10 décembre 2009
Introduction
C’est aux environs de 4
heures du matin, du 28 juillet 2009, que le Tribunal de première
instance de Salé (Maroc) émet son jugement concernant les
détenus de l’affaire dite « Belliraj ». Les peines variaient,
pour les 35 prévenus, entre un an de prison avec sursis, à
l’emprisonnement à vie à l’encontre de M. Belliraj.
Quant aux “six
prisonniers politiques” inclus dans cette affaire, leurs peines
ont varié entre 2 ans d’emprisonnement pour M. Hamid Al Najibi,
membre du Parti Socialiste Unifié, 20 ans pour Dr. Al-Abadla
Ma’a El Aïnine, dirigeant du Parti de la Justice et du
Développement, et M. Abdel Hafiz Al Seriti, correspondant de la
chaîne satellitaire Al-Manar TV, et 25 ans de prison pour les
professeurs Mohammed Al Marwani, secrétaire général du Parti de
la Nation et Mustafa Al Moatassim, secrétaire général du parti
Al Badil Al Hadari, et son porte-parole, Dr Mohammed Al Amin Al
Rakala.
Les accusations contre
les détenus étaient : “atteinte à la sécurité intérieure du
pays ; formation d’un groupe criminel visant à préparer et à
commettre des actes terroristes dans le cadre d’un projet
collectif visant à menacer gravement l’ordre public par la
terreur, la violence, le meurtre prémédité et la tentative
d’assassinat avec usage d’armes à feu avec préméditation ;
transport et détention d’armes à feu et de munitions pour
l’exécution de visées terroristes ; falsification de documents
officiels et usurpation d’ identité ; don et collecte de fonds
et de biens à exploiter dans l’exécution de projets terroristes ;
vols multiples et blanchiment d’argent ». Tout cela alors que la
cour n’est pas parvenue, malgré un an et demi d’audiences
successives, à prouver une quelconque accusation à l’encontre de
ces prisonniers, dont M. Abdelkader Belliraj, le principal
accusé dans cette affaire, et que certains des prévenus ont fait
l’objet de poursuites pour le simple fait d’avoir eu des
relations avec lui.
Avant le prononcé du
jugement, les six prévenus ont eu l’opportunité de dire leurs
derniers mots durant la dernière audience, le lundi 27 juin
2009, le Président de la cour, M. Benchekroun et les deux autres
magistrats se sont retirés pour délibérer. Cette mise en scène
était destinée à dire que la justice est indépendante et que le
verdict était juste et non pas prémédité, alors qu’en fait, les
témoignages concernant les prévenus, y compris les témoignages
de responsables du gouvernement, montrent que ces détenus
jouissent d’une excellente réputation, d’une bonne conduite et
d’une activité civile, politique et culturelle distinguée.
En attendant le jugement,
les familles des détenus, les avocats et les journalistes de
différents journaux, magazines et chaînes de télévision, ainsi
que des représentants d’ONG de droits humains et des personnes
représentant différentes sensibilités politiques, syndicales,
culturelles se sont rassemblés par solidarité pour contester la
version officielle qui ne les a pas convaincus. Ils avaient créé
le 21 avril 2009, un Comité National de Solidarité avec les
détenus. Il y a eu quelques tensions et bousculades entre le
rassemblement et les forces de sécurité qui ont tenté d’empêcher
certains participants d’entrer au tribunal. Après l’annonce du
verdict, le rassemblement a manifesté de l’intérieur du tribunal
pour dénoncer le jugement, afficher sa solidarité avec les
détenus et exprimer sa consternation pour la situation dans
laquelle se trouve la justice marocaine, objet de manipulation
de la part de l’administration politique et des services de
sécurité et de renseignement.
Depuis la première
audience le 16 octobre 2008, la Commission Arabe des Droits
Humains, en coordination avec le Haut-Commissariat aux Droits de
l’homme et sa Division antiterroriste, suivait les détails de
l’affaire et du dossier des six détenus politiques.
Au début de
l’observation, l’Institut Arabe pour le Développement et la
Citoyenneté et l’Observatoire Français pour les Droits Humains
avaient déjà manifesté leur soutien. Ceci s’est mis en place
dans le cadre de la décision prise à Kiev en avril de la même
année par plusieurs organisations arabes des droits humains,
suite à quoi, plusieurs observateurs ont été envoyés sur place,
parmi eux : l’auteure du rapport, présidente de la Commission
Arabe des Droits Humains et les docteurs Haytham Manna, son
porte-parole et Moncef Marzouqi, son premier président, où
certains d’entre eux étaient présents dans plusieurs audiences.
Des observateurs européens ont également été délégués dont M.
Fausto Giudice.
Il est à noter que les
autorités marocaines ont autorisé tous ceux qui ont voulu
assister aux audiences, ainsi que toutes les activités de
solidarité avec les détenus à l’intérieur du Maroc, et n’ont
interdit à aucun militant des droits humains, ni à aucun membre
des familles des détenus de se déplacer pour participer aux
séminaires de solidarité à l’extérieur du Maroc. Quant aux
journaux marocains indépendants, ils ont publié les différents
points de vue concernant ce dossier sensible.
Nous devons également
signaler que le juge Benchekroun ainsi que la Cour et le
ministère public ont, avant la tenue d’une des audiences,
accepté de rencontrer le Dr. Haytham Manna, les bâtonniers
Abderrahim Jamaï et Abderrahman Benameur ainsi que l’avocat
Khalid Soufiani, soulignant leur accueil favorable à la présence
d’un observateur international et au suivi, par la Commission
Arabe des Droits Humains de toutes les audiences. Pendant cette
rencontre, des aspects importants relatifs à la santé physique
et psychologique des détenus et aux conditions de détention ont
été examinés, en rapport avec les critiques émises contre les
conditions d’arrestation et d’extraction d’aveux sous la
contrainte, ainsi que la soumission de certains détenus à la
répression et à un traitement inhumain et dégradant, d’autant
plus qu’ils n’ont été arrêtés que pour leurs rencontres
fortuites avec le principal accusé.
Il est clair que les six
détenus politiques ont, à la suite de la campagne de solidarité
marocaine, arabe et internationale, bénéficié d’un traitement
respectable en comparaison avec les prévenus dans des dossiers
de terrorisme. En outre, et alors qu’on peut dire que,
globalement, le Président de la Cour a écouté les avocats
pendant les audiences et ne les a interrompus que rarement, les
interventions du Procureur général n’étaient pas à la hauteur.
Cependant, la décision de la Cour, et ce depuis le début, de
n’accorder la liberté provisoire à aucun des détenus et le
traitement des données de manière éloignée de la flexibilité et
de l’objectivité nous rappellent ce qui se dit au Maroc : « Les
avocats disent ce qu’ils veulent et le juge délivre le verdict
qu’on lui a demandé ».
