COMMISSION ARABE DES DROITS HUMAINS

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2011-01-08

Guantanamo 9 ans déjà* - Violette Daguerre

 

  

De nouveau on se réunit pour parler de la prison américaine la plus célèbre dans laquelle les États-Unis continuent de détenir sans jugement ou accusations fondées des suspects de terrorisme. Le camp de Guntanamo entrera dans sa dixième année dans 3 jours, le 11 janvier. Malgré les promesses de la campagne présidentielle d’Obama d’il y a deux ans de le fermer, 174 prisonniers y sont encore détenus, la plupart Yéménites et trois ou quatre seulement ont été jugés et condamnés. Ils y sont sans que personne ne puisse dire avec certitude jusqu’à quand ils y seront. Début 2009, Obama avait ordonné la fermeture de ce camp de haute sécurité  dans l'année qui suivrait, dans l’intérêt même de la sécurité des Etats-Unis. A la date d’aujourd’hui, rien n’a été fait et rien n'indique que cette prison pourra être fermée d'ici la prochaine présidentielle de 2012.

Les législateurs américains ont en fait adopté, en décembre dernier, un projet de loi interdisant l'usage de fonds fédéraux pour transférer des détenus de Guantanamo sur le territoire américain afin d’être jugés devant des tribunaux civils, s’acheminant ainsi vers la fermeture de ce «camp du non-droit». C’est un vaste chantier puisqu’il faudrait mettre un terme à l’emprisonnement à durée illimitée sans jugement, aux commissions militaires (ou tribunaux militaires d’exception) et assurer l’accès à des procès équitables pour tous les prisonniers.) Mais depuis que cette loi a été votée tout récemment par le Congrès devenu républicain, que va faire Obama devant l’opposition de ce Congrès?

Certains pensent qu’il a l’intention de le défier en recourant à une procédure appelée «déclaration de signature», où il peut remettre en question la constitutionnalité de la loi et refuser sa mise en application. Mais est-ce qu’il a réellement "la volonté politique"  de le faire ? Des spécialistes disent que les questions des droits de l’homme et du droit international sont jugées moins importantes que les questions de politique intérieure, telle que la réforme de la santé.

Récemment le porte-parole de la Maison Blanche a déclaré que la fermeture de Guantanamo "prendra sans doute un certain temps". Qu’est ce que cela veut dire un certain temps lorsque la Maison Blanche fait savoir qu’elle prépare un décret présidentiel permettant de prolonger indéfiniment la détention sans jugement de certains des détenus à Guantanamo, (tout en réexaminant régulièrement leurs dossiers bien sûr puisqu’ils ne peuvent être jugés par des tribunaux fédéraux ou des commissions militaires) et en donnant le droit aux détenus de contester leur incarcération et en permettant d’expulser des prisonniers originaires de pays dont les régimes seraient plus respectueux des droits de l’homme ?

En tout cas, ce décret ne doit concerner que 48 des 174 détenus, pour lesquels on n’a pu après des années d’enquête, de torture et de détention illégale trouver de quoi justifier leur renvoi devant un tribunal, alors qu’en matière de terrorisme, un soupçon est une preuve. Considérés comme trop dangereux pour être libérés, ils ne peuvent pas d’un autre côté être jugés, du fait de l’absence de charges formelles et parce que certains éléments à charge ont été recueillis sous la torture. (Rappelons que dans la foulée un autre amendement a été pris interdisant l'achat ou la construction d'un établissement sur le sol américain où les prisonniers pourraient être enfermés, alors que la Maison-Blanche proposait l’année dernière d'acquérir une prison dans l'Illinois dans ce but).

Ayant désormais le statut de prisonniers non justiciables puisqu’on n’a fait que bafouer cette vieille règle selon laquelle les gens sont soit jugés soit libérés, les prisonniers de Guantanamo se sont donc tournés vers la Cour suprême. Devant cette Cour qui a toujours donné raison aux détenus, au nom de l'Etat de droit, et confirmé le pouvoir des juges à outrepasser les choix politiques émanant de l'administration ou du Congrès, huit recours ont été déposé, représentant la quasi-totalité des détenus. La Cour suprême devrait dire courant 2011 si elle accepte d'examiner un ou plusieurs de ces recours.  

Quant au Président Obama, il ne fait que grossir les rangs de ses déçus et pas seulement sur ce dossier où il a toujours estimé que la détention illimitée était une alternative. D’ailleurs beaucoup ont pu prévoir qu’il allait poursuivre la politique de son prédécesseur et ne pas vouloir, et non pas seulement pouvoir, répondre aux attentes de restaurer l’image ternie des Etats-Unis et de panser les plaies de ses compatriotes et du reste du monde des rudes années traversées durant la présidence de George W. Bush. Ils se demandent aujourd’hui et à juste titre où sont passés les treize millions de ses supporters s’il a voulu mener la politique qu’il a promis ? N’est-ce pas George W. Bush lui-même qui écrit dans son récent livre : «Obama est un très bon successeur et je suis très satisfait de la manière dont il dirige les Etats-Unis.» ?

Tout le monde sait en tout cas qu’Obama a été plus loin que Bush dans «sa guerre juste» en Afghanistan. Quand au Pakistan le New York Times a écrit, «depuis l'arrivée au pouvoir de M. Obama, la CIA a effectué plus d'attaques de drônes Predator au Pakistan que durant les huit années de mandat de George W. Bush». La dégradation de la situation ne fait qu’enfler que ce soit en Irak, en Palestine ou dans bien d’endroits ailleurs.

Quant à nous réunis ici, nous devons continuer à rappeler la responsabilité des intellectuels, journalistes, activistes des droits de l’homme et démocrates de tout bord de devoir sans cesse dénoncer les misères et les violences qui se commettent dans le monde en notre nom, contribuer à briser le silence et le mensonge, y compris autour des attentats du 11-Septembre, afin d’établir la vérité qui nous a été cachée jusqu’à ce jour et dont les détenus de Guantanamo ne sont qu’une minime partie de leurs dégâts collatéraux.

 

Mot d’ouverture à la Conférence-débat au 9ème anniversaire de Guantanamo organisée par la Coordination internationale pour la fermeture de Guantanamo, à Paris le 8/01/2011

 

 

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