, des centres sociaux et
des associations de défense.
Depuis de nombreuses années,
la population est massivement convaincue que
l’ensemble des institutions issues des accords
d’Oslo ne vise qu’à perpétuer indéfiniment
l’occupation et qu’on ne peut attendre que le
pire d’un processus de négociations piloté par
l’impérialisme américain. La Palestine a été
divisée par l’occupant en plusieurs entités :
Cisjordanie, Gaza, Jérusalem, Palestiniens de 48
(vivant en Israël) et Réfugiés.
En 2005, 172 associations
palestiniennes ont initié l’appel international
au BDS (boycott, désinvestissement, sanctions)
de l’Etat d’Israël. Il s’agit de s’en prendre à
l’Etat d’Israël sur tous les plans (économique,
politique, académique, culturel, sportif …) tant
que dureront l’occupation, la colonisation,
l’apartheid et l’exil des réfugiés. Cet appel a
déjà remporté d’importants succès et les
dirigeants israéliens sont très préoccupés par
la dégradation de leur « image » qui en résulte.
La résistance en Palestine
est aujourd’hui essentiellement non-violente.
Elle s’est structurée avec des comités
populaires unitaires qui luttent contre les
destructions de maisons ou de quartiers (Silwan
et Cheikh Jarrah à Jérusalem), le tracé du Mur,
les confiscations de terre et les arrachages
d’oliviers (Bil’in, Masara, Beit Ommar, Tulkarem
…). En face, l’occupant n’est pas non-violent,
30 résistantEs ont déjà été assassinéEs.
La division de la Palestine
qui n’a pas d’Etat mais deux gouvernements
rivaux est vécue justement comme une tragédie.
De nombreuses manifestations pour l’unité et
contre les négociations bidon ont eu lieu aussi
bien à Ramallah qu’à Gaza et les deux
gouvernements les ont réprimées.
En décembre 2010, la jeunesse
de Gaza a publié un manifeste « Merde à Israël,
merde au Hamas, merde au Fatah. Merde à l’ONU et
à l’UNRWA. Merde à l’Amérique ! Nous les jeunes
de Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de
l’occupation, des violations permanentes des
droits de l’homme et de l’indifférence de la
communauté internationale ».
En Cisjordanie, le discrédit
de l’Autorité Palestinienne est massif. Lors de
la 166e mission « judéo-arabe » en octobre 2010,
nous avons entendu des propos très durs contre
Mahmoud Abbas : « nous aurions aimé n’avoir
qu’un seul adversaire et pas deux ».
En Israël, il y a 11000
prisonniers politiques palestiniens. On y trouve
un franco-palestinien (Salah Hammouri), de
nombreux élus du Hamas, un membre éminent du
Fatah (Marwan Barghouti) et toute la direction
politique du FPLP. En 40 ans, plus de 600000
PalestienNEs ont connu la prison, cela touche
toutes les familles. Dès 2006, les prisonniers
de tous les partis ont établi un document de
réunification de la Palestine rappelant ce que
devraient être les bases d’une négociation.
Tout va changer
En Tunisie comme en Egypte,
les bourgeoisies essaient de toutes leurs forces
d’endiguer le processus issu des révoltes, mais
à l’heure où ces lignes sont écrites, elles n’y
arrivent toujours pas.
Il était logique que ces
révoltes atteignent la Palestine d’autant que
Mahmoud Abbas avait été, avec Nétanyahou, le
seul dirigeant à regretter la chute de Moubarak.
La question palestinienne a
toujours été centrale dans le monde arabe, même
si les mouvements populaires actuels n’en ont
pas fait leur première revendication. Depuis
1967, la défaite arabe a fortement contribué à
la glaciation de la région, à l’élimination des
forces progressistes et à la domestication de
tous les régimes en place.
En l’espace de quelques
jours, l’Egypte a entrouvert puis ouvert la
frontière de Rafah avec la bande de Gaza. C’est
un signe fort indiquant qu’on est loin d’une
reprise en main achevée en Egypte. À terme, ce
sont toutes les complaisances égyptiennes qui
ont accompagné les accords Begin-Sadate qui
devraient être remises en cause, à commencer par
les livraisons de pétrole et de gaz à bas prix.