Dès la première lecture
des arrestations, en présence de dix-sept activistes arabes
représentant huit organisations arabes des droits humains, et en
s’appuyant sur des rapports primaires émis par l’Association
marocaine des droits humais et le Centre marocain des droits
humains, ainsi que l’évaluation de plusieurs avocats qui
s’étaient portés volontaires pour la défense des six suspects,
il a été conclu que l’arrestation a été arbitraire dans le cas
des six détenus politiques, et leur implication dans ce dossier
est assez grave, et que le danger ne concerne pas uniquement ces
personnes et les familles de personnalités responsables de
partis politiques autorisés et accusés de terrorisme, mais il
touche à tout le Maroc et à sa réputation, ainsi qu’à tout le
processus de réforme et de changement engagé.
De plus, la
préoccupation concerne plus particulièrement la justice qui,
encore une fois, donne la preuve qu’elle ne jouit pas de la
crédibilité et de la capacité d’émettre des jugements équitables
et objectifs. Surtout lorsque cela concerne des affaires
politiques dans lesquelles elle recourt à des audiences
artificielles qui sont en-deçà du niveau exigé dans un pays
supposé donner l’exemple de la possibilité d’une transition
démocratique et d’un État de droit après être sorti de l’ère des
« années de plomb », du bagne de Tazmamart et de bien d’autres
tares restées comme signes distinctifs.
Défense et circonstances
Les détails de cette
affaire et ce que nous allons évoquer montrent que ces
accusations étaient déjà prêtes bien avant que le tribunal ne
les annonce concernant les 35 prévenus accusés d’appartenir à la
cellule terroriste la plus dangereuse qu’ait connue l’histoire
du Maroc, appelée « le Réseau/Cellule Belliraj ». Ceci est
devenu évident depuis que le ministre de l’intérieur, le Premier
ministre ainsi que le ministre de la Communication l’ont déclaré
le 20 février 2008, tout en menaçant de poursuivre toute
personne qui remettrait en cause la version officielle au sujet
de ces accusations. C’est également devenu évident depuis le 21
février 2008, lorsque le Premier ministre, et conformément à
l’article 57 de la Loi sur les partis au Maroc, a émis un décret
qui stipule la dissolution du parti « Al Badil Al Hadari »,
ainsi qu’après l’émission d’une décision judiciaire le 28
février 2008, avant que les détenus ne soient présentés au juge
d’instruction, pour arrêter la formation du parti Al Oumma,
avant la poursuite, par le Ministère public, des prévenus et
l’interdiction, par le Juge d’instruction, à leurs avocats de
défense de faire des copies des procès-verbaux et des documents
du dossier. En effet, il faut savoir que le Juge d’instruction
n’a commencé l’interrogation qu’après trois mois, et la
présentation des prévenus au tribunal n’a commencé que le 28
février 2009. Ce qui montre que ce qui précède fait partie d’une
campagne de politisation de la justice et d’une
instrumentalisation du judiciaire par le politique.
Partant des différences
et des contradictions dans les déclarations de M. Abdelakder
Belliraj, nous nous demandons sur quelle base on admet certaines
de ses déclarations au détriment d’autres, surtout que le
prévenu a changé d’avocat dans la période séparant
l’interrogatoire préliminaire et ce qui a suivi.
On avait laissé entendre
que c’est M. Abdelkader Belliraj qui avait impliqué dans ses
révélations les six détenus politiques et le procès-verbal daté
du 18 février 2008 consulté par les avocats le montre. Mais ce
procès-verbal a été surtout construit pour fournir un mandat
d’arrêt, alors que des fuites parvenues à la presse avant la
date de son émission évoquent la décision d’empêcher Al Marwani
et Al Moatassim de voyager. Ce qui est attesté par un
procès-verbal antérieur n’ayant rien mentionné au sujet des six
personnalités politiques, et qui signifie que leur arrestation
fait suite à une décision politique prise avant “les confessions
de Belliraj”. Et à la question “pourquoi Belliraj n’a-t-il pas
été poursuivi en Belgique ?”, la réponse est tout simplement
parce qu’il n’avait pas commis les crimes pour lesquels il a été
accusé. Il a été tout de même condamné à la perpétuité par un
tribunal marocain qui manque d’intégrité et de crédibilité.
Malheureusement, cette
campagne a été suivie par un certain nombre de journalistes qui
ont présenté l’affaire comme une grande conspiration contre le
Royaume marocain. L’isolement du monde d’Abdelkader Belliraj,
empêché d’avoir un quelconque contact avec sa famille durant une
période de neuf mois, a accentué les rumeurs. Certains journaux
ont accusé l’Iran d’une entreprise de déstabilisation du Maroc,
alors que d’autres ont parlé d’un rôle joué par le Hezbollah, et
d’autres encore n’ont pas omis d’évoquer l’implication d’Al
Qaïda. Certains journalistes se sont même permis d’évoquer des
fantaisies, puisqu’ils auraient découvert une relation secrète
entre le groupe d’Abou Nidal et le Groupe Islamique Armé en
Algérie, même le mouvement chiite libanais n’était pas loin par
le biais de la chaîne Al Manar, afin de faire croire aux
accusations de terrorisme contre l’Iran, le Hezbollah et sa
chaîne de télévision.
Ceci est démontré par
l’insistance de la campagne sécuritaire et diplomatique pendant
ces derniers mois au Maroc contre les chiites, le chiisme et les
livres chiites. Il s’agit d’une menace évidente dirigée contre
les partis et autres groupes, justifiant ainsi la présence des
services de sécurité spécifiques. Aussi, les journaux qui ont
promu cela n’ont pas permis un droit de réponse à ceux qui
entendaient se défendre. Des journaux électroniques ont quant à
eux profité des vides juridiques pour diffuser de graves
accusations contre les politiciens accusés dans cette affaire.
Quant à ces détenus, ils
ont été arrêtés suite aux allégations de personnes emprisonnées
deux mois auparavant, pour être transférés au département de
police à Casablanca et interrogés dans des circonstances
inhumaines. Certains d’entre eux ont été pris en pyjama après
des perquisitions effectuées dans leurs maisons où leurs livres,
ordinateurs et CD ont été confisqués sans même qu’on leur
présente un mandat de perquisition.
Les prévenus ont
insisté, devant la Cour, qu’ils ont été soumis à des
interrogatoires musclés et des aveux obtenus sous la torture au
centre secret de police politique de Témara. La défense a par
conséquent demandé des enquêtes complémentaires et l’audition du
Juge d’instruction qui a écouté les interrogations du principal
prévenu en présence de son tortionnaire. Mais, cette demande a
été rejetée de la même manière que toutes les autres demandes.
Aussi, le Procureur général a recouru à tous les moyens pour
empêcher les avocats de la défense de contacter leurs clients
pendant l’audience. Et lorsque cela s’est produit ils ont tous
convenu, après la visite rendue à Mustafa Al Moatassim, que la
fraude a eu lieu.
