Même si les politiques publiques de la
Communauté européenne ont parfois oscillé, dans
la première période de son développement, entre
égalité et égalisation, elles ont permis
néanmoins de réelles avancées pour les femmes.
C’est à partir de 1997 que les nouvelles
orientations de l’Union européenne ont fait
place à des mesures régressives. Elles se
concentrent en particulier dans quatre domaines.
La déqualification de la notion d’égalité :
l’égalité entre les hommes et les femmes qui
faisait partie des valeurs fondatrices de
l’Union européenne devient seulement un objectif
à atteindre ; elle ne fait donc plus partie des
critères d’adhésion pour les nouveaux pays
entrants dans l’élargissement. Face aux
situations très diverses des femmes vivant en
Europe, il fallait faire sauter le verrou de
l’égalité entre les hommes et les femmes pour ne
pas compromettre les négociations aboutissant à
l’élargissement aux pays candidats.
L’article 13 du traité d’Amsterdam : l’accent
est mis désormais sur la lutte contre toutes les
discriminations au détriment de l’égalité entre
les hommes et les femmes traitée de façon
identique à toutes les autres discriminations.
Il se traduit aussi par l’émergence du thème de
la « diversité », que la Communauté européenne
impose comme thème dominant du débat public.
Dans les faits, le thème de la diversité relègue
le « thème de l’égalité » au second plan.
La domination politique des religions dans les
traités européens : en donnant aux Églises et
aux associations religieuses un statut qui les
reconnaît comme interlocutrices régulières, on
institutionnalise l’ingérence des Églises dans
les affaires publiques. C’est le principe de
laïcité qui est exclu du cadre juridique
européen dans un contexte où, partout dans le
monde, la montée des intégrismes religieux, tous
misogynes, correspond à une menace croissante
contre les droits acquis pour les femmes.
La tentative de légitimation de la prostitution
comme un « travail » : la distinction entre
« prostitution libre » et « prostitution
forcée », introduite dès 1995 pour justifier les
mesures prises contre le « trafic des femmes »
et non la « prostitution » en tant que telle,
permettra à l’Allemagne et aux Pays-Bas de faire
reconnaître la prostitution comme « un
travail ». En éliminant les instruments
juridiques qui rendent illégale l’exploitation
du corps des femmes, celui-ci devient une
marchandise au même titre que n’importe quelle
autre marchandise. Cette position revient à nier
l’existence d’un système prostitutionnel. C’est
une remise en cause de la position
abolitionniste adoptée par la France à
l’occasion de la convention de 1949.
Les femmes en Europe subissent donc les
conséquences directes de ces politiques qui
remettent en cause leurs droits et les
fragilisent en les rabaissant à une position
d’objet et non de sujet, situation d’autant plus
aggravée par un statut juridique des femmes très
inégal dans les 27 pays de l’Union. Si nous
avons un rôle à jouer sur l’avenir de la
construction européenne, pour nous, sa finalité
ne doit être ni monétaire, ni économique, mais
sociale. C’est pourquoi la place qui sera faite
aux femmes et à leurs droits déterminera
l’avenir de l’Europe.
Maghreb : résister aux différentes versions des
codes de la famille
[1]
Femmes migrantes et travail du care
[2]
Féminisme, racisme, antiracisme [3]
source:
l'Humanité des débats. Féminisme 11 Décembre
2010
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