L’ignoble blocus de Gaza
établi par l’occupant (pour punir les
Palestiniens d’avoir « mal » voté) avec la
complicité de toute la communauté internationale
est ébréché. Contre ce blocus, une flottille
internationale a été arraisonnée et mitraillée
en 2010 par la marine israélienne (9 morts sur
le ferry-boat turc Mavi Marmara) en toute
impunité. Une autre flottille internationale
partira fin juin. Il y aura un bateau français.
Cette fois-ci, des courants politiques qu’on
avait peu vu jusque-là se mobiliser pour la
Palestine (en France CGT, PC, Mouvement de la
Paix…) ont rejoint la campagne qui rencontre un
grand succès populaire et a déjà collecté
l’argent nécessaire. Cette flottille a les
moyens de rompre le blocus et il sera beaucoup
plus difficile pratiquement et politiquement
pour Nétanyahou de réitérer la répression de
l’an dernier.
Fatah et Hamas ont enfin
signé un accord de réunification qui semble
solide et reprend plusieurs points du document
des prisonniers. Pourquoi cette signature
maintenant ? Il y a une incontestable victoire
du peuple palestinien qui exigeait la fin de la
division et vit cet accord comme une victoire.
Il y aussi le fait que les deux gouvernements
étaient dans l’impasse. Mahmoud Abbas n’a pas
obtenu la moindre miette de l’occupant malgré sa
complaisance. Au contraire, Nétanyahou a utilisé
cette bienveillance pour accélérer la
colonisation, à Jérusalem et en Cisjordanie. Il
y a maintenant 500000 colons. Cette occupation
pille la Palestine. La colonisation est aussi
spatiale. Les colonies encerclent et asphyxient
villes et villages palestiniens. Et Nétanyahou
promet toujours plus de colonies et jamais
d’Etat palestinien.
À Gaza, le Hamas est apparu
quand il a pris le pouvoir comme étant un parti
de la résistance. Mais il a géré, souvent de
façon dictatoriale, le territoire sans aucune
perspective autre qu’un nouveau massacre commis
par l’occupant (1400 mortEs lors de l’opération
« plomb durci »).
La signature de l’accord est
donc aussi un moyen pour les deux partis de
rebondir.
Enfin, il y a du nouveau sur
le plan diplomatique. Déjà des pays ont gelé ou
rompu les relations politiques avec Israël
(Venezuela, Bolivie, Turquie …). Il va y avoir
probablement une demande d’adhésion de l’Etat
Palestinien à l’ONU. Avec des chances
importantes pour que cette demande, si elle est
formulée, soit majoritaire. On change donc de
période dans cette guerre. Mais attention aux
illusions !
Panique en Israël
Le sionisme a traversé des
périodes politiques très différentes depuis
l’arrivée des premiers colons. Sa stratégie,
c’est avant tout le fait accompli, l’exigence
d’impunité au nom d’un crime européen
(l’antisémitisme et le génocide nazi). C’est
aussi réaliser l’idéal de Jabotinsky,
l’idéologue de la droite sioniste dans les
années 1930 : créer un mur de fer face aux «
Arabes » et réaliser le « transfert »,
l’expulsion des Palestiniens au-delà du
Jourdain. Repousser sans cesse la frontière et «
achever la guerre de 48 » pour reprendre le
thème de campagne électorale qui avait porté
Sharon au pouvoir.
Le sionisme a gommé les
différences idéologiques. Il n’y a pas de «
gauche » sioniste. Celle qui s’intitulait ainsi
a participé à tous les crimes contre les
Palestiniens : l’expulsion de 1948, la conquête
de 1967, la colonisation, la répression, le Mur
… Déjà Itzhak Rabin avait installé 60000
nouveaux colons après les accords d’Oslo. Ses
héritiers politiques sont en pleine débandade.