Les demandes des avocats
de liberté provisoire pour leurs clients après la fin de leurs
interrogatoires ont été rejetées. Même en démontrant que leurs
clients, surtout ceux qui sont bien connus dans les champs
médiatique et politique, avaient tous le profil pour en
bénéficier : ils ont un casier judiciaire vierge, en charge de
familles et d’enfants, ont terminé la période de mandat de dépôt
pour l’enquête et sont prêts à comparaître devant la justice à
tout moment, ainsi qu’à payer une amende matérielle ou morale ;
ils ont le droit à la présomption d’innocence légale et
constitutionnelle et leur libération ne représenterait aucune
menace à l’ordre et à la sécurité, surtout pour des
personnalités publiques comme eux. Mais le Ministère public a
décidé de considérer la demande de libération provisoire comme
infondée d’un point de vue légal. Ceci malgré le fait que la
présomption d’innocence prime dans la législation marocaine, et
par conséquent elle doit être utilisée en faveur du prévenu, en
plus du fait que la détention des six détenus politiques ne
repose pas sur des preuves.
Etant donné que le Maroc
ne dédommage pas la libération provisoire, nous sommes, à
présent, témoins d’une situation inappropriée alliant l’absence
de dangerosité du détenu et l’opacité de la gravité des actes.
Ce qui conduit à la privation du droit à la liberté, du droit au
travail et du droit au dédommagement, alors que la liberté du
prévenu ne représente une menace pour personne. De plus, le
maintien des prévenus en détention a eu des impacts sur la
société, dont l’emploi d’un grand nombre de personnes
travaillant dans des projets économiques. Par conséquent,
plusieurs avocats ont insisté sur la nécessité de stopper le gel
financier concernant notamment les proches des prévenus, tel que
discuté lors d’une audience où l’on a évoqué le cas de Salah
Belliraj, le frère d’Abdelkader, qui avait un cancer et dont
tout l’argent a été confisqué, ou la situation du père de l’un
des prévenus auquel on a confisqué tous les biens en sa
possession.
Malheureusement, le
débat sur le principe personnel de la détention administrative
et sa relation avec : l’importance de la personne, l’absence de
sérieux dans l’acte incriminé et le maintien en détention des
prévenus, nécessitant une réponse légale réaliste de la part du
Procureur général, n’a pas été à la mesure des attentes.
Celui-ci a fourni une réponse illogique d’un point de vue légal,
de nature à satisfaire uniquement les instructions données.
Aussi la demande de levée des sanctions financières pour les
proches des prévenus a été rejetée et la situation des prévenus
dans la prison a été laissée aux soins de l’institution
pénitentiaire.
La défense a demandé que
le procès concernant cette affaire soit suspendu jusqu’à
obtention d’une décision définitive concernant la plainte pour
faux et usage de faux de PV de police, avec constitution comme
partie civile par les détenus politiques présentés à un juge
d’instruction. La police a été en effet accusée par les détenus
politiques de falsification de leurs PV d’interrogatoires. Le
juge d’instruction de son côté a versé secrètement et
illégalement au dossier, après la fin de l’interrogatoire de
deuxième comparution, des documents envoyés aux autorités
marocaines dans le cadre de la commission rogatoire
internationale, par les instances judiciaires belges (documents
en français). La défense a également insisté sur la nécessité de
traduire les documents rédigés en français vers l’arabe, étant
donné qu’elle est la langue de plaidoirie devant les
juridictions au Maroc, et que cela relève de la souveraineté du
Maroc et de sa constitution. Demande qui est restée lettre morte,
car on n’a pas arrêté de statuer sur l’affaire, et la traduction
des documents s’est limitée à une lecture orale de certains
paragraphes.
Il est nécessaire de
mentionner que dans cette affaire, trois des personnes
poursuivies ne savent ni écrire, ni lire l’arabe : le premier,
un Amazigh (Berbère) et les deux autres des francophones.
Ceux-ci n’ont pas bénéficié de l’aide d’un traducteur pour leur
permettre de comprendre la langue dans laquelle les rapports du
juge d’instruction ont été écrits, ni pour répondre à
l’interrogatoire, alors qu’on leur a demandé de signer les
rapports écrits en arabe classique sans pouvoir lire et
comprendre leur contenu. Et comme la défense a mentionné le
droit des prévenus d’avoir un traducteur, cette demande a
finalement été satisfaite mais seulement pour les deux
francophones, alors que le prévenu qui parlait une langue
indigène a été privé du même droit. Ce qui a conduit l’un des
avocats à lui assurer la traduction à titre bénévole pendant sa
présence dans les audiences. De plus, le Ministère de la Justice
n’a pas autorisé des avocats belges à assurer la défense du
prévenu principal ni à lui rendre visite.
Les prévenus ne
pouvaient pas en outre prendre connaissance de tous les
documents et se sont plaints de ne pas être au fait de certaines
pièces de leurs dossiers. Ajoutons à cela qu’en plus des
audiences marathoniennes, il est apparu que les accusations
n’étaient pas solides ou fondées et que plusieurs documents
étaient falsifiés, tels que des écrits en arabe d’un détenu qui
ne le parlait pas et des accusations de conspiration entre des
individus qui ne se sont jamais connus entre eux. Egalement le
fait d’établir que le “Choix Islamique” est une organisation qui
a été créée en 1992, tel qu’écrit dans les rapports, alors qu’en
réalité sa création remonte à 1981, et bien d’autres erreurs
similaires.
Quant aux témoins, ils
n’ont pas été convoqués à la demande de la défense, y compris
deux ministres : celui de l’Intérieur et son collègue de la
Communication et porte-parole du gouvernement, lesquels, dans
leurs déclarations aux médias, ont accusé les prévenus. Ainsi,
ils ont violé le principe de la présomption d’innocence, et
dévoilé le secret de l’enquête préliminaire, avant que la
justice n’examine le dossier. Aussi, ils ont fait des
déclarations dans lesquelles ils ont menacé quiconque mettrait
en doute la version officielle. Il y avait aussi comme témoin
possible le Président du Conseil consultatif pour les Droits
humains qui a témoigné dans une émission de télévision en faveur
de M. Mustafa Al Moatassim. Quant à la Cour, qui a aussi refusé
les demandes d’autoriser les caméras de la presse à entrer dans
la salle du tribunal alors que les audiences sont publiques,
elle a laissé installer cinq caméras sur les murs de la salle
sans avertir ou obtenir la permission des prévenus, ce qui est
illégal. La défense a demandé leur enlèvement et la destruction
des bandes, puisque les prévenus ont refusé d’être filmés sans
leur permission. Mais la Cour n’a pas obtempéré, bien que les
audiences se soient déroulées sous stricte surveillance et que
les prévenus aient été enfermés dans une sorte de cage de verre.
La défense a également
protesté contre le fait que les prévenus n’avaient pas été
autorisés à voir les objets qu’on leur a saisis pendant l’étape
d’enquête détaillée, et a demandé qu’ils soient rapportés à la
cour pendant les audiences. Mais rien n’a été présenté, mis à
part des armes à feu censées appartenir aux prévenus. Ces armes
à feu ont été exposées sur une table, entourées d’une sorte de
clôture en fer et gardées par six agents de sécurité en civil,
et ce avant l’arrivée des avocats. Personne ne pouvait les
toucher ou s’en approcher, mais seulement les regarder sur un
écran. Elles étaient présentées en tout cas de façon illégale,
puisqu’elles n’étaient pas scellées avec de la cire rouge. De
plus, ni le nom de l’officier qui a effectué la saisie, ni la
date de la saisie, ni la personne qui possédait ce matériel
saisi n’ont été donnés, et l’on n’a pas fait appel à des experts
pour examiner les empreintes digitales.
Le seul pistolet présent
était de fabrication tchèque, mais les balles qui ont été tirées
n’étaient pas de ce pistolet bien qu’elles soient elles aussi
fabriquées en République Tchèque. Ce qui veut dire qu’il devrait
y avoir au moins deux pistolets présentés, puisque l’attaque
contre le fourgon, qui effectuait le transfert d’argent d’une
banque marocaine, indiquait que le pistolet utilisé était de
fabrication brésilienne. L’on est donc en droit de se poser la
question : lequel des deux rapports est faux et quel est
l’expert qui n’a pas dit la vérité ? Par conséquent, il n’est
pas possible de s’assurer quel est le pistolet qui a été utilisé
dans la tentative d’assassinat du commerçant marocain de
confession juive Azencot.
Pendant cette audience,
un long débat a eu lieu entre la défense et le Juge Principal
après qu’était devenue évidente la différence entre les armes à
feu présentes sur la photo publiée par les journaux marocains
sur l’ « opération Macro » et la tentative d’assassinat
d’Azencot en 1994 et celles présentées à la Cour. Les avocats et
les prévenus ont même soumis les rapports qui étaient écrits à
cette époque sur l’opération, ainsi que les informations
publiées sur l’arrestation des auteurs de l’attaque du fourgon,
leurs noms et leurs peines. Malgré l’absence de tout indice
quant à la participation d’une autre partie à l’opération, les
nouveaux rapports présentés lors des audiences n’omettent pas
d’accuser les détenus dans cette affaire, tout en recourant à la
même histoire et usant parfois des mêmes phrases.
Il y eut un épisode à la
fois drôle et triste lorsque la défense a demandé lequel des
prévenus a le même profil que l’auteur des faits, partant de la
description donnée par le seul témoin qui a vu la tentative
d’assassinat d’Azencot. En l’absence d’éléments en rapport avec
les prévenus, l’avocat n’avait plus qu’à soumettre le rapport de
la police judiciaire au Juge principal afin de soutenir son
objection. Malgré ces faits et que les éléments de l’accusation
n’aient pas été retrouvés, le président du tribunal n’a pas jugé
bon de prendre en compte ce qui s’est passé et de suspendre
l’audience. Seulement le débat avec les avocats l’a contraint à
quitter la salle du tribunal plusieurs fois sans suspendre
l’audience qui a duré près de treize heures.
La défense a également
émis une objection à l’appel des prévenus, qui n’ont rien à voir
avec les armes à feu, pour les identifier. Mais ceci a été
rejeté par le Juge principal qui a appelé les prévenus un par
un. Ce qui faisait que les réponses étaient à la mesure des
questions posées, c'est-à-dire aussi drôles.
Aux répliques courtes de
la cour ont succédé des réponses violentes de la part des
avocats qui ont insisté sur la gravité du recul législatif
engendrant un recul sécuritaire, et ont attaqué les juges qui
ont donné l’impression d’être exempts du sens de responsabilité
et de ne pas réaliser la gravité des faits attribués aux
détenus. Alors qu’avec une simple lecture de ce qui s’est passé
lors des arrestations, de l’interrogatoire et du jugement, l’on
réalise que c’est le citoyen marocain qui a besoin de garde-fous
et non pas l’État et ses représentants.
Les avocats de la
défense ont estimé qu’un tel traitement à leur encontre et à
l’adresse des prévenus ne peut qu’avoir un impact négatif sur le
pays, donnant de lui une bien mauvaise image. Et comme il ne
doit y avoir de refus de réponse sous aucun prétexte, les
réponses de l’accusation, aussi générales et superficielles,
discréditent les données juridiques et manquent de considération
à l’intelligence des gens. Ainsi, face à la nécessité
d’individualiser les réponses, l’accusation ne faisait que les
généraliser. Ce qui a porté atteinte au concept des libertés
individuelles, poussant l’un des avocats à ce commentaire:
« Nous sommes face à une situation de contrôle collectif,
d’arrestations collectives et de détention collective, bien que
la loi considère chaque personne comme un cas judiciaire à
part ».
La déclaration faite à
la presse par la défense des six prisonniers politiques,
conjointement avec le Comité National de Solidarité, et qui a
été publiée le 3 août 2009 suite au jugement rendu, résume la
situation en disant que le dossier est fabriqué et n’est fondé
sur aucun fait. Elle a évoqué une décision politique basée sur
des rapports falsifiés attribués aux prévenus, visant à les
priver de leurs pleins droits de défense, y compris l’accès aux
copies des rapports et documents, et la convocation des
principaux témoins pour révéler la vérité. Et que pendant toutes
les étapes du procès, la Cour a fortement insisté sur sa vision
de l’affaire sans dévoiler la réalité des faits et leur suivi et
en se cramponnant à la seule histoire racontée par le Ministre
de l’Intérieur. Sa version est restée la seule « réalité » qui a
régi le dossier, amenant la Cour à rejeter toutes les thèses de
la défense et ses demandes, y compris la convocation des
principaux témoins et la vérification de toutes les étapes
(recherche préliminaire, perquisition, arrestation, détention,
torture, falsification de rapports, etc.)
La défense avait
d’ailleurs soumis tous les documents, déclarations, articles et
enquêtes effectuées auprès des détenus politiques, qui ont tous
prouvé que l’histoire officielle n’était qu’allégations. Elle a
même insisté sur leurs positions politiques concernant des
questions nationales telles que la monarchie, l’unité nationale,
l’établissement d’un Etat de droit, la renonciation à la
violence et l’importance de la participation politique dans le
cadre de l’acceptation de la diversité idéologique et politique
et le choix du dialogue et de l’activisme pacifique.
Dans son évaluation de
l’affaire, Mustafa Soulaih, membre de la Commission arabe des
droits humains, qui a assisté à quelques audiences, disait :
« Le Royaume du Maroc continue à être à la tête de la liste des
pays dans lesquels la corruption et la répression des libertés
d’expression et d’opinion sont le plus répandues et où la
justice n’est pas indépendante et les fonctionnaires de l’Etat
jouissent de l’impunité. Et malgré le non respect de ses
engagements, surtout dans le domaine des droits de développement
social, économique, culturel et environnemental, le Maroc reste,
après presque dix ans, le seul pays qui adopte encore une
soi-disant loi anti-terroriste et l’utilise pour la poursuite
d’individus, groupes ou autres opposants pris en otage et soumis
à contrôle, enquête, détention provisoire, emprisonnement,
filature, ou d’autres formes de surveillance rapprochée (ce qui
pourrait durer aussi longtemps que les décideurs politiques et
financiers, ainsi que leurs alliés internationaux, le désirent). »
Dans son intervention
intitulée « Circonstances et faits dans l’arrestation des six
détenus politiques », présentée au séminaire « Droits de l’Homme
au Maroc » (organisé par la Commission arabe des droits humains
à Malakoff, le 13 septembre 2008), Mme. Sakina Qada,
coordinatrice des familles des six détenus au Maroc, a soutenu
que « ces activistes politiques sont des personnalités connues,
aussi bien au niveau national qu’international. Les autorités
n’avaient pas besoin de recourir à des actions qui attentent à
leur dignité et à leurs droits et qui sont contraires à la loi
afin d’enquêter sur eux. Ces honorables messieurs sont connus
pour avoir la foi du travail dans le cadre de la loi et de la
Constitution, l’adoption de la modération dans leurs points de
vue et leur rejet absolu du recours à toute forme de violence,
d’extrémisme ou de terrorisme, ils prônent le travail politique
légal, et croient au dialogue et à la démocratie. »
Réponses des prévenus
Hamid Al Najibi a été le
premier à être présenté devant la cour. Sa défense a émis une
objection quant au rapport falsifié de la police judiciaire,
alors que lui a témoigné du recours d’agents de sécurité
habillés en civil à la tricherie lorsqu’ils l’ont arrêté et
conduit au poste de police. Son interrogatoire a été mené alors
qu’il avait les yeux bandés et les mains menottées. Les
enquêteurs ont fait preuve de violence, lui assénant des gifles
sur le visage à chaque fois qu’ils entendaient des réponses
qu’ils n’aimaient pas. Ils ont aussi essayé de l’étrangler, lui
donnant des coups de pieds et l’insultant.
Puisque le prévenu était
enseignant de technologie industrielle, il a été accusé de
fabriquer des explosifs pour la Cellule Belliraj, alors qu’il
avait démenti toute relation avec le présumé chef de cette
cellule, à l’exception de sa réception de médicaments en
provenance de la Belgique. Il a dit : « Je n’ai jamais connu ou
rencontré Belliraj, parce qu’il y avait plusieurs personnes qui
rapportaient les médicaments que mon frère envoyait pour mon
père (qu’il repose en paix) de Belgique et Belliraj n’était pas
l’un d’eux … Le Mouvement de jeunesse progressiste auquel
j’appartiens est un mouvement de gauche … peut-il être possible
pour toute personne normale et sensée de déclarer une telle
chose devant la police judiciaire et dire qu’il y a une jeunesse
démocratique progressiste de gauche qui désire faire le djihad
au Maroc ? Ceci n’est pas ma déclaration et je m’y oppose en la
considérant comme falsifiée. »
Ainsi, si les
déclarations de la défense ont disculpé les six détenus de
toutes les charges et dénoncé la version officielle tout en
insistant sur leurs pleins droits, les déclarations des détenus
eux-mêmes dans leur propre défense sont la plus grande preuve de
leur innocence. Nous laissons le lecteur s’en faire une idée, en
lisant ces quelques extraits des déclarations des autres cinq
détenus devant le tribunal:
* Dans la présentation
de M. Mustafa Al Moatassim les 7 et 12 mai 2009, il a dit :
« Environ 20 personnes
ont commencé à fouiller la maison et ont confisqué des centaines
de livres de la bibliothèque en les mettant dans des sacs de
plastique pris de la cuisine, tels qu’un livre sur la cuisine
marocaine en Andalousie, et beaucoup de CD dont une collection
de CD de musique classique. Ils sont également entrés dans la
chambre à coucher et ont confisqué environ 50 kg de documents
personnels que j’avais écrits sur l’orientalisme, le judaïsme,
les évènements du 16 mai, l’affaire du Sahara. Ils ont même
violé ma vie privée en fouillant mes placards de vêtements et
ont confisqué mon ordinateur portable ainsi que la pièce
centrale de celui de mes enfants.
Ensuite, ils m’ont
emmené à Al Maarif où il m’ont fait subir une torture
psychologique à travers un feuilleton qui a commencé par une
atteinte à la dignité humaine en me battant, m’intimidant et me
menaçant de me soumettre à la torture dite Alqara [la
bouteille : des bouteilles dont le col a été cassée sont
enfoncées dans l’anus de la victime, NdT]i, tout en m’insultant
alors que j’avais les yeux bandés et que j’étais menotté. Il y
avait trois à quatre agents qui prenaient la relève près de mon
lit pour m’empêcher de dormir et maintenaient la lumière allumée
tout au long des interrogatoires qui se prolongeaient jusqu’à
l’aube. L’endroit était sale et la nourriture aussi et j’ai été
empêché d’accomplir mes ablutions pour la prière puisqu’il n’y
avait pas de toilettes modernes à Al Maarif. Ce qui m’a conduit
à jeûner pendant près d’une semaine, période pendant laquelle je
me suffisais de très peu pour survivre.
Les interrogatoires se
sont déroulés le lundi et le mardi pendant lesquels j’ai eu à
signer 15 rapports. Mais ils ont recommencé le jeudi et l’un
d’eux m’a dit que des armes ont été illégalement introduites au
Maroc, que Belliraj avait assassiné cinq Juifs, et qu’Israël
« ferait baisser le pantalon au Maroc », avant de me proposer de
coopérer avec eux pour l’intérêt du pays. Et immédiatement après
la conférence de presse tenue par le ministre de l’Intérieur,
les enquêteurs m’ont dit que les responsables n’étaient pas
satisfaits des interrogatoires faits auparavant, pour
m’interroger encore une fois avec violence.
Ainsi, le ministre de
l’Intérieur a orienté l’enquête dans la direction qu’il désirait
et à travers laquelle la condamnation était prononcée avant
l’enquête. L’arrestation a eu lieu le 18 février 2008 et la
conférence de presse a été tenue le 20 février 2008, pendant
laquelle j’ai été accusé et la dissolution du Parti Al Badil Al
Hadari prononcée, pour reprendre l’enquête le dimanche, 21
février 2008, à dix heures du soir. A ce moment, on m’a demandé
de signer les rapports, alors qu’il y avait peu de lumière et
que je ne portais pas mes lunettes. Je n’ai lu qu’une seule
copie et j’ai signé une trentaine, pour tomber victime d’une
falsification des papiers.
Lorsque la police m’a
dit : « Vous avez été poursuivi car vous n’avez pas dénoncé la
cellule de Belliraj», je leur ai répondu que je ne connaissais
pas son existence, et que si jamais j’avais été au courant de
l’existence d’une quelconque organisation qui menacerait la paix
et la sécurité des citoyens, je l’aurais signalée. La seule fois
où quelqu’un m’a appelé de Rome me disant qu’il allait y avoir
bientôt, pendant l’été 2003, des attaques terroristes - et là,
je corrige et je dis 2003 et non 2005, contrairement à ce
qu’Ahmed Harzani a déclaré - et qu’elles viseraient des
installations sensibles, j’ai immédiatement contacté Ahmed
Harzani qui est, actuellement le président du Conseil
consultatif des droits humains, l’informant et lui demandant de
contacter en urgence les responsables de la sécurité pour
prendre rapidement les mesures adéquates ».
Dans sa défense, Al
Moatassim ajoute : « Concernant la réunion de Tanger, il ne
s’agissait que d’une réunion régulière comme les centaines de
réunions que nous avions effectuées pour la préparation d’une
initiative politique. C’était une réunion introductive au cours
de laquelle nous avons présenté le courant du Choix Islamique et
analysé la situation politique actuelle dans notre pays ainsi
que les changements géostratégiques dans le monde. Après nous
avoir écouté, M. Belliraj nous a demandé si nous avions pensé à
assurer une présence en Europe, vu la forte présence des
Marocains à l’étranger et le fait que le Ministère de
l’Intérieur empêcherait toute initiative politique et
chercherait à la saboter. M. Belliraj n’a pas demandé à nous
représenter à l’étranger puisqu’il ne s’est agi que d’une
réunion introductive, et je ne l’ai plus vu depuis jusqu’au jour
où je l’ai rencontré ici, au tribunal, sans le reconnaître à
première vue.
Les rapports disent
également que nous avons préparé des plans pour attaquer des
Juifs ; ce qui n’est pas vrai du tout. Attaquer et intimider des
Juifs fait partie de la stratégie des sionistes, du Mossad et de
ses agents. Je n’écarte pas le fait que des groupes sionistes et
leurs sympathisants puissent être derrière ces attaques et
exploiter la naïveté de certains. Pour notre part, nous
souhaitons que les Juifs du Maroc retournent dans leur pays.
Qu’ils laissent la Palestine à son peuple et reviennent au Maroc
pour y vivre en paix. Le Parti de l’Alternative
Civilisationnelle (Al Badil Al Hadari) n’est pas contre la
présence de citoyens juifs dans ses rangs tant qu’ils
soutiennent ses objectifs.
Puisque le Juge ne m’as
pas interrogé sur l’« opération Macro », j’ai pris l’initiative
moi-même avant qu’il ne passe la parole à l’accusation et lui ai
dit : « Vous ne m’avez pas interrogé, Monsieur le juge, sur
l’ « opération Macro » dont les rapports de la police affirment
qu’elle était mon idée, depuis 1994, lorsque je surveillais le
centre commercial Macro pendant trois mois pour préparer les
plans et la carte … Je lui ai dit que les rapports de la police
ont affirmé que je surveillais le centre à partir d’un café
situé à l’intérieur du centre, sur la base d’allégations selon
lesquelles je travaillais à l’Ecole Supérieure des Enseignants à
Casablanca et que je surveillais le centre après le travail. Ils
ont pensé que je vivais à Rabat et que je travaillais à
Casablanca. Monsieur, en 1994, je travaillais à l’Ecole
Supérieure des Enseignants de Fès, et je vivais à Fès qui est à
250 km de Casablanca. Ce n’est qu’en 1999 que j’ai déménagé à
Rabat lorsque j’ai été nommé à Casablanca. Alors comment est-il
possible que je surveille quotidiennement et pendant trois mois
le centre commercial Macro à Casablanca alors que je vivais à
Fès ?
Monsieur, nous sommes
face à une conspiration dirigée par de nouveaux Oufkir [général
chargé des basses besognes du roi Hassan II, tortionnaire et
comploteur liquidé par son maître en 1972, NdT] ou de nouveaux
fauteurs de troubles contre la jeunesse du mouvement islamique,
puisqu’ils ne veulent voir les islamistes que tués, bourrés
d’explosifs ou emprisonnés. Ils ne nous considèrent pas comme
des citoyens comme eux. Ma détention est une conspiration pour
punir nos positions quant aux nouvelles dispositions politiques
pour préparer le terrain à la nouveauté. Donc nous devons être
en prison. Le Parti Justice et Développement a qui on a fait
porter la responsabilité morale des évènements de 16 mai 2003
est menacé du fait d’avoir été noyauté. Le Parti Socialiste
Unifié est sanctionné pour nous avoir ouvert son siège pour
tenir la conférence de constitution de notre parti. J’ai bien
peur que le Maroc ne tombe dans le piège du terrorisme qui
conduirait le pays à une situation similaire à celle de
l’Algérie et de la Tunisie. Je mets en garde également contre la
répétition du scénario du Polisario qui a eu lieu après
l’humiliation d’une tranche de la jeunesse par le gouvernement
pendant les années 1970 ».
Il a conclu son discours
en disant : « La fondation du Parti Al Badil Al Hadari ne s’est
pas effectuée à travers le Ministère de l’Intérieur et cela n’a
pas été du goût de certaines personnes. Nous avons écrit au Roi
à ce sujet et il a demandé au Ministère des Habous et des
Affaires islamiques de discuter avec nous de cette question afin
d’obtenir la reconnaissance légale. Ces conspirateurs ont voulu
envoyer un message fort en montrant que le fait de les avoir
contourné a été une grave erreur. Je n’ai rien à voir avec la
Cellule Belliraj laquelle n’existe même pas. Le seul réseau
auquel j’appartiens et dont j’étais l’un des fondateurs est le
Réseau des Démocrates Arabes dans le monde».
* M. Mohammed Al Marwani
Dans sa défense, le 14
mai 2009, M. Mohammed Al Marwani a dit que les conditions d’un
procès équitable n’étaient pas réunies, car « l’affaire est
discutée sans la présence d’éléments de preuve, y compris le
matériel saisi et les témoins ». Il a exprimé son souhait de
coopérer pour révéler la vérité, précisant que la logique légale
exige pour certifier les faits « une connaissance sûre que ce
qui est arrivé est réellement arrivé » et que les accusations ne
peuvent pas être fondées sur des soupçons et des « on dit ».
Il a exposé ses
positions concernant des sujets comme la violence et
l’extrémisme, lorsqu’il faisait partie du Choix Islamique, puis
du Mouvement pour la nation, et ensuite du Parti de la nation.
Il a dit qu’il y a une
décision politique émanant de certains qui veulent l’impliquer
dans cette affaire, et a souligné que le Ministre de l’Intérieur
avait dit dans une conférence de presse, tenue le 20 février
2008, qu’il était le commandant du mouvement. Alors, qu’un
responsable du même ministère, qui lui a rendu visite pendant
son interrogatoire par la police judiciaire, lui a affirmé :
« Nous savons que vous n’avez rien à voir avec ce dossier ».
Al Marwani a signalé que
des agents de la police judiciaire lui avaient présenté le
rapport le soir du 24 février 2008 lui demandant de le signer.
Il l’a lu et a corrigé certaines choses. Puis lorsqu’ils lui ont
présenté le rapport corrigé pour le lire et le signer, ils l’ont
entouré à plusieurs personnes et lui ont demandé de signer
plusieurs papiers en prétendant que c’était des copies du
rapport corrigé, il les a signés. Pour découvrir par la suite,
en consultant le rapport joint à son dossier, qu’ils l’ont
trompé en lui faisant signer des rapports falsifiés. Al Marwani
a commenté cette falsification en disant : « Quelle mesquinerie
de la part de la police judiciaire !».