Ils ont approuvé la guerre contre le Liban
(2006) et le massacre de Gaza (2008-09). Ce
n’est pas par hasard si le débat politique en
Israël n’oppose que des partisans de la
colonisation (les intégristes, Nétanyahou,
Liberman, Livni, Barak …). Le sionisme ne désire
surtout pas avoir « un partenaire pour la paix »
(pour reprendre l’expression de Barak) qui
l’obligerait à abandonner les parodies de
négociations actuelles. Au contraire le sionisme
a besoin d’avoir en face de lui le « bon Arabe »
qui fera écran pour ne jamais aborder les
revendications palestiniennes.
Interrogé au moment de la
chute de Moubarak, l’ancien ambassadeur d’Israël
au Caire (Zvi Mazel) a considéré les révolutions
arabes comme une « catastrophe pour les Juifs ».
Au moment de la chute de Ben Ali, la presse
israélienne présentait les manifestants comme
des antisémites traquant les derniers Juifs
tunisiens. L’idée dominante en Israël est que la
démocratie dans le monde arabe est un danger sur
tous les plans. Les analystes évoquent
aujourd’hui la rupture des accords de paix avec
l’Egypte. Nétanyahou rappelle qu’une « attaque
préventive contre l’Iran » était prévue dans son
programme électoral. Son gouvernement sanctionne
l’Autorité Palestinienne pour avoir signé la
paix avec le Hamas, exhorte l’Occident à refuser
toute discussion avec ce dernier et multiplie
les pressions sur différents pays pour empêcher
le départ de la flottille. Il exige comme
préalable la reconnaissance d’Israël comme «
Etat Juif », Sarkozy en a même rajouté en
parlant de « l’Etat des Juifs ».
La politique israélienne
actuelle est le résultat d’une très longue
période d’impunité et d’absence de pression. Ce
n’est parce qu’ils sont mal informés que les
dirigeants occidentaux soutiennent
inconditionnellement Israël, au point de
rehausser les relations économiques entre cet
Etat et l’Union Européenne et d’inonder les
marchés européens de produits venant des
colonies et détaxés. Ce n’est pas parce qu’il
est mal informé que le gouvernement américain
accompagne l’aide privée à Israël d’une très
importante aide publique, économique et
militaire. Aide politique aussi puisque Obama a
empêché par le veto américain toute condamnation
d’Israël à l’ONU. Ce n’est pas par ignorance que
les troupes de la FINUL n’ont jamais tiré un
seul coup de feu contre l’envahisseur israélien
malgré deux occupations du Liban.
Fondamentalement, l’Etat d’Israël, morceau
d’Occident au Proche-Orient permettant de
contrôler la région, Etat surarmé dépensant 60%
de son budget dans l’armement et les
technologies de pointe, c’est l’Etat d’Israël
rêvé pour les dirigeants occidentaux. Un Etat
d’Israël vivant en paix et sur un plan d’égalité
avec les Palestiniens ne les intéresse pas.
Les années d’impunité
d’Israël, celles où tout était permis, sont
peut-être derrière nous. Les bouleversements
dans le monde arabe et en Palestine ouvrent de
nouveaux possibles. Nétanyahou ne changera pas
de politique, mais ses capacités d’action vont
très nettement se rétrécir, surtout si
l’ensemble des dirigeants arabes suit la voie
initiée par l’Egypte ou si la Palestine remporte
des victoires diplomatiques. La chute de son
gouvernement devient possible.
En Israël, une partie de
l’opinion n’est plus représentée à la Knesset et
sait que la politique menée a un côté
suicidaire. Il existe une minorité de militantEs
anticolonialistes que Michel Warshawski appelle
« la petite roue ». Ce sont diverses
organisations « radicales » qui travaillent avec
les Palestiniens : Centre d’Information
Alternatif, Anarchistes contre le Mur, Coalition
des Femmes pour la Paix et bien d’autres. Il y a
un véritable enjeu à ce que, comme en 1982,
cette « petite roue » puisse entraîner la grande
: les centaines de milliers de personnes qui
avaient manifesté contre l’invasion du Liban.