En répondant aux
questions du Procureur général, il a déclaré que la rencontre de
l’été 1992 à Tanger a été la première et la dernière avec
Belliraj. Il a attiré l’attention sur des contradictions dans
les rapports qui ont affirmé que le réseau avait commis des vols
en 1994 pour financer le lancement du journal « Le Pont », alors
que ce journal avait commencé en 1992. Il s’est demandé,
ironiquement : « Comment est-il possible que le Réseau dispose
de 17 milliards, alors que ses membres sont dans une situation
financière lamentable ? »
Al Marwani a conclu son
discours en disant qu’il avait des preuves que ce dossier était
falsifié. En mentionnant l’Opération Macro de 1994 contenue dans
les rapports, il a surpris la Cour lorsqu’il lui a présenté une
copie du journal de l’Union Socialiste daté du 29 août 1994. Le
journal contenait un communiqué du Ministère de l’Intérieur
affirmant que les autorités ont arrêté toutes les personnes
impliquées dans l’affaire du hold-up chez Macro. Puis il s’est
adressé à la cour en criant : « Comment peut-on nous accuser de
crimes que d’autres personnes ont commis et pour lesquels elles
ont été jugées ? ».
* Quelques extraits des
déclarations de Dr. Mohamed Al Amin Al Rakala le 15 mai 2009 :
« Je comparais devant
vous sur la base d’accusations pour lesquelles le Ministère
public n’a fourni aucune preuve. Des accusations fondées sur des
rapports falsifiés que la raison et la logique contredisent,
tout comme mon itinéraire intellectuel et politique… Ceci est un
procès politique qui tente d’arranger par la force des choses la
scène politique à partir de considérations étriquées et de vues
limitées. Elles sont construites sur la logique de la soumission
des partis politiques à un agenda qui va à l’encontre de tous
les efforts faits et qui se font pour l’établissement des
conditions d’une transition démocratique. Ce renversement de la
démocratie a visé des partis difficiles à manipuler, en usant
des pressions sur certains et en détruisant d’autres.
Nous devrions, en
faisant appel à des évènements locaux, commencer à partir de
juillet 1999, le jour où le pouvoir est passé d’un Roi à un Roi
qui annonce le début d’une ère nouvelle. Autant cette
déclaration a donné l’espoir à la majorité des Marocains, autant
elle a terrifié la tranche au pouvoir qui a profité de la
précédente époque…Sur le plan international, l’ancienne
administration usaméricaine dirigée par George Bush a mené des
attaques systématiques contre les peuples arabes et musulmans,
notamment en Afghanistan, Iraq, Liban et Palestine, et tout cela
à l’enseigne de la lutte contre le terrorisme.
La plupart des pays
entreront dans cette guerre contre le terrorisme et leur
implication engendrera des groupes bénéficiant directement du
soutien apporté par l’administration usaméricaine. Ils seront
étroitement liés au sort de cette présumée guerre, et les
attaques du 16 mai leur fourniront les prétextes nécessaires
pour faire tout ce qu’ils désirent du pays et de son peuple sans
rendre de comptes à personne. Ainsi, ils utiliseront ce crime,
que nous avons condamné en son temps, pour affaiblir leurs
adversaires politiques ou les anéantir. Notre parti devait être
visé parce qu’il a usé de son droit à exister… Ce qui ne sera
jamais pardonné par ceux qui ont fait main basse sur la décision
politique, jusqu’à ce que le remodelage de la carte politique
leur ait donné l’occasion de prendre leur revanche et de se
venger de notre courage… Vous savez bien que les extrémistes ne
croient pas au partenariat et à la coopération, leur unique
souci c’est d’éradiquer ou d’écarter leurs opposants et ceux
supposés tels. Sommes-nous de ceux-là ? »
Al Rakala a conclu son
discours en disant : « Notre position vis-à-vis du terrorisme
était et reste toujours claire. Alors, lorsque notre pays a fait
l’expérience des attentats terroristes du 16 mai, nous ne nous
sommes pas contentés de les dénoncer, mais nous avons contribué
à l’organisation et à l’encadrement de la manifestation
nationale contre le terrorisme. Nous avons organisé des
campagnes pour sensibiliser notre peuple, notre nation et nos
institutions aux dangers du terrorisme… Le Parti Al Badil Al
Hadari a appelé aussi le 8 octobre 2006 à la formation d’un
front national contre la corruption, convaincu que la formation
de ce front était une nécessité historique et une demande
urgente. Car il faut nettoyer la justice et les services de
sécurité des éléments corrompus, construire des partis sans des
fossoyeurs d’élections et des revendeurs de drogue, poursuivre
et juger les pilleurs des fonds publics et les auteurs des
graves violations de droits humains. Sinon, les discours sur le
changement démocratique et le projet de modernisation ne seront
que vaine parole aussitôt oubliée».
* Extraits de la
déclaration de M. Abdelhafiz Al Siriti au cours de l’audience du
19 mai 2009:
« J’ai deux remarques à
faire : premièrement, les déclarations qui m’ont été attribuées
dans le rapport de la police judiciaire ont été falsifiées à
quatre niveaux.
Le premier : le rapport
fait mention d’un fait que je n’ai jamais évoqué.
Le deuxième: un autre
fait a été falsifié, dont la nature et le lieu ont été changés
délibérément pour s’accorder avec l’histoire officielle et la
date donnée.
Le troisième : J’ai été
interrogé sur des évènements généraux, mais les enquêteurs les
ont mentionnés dans leur rapport de façon incomplète, déformant
leur contenu.
Le quatrième: des
questions qui m’ont été posées n’ont pas été mentionnées dans le
rapport.
La deuxième remarque est
que je comparais ici devant vous Monsieur le Juge à titre
personnel, sans lien avec aucune association ou affiliation
politique, et c’est depuis 2000 que j’ai mis fin à ma dernière
expérience associative. Ainsi, je considère mon procès comme un
procès pour mes opinions et mes positions et qui remonte à une
période du siècle dernier, particulièrement à 1987.
Après avoir été
transféré à la prison de Salé, et précisément après avoir lu le
contenu de la conférence de presse organisée par le Ministre de
l’Intérieur, Chakib Benmoussa, j’ai réalisé la raison pour
laquelle l’enquêteur a dû falsifier la date que j’ai mentionnée.
L’intention est claire derrière l’amalgame délibéré entre la
rencontre de Tanger à laquelle était présent Abdelkader Belliraj
en 1992, et la réunion estudiantine sur la question politique en
1989. Les deux réunions ont eu lieu à deux dates différentes…
Un deuxième fait a été
ajouté à mon rapport d’interrogatoire. Il s’agit de la
soi-disant tentative de voler une voiture qui appartenait à la
Compagnie d’eau et d’électricité en 1990. Cependant, selon leurs
allégations et imagination, mais également, afin d’ajouter un
peu de crédibilité à leur histoire, le rapport dit que nous
avons décidé de renoncer à cette tentative… Cette
histoire/invention n’est que pur mensonge qui vise à salir ma
réputation et à m’impliquer dans une affaire plus fragile qu’une
toile d’araignée. Je suis sûr que le temps viendra où se
révèlera quelle est la partie qui a falsifié ce dossier et
quelles sont les intentions qui ont présidé à cet épisode
vulgaire.