La paix ? Quelle paix
?
Déjà Shimon Pérès, qui n’est
pas à un retournement près, considère qu’il faut
cesser de refuser la négociation avec le Hamas.
Il n’est donc pas exclu qu’on entre d’ici peu
dans une nouvelle période avec la fin du blocus
de Gaza, une entrée de la Palestine à l’ONU et
un gouvernement israélien acceptant sous la
pression de venir à la table de négociation.
Il faut garder en tête la
mémoire de l’échec total d’Oslo et de ses
causes.
Parler d’un Etat palestinien
sans même aborder la question des frontières ou
celle des réfugiés peut être dangereux. La paix
passe avant tout par la reconnaissance du crime
fondateur (l’expulsion des Palestiniens de leur
pays en 1948) et l’examen de la réparation de ce
crime. Parler de paix sans aborder ce qui est à
l’œuvre (colonisation, apartheid, Palestiniens
devenus un peuple de réfugiés) ne peut aboutir
qu’à un échec. Parler de paix sans évoquer le
fait que les 500000 colons devront partir ou
accepter la citoyenneté palestinienne n’a pas de
sens
En 1988, l’OLP avait fait un
pari : amnistier Israël pour 1948 et ne demander
que la réparation de 1967. Le nombre de colons
et d’Israéliens installés à Jérusalem Est et en
Cisjordanie a triplé depuis. Les Palestiniens
qui ont négocié à Oslo ont imaginé qu’il y avait
des sionistes « de gauche » avec qui on pourrait
négocier « la paix des braves » sur la base « la
paix contre les territoires ».
Aujourd’hui, la création d’un
Etat Palestinien sur la base des 22% de la
Palestine historique conquis par Israël en 1967
paraît irréaliste. L’annexion n’est plus
rampante, elle se veut irréversible.
Curieusement le sionisme qui est au départ une
théorie (colonialiste) de la séparation voulant
coûte que coûte séparer les Juifs des Non Juifs,
rend aujourd’hui la séparation impossible. Entre
Méditerranée et Jourdain, il y a quasiment
autant de Juifs israéliens que de Palestiniens
avec une imbrication totale. S’il y a
séparation, on ne voit pas pourquoi ce serait
sur la base 78% pour les uns et 22% pour les
autres. S’il y a une paix fondée sur le droit
international, elle devra accepter la résolution
194 de l’ONU qui proclamait le droit au retour
des réfugiés palestiniens.
Quelle que soit la solution
étatique envisagée, elle ne peut reposer que sur
une égalité complète politique, économique et
citoyenne. S’imaginer que l’idéologie sioniste
dans laquelle tous les Israéliens baignent
depuis leur naissance puisse accepter une telle
issue, c’est se tromper lourdement. La paix
suppose une désionisation d’Israël, la fin des
institutions militaires, policières ou de
conquête que le sionisme a créées (en
particulier le Fonds National Juif KKL) et la
fin de « l’Etat Juif » dans lequel les Non Juifs
sont des sous-citoyens (particulièrement
discriminés). Il ne peut pas y avoir de paix si
les Juifs du monde entier peuvent du jour au
lendemain émigrer en Israël et s’y installer. Un
tel processus implique l’expulsion du peuple
autochtone. Il ne peut pas y avoir de paix sans
une même citoyenneté pour touTEs, indépendamment
des origines ou de la religion.
On entre donc dans une
période passionnante où le colonialisme
triomphant va subir des échecs, mais aussi dans
une période dangereuse.
La priorité des tâches
militantes actuelles, c’est affaiblir l’occupant
et atteindre son image avec notamment la
campagne BDS et la flottille pour Gaza. Quand on
entrera dans une période de discussions, il
faudra exiger que soient traitées les questions
fondamentales de cette guerre : colonisation,
occupation, apartheid, égalité des droits.
Source : Al Oufok 17 Mai 2011
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