Il est étrange, Monsieur
le Président, que l’on se trouve poursuivi et accusé d’avoir
fait des éloges de l’Iran comme si cela équivalait à proner le
terrorisme. L’Iran a préoccupé les gens en temps de guerre comme
en temps de paix. L’évoquer n’est pas interdit à un citoyen qui
s’intéresse aux études sociologiques et qui travaille sur le
phénomène de transformation et de changement qui a caractérisé
toute une période… Pourquoi ai-je choisi la chaîne Al Manar TV ?
Tout le monde sait qu’en 2000 il n’y avait pas plus que quatre
chaînes de télévision arabes disposant de correspondants au
Maroc, et ces chaînes étaient MBC, Al Jazeera, Abu Dhabi TV et
Al Manar. Tout en indiquant que tout choix est une question de
liberté individuelle, je précise qu’à cette époque je n’avais
aucun autre choix puisque tout journaliste devait travailler
avec l’une de ces chaînes ».
Al Siriti a conclu son
discours en disant : « J’ai eu le rapport et je l’ai signé par
étapes et à une heure tardive de la nuit. Au début, l’officier
m’a remis une première copie me demandant de la lire et
d’apporter mes corrections au cas où j’avais une quelconque
remarque à faire. Dans une deuxième étape, il m’a montré la
copie du rapport comprenant les corrections que j’ai faites et
je l’ai signée après vérification. Dans un troisième temps, il
m’a présenté plusieurs copies, je ne me rappelle pas combien, et
il m’a demandé de les signer. C’est ce que j’ai fait sans faire
attention si les copies étaient similaires à l’original… En ce
qui concerne la permission de fouiller, il m’a demandé de
l’écrire et de la signer le 24 février 2008, alors que ma maison
a été fouillée le 19 février 2008 à 7h30 du matin, et au lieu de
porter sur le mandat la date à laquelle je l’ai signé, ils ont
mis le 19 février 2008 ».
*Le 21 mai 2009, Dr. Al
Abadla Ma’a El Aïnine a déclaré ce qui suit :
« Les évènements qui ont
commencé il y a quinze mois révèlent deux vérités essentielles :
la première est légale, puisqu’il a été clair, à en juger par
les requêtes et les défenses formelles, que la violation de la
loi est devenu la règle et son respect l’exception. La deuxième
c’est la violation des règles du procès équitable, à commencer
par la présomption d’innocence qui a été occultée par
l’intervention du Ministre de l’intérieur, le 20 février 2008,
en passant par le fait de nous priver des copies des rapports de
la police judiciaire et par conséquent de l’enquête détaillée,
et par la privation tout au moins de la liberté provisoire,
malgré l’absence de flagrant délit et que toutes les conditions
et les garanties légales étaient remplies, jusqu’à l’exclusion
des témoins et le report de ce qui est appelé « saisines »… »
Ma’a El Aïnine a terminé
son témoignage en se demandant : « La personne qui comparait
devant vous a passé les nuits à débattre et à dialoguer avec des
dizaines de jeunes du Sahara, qu’ils soient de sa tribu ou
d’autres tribus, pour les guider et les persuader d’entrer en
politique et d’utiliser la preuve avec les partisans de l’option
séparatiste dans le but de les convaincre d’opter pour l’unité…
Et là, je pose une question légitime : « Est-ce que ceux qui
m’ont impliqué dans cette affaire veulent vraiment que ces
jeunes gens entrent en politique et s’engagent dans une réforme
démocratique nationale ? Est-ce que c’est avec de tels calculs
politiques que nous pourrions construire des ponts de confiance
et faire pousser les graines de l’espoir ? Ou y a-t-il ceux qui
bénéficient vraiment de cet état de point mort, de doute et de
soupçon, car cela satisfait leurs buts politiques et apporte
d’autres bénéfices ? ».
Questions légitimes
Il est devenu clair que
tout au long du procès il n’y a eu que des paradoxes et des
contradictions sans qu’aucune preuve de quelque nature que ce
soit n’ait été fournie sur la validité des accusations contre
les détenus qui ont été malgré cela condamnés à des peines
incroyables. Il n’y a pas de doute qu’avocats, défenseurs des
droits humains et partisans de l’indépendance de la justice se
posent beaucoup de questions, parmi elles :
Qui en est le
bénéficiaire et pour l’intérêt de qui accuse-t-on des innocents
de faux crimes qui n’ont rien à voir avec la préservation de la
sécurité des citoyens marocains contre les menaces du terrorisme
ou son développement social et économique ? Les violations, dans
ce cas, sont-elles un indice du début d’une stratégie
d’intimidation des mouvements politiques réformistes par le
recours à la soi-disant guerre contre le terrorisme ?
Sommes-nous face à de nouveaux moyens de liquidation politique à
travers la fabrication d’accusations et des condamnations par
des juges ayant reçu des instructions ? Ce que nous avons vu
est-il une politique pour forcer les personnalités politiques à
choisir entre implorer la pitié et subir les condamnations à de
lourdes peines de prison ? Est-ce que la prochaine étape,
l’appel, passera par la même intransigeance dans la prise de
décisions injustes ou y aura-t-il quelqu’un qui garde encore de
la conscience professionnelle et de l’amour pour la patrie pour
épargner à son tissu social l’accumulation des tensions et
empêcher la multiplication d’accusations injustes contre des
personnes réprimées et innocentes ?
Dans sa dernière
prestation au cours de ce procès, l’avocat de la défense, M.
Khaled Sofiani, s’est demandé s’il n’y avait pas quelqu’un qui
serait gêné que ce pays opte pour sa construction sur des bases
qui préserveraient sa sécurité et sa stabilité ? Qui pourrait
bien être celui qui veut envoyer des messages en ce moment,
considérant que l’ouverture des portes à un parti de mouvance
islamiste était un crime de lèse-majesté et qui mérite
punition ? Qui serait agacé si la lumière de la liberté brillait
après les « années de plomb » ? Qui pourrait penser que la
stabilité du Maroc menace ses intérêts et son avenir, et que la
coopération et le dialogue entre les composantes de la société
représentent un danger ?
L’avocat de la défense
estime que bien que l’histoire du Maroc soit pleine de procès
faits à l’opinion publique, aux partis, aux organisations et à
la presse, celui-ci est unique en son genre, car il a été
fomenté et ses protagonistes définis au Ministère de l’Intérieur.
Ainsi, ces prévenus qui oeuvrent pour la dignité de la nation
sont désormais considérés comme jouant deux rôles : l’un étant
public et l’autre secret. Mais si ces partis étaient impliqués
dans des actes terroristes, pourquoi n’a-t-on pas convoqué tous
leurs membres ?
Considérant que cette
affaire est politique, il s’est adressé à ceux « qui se trouvent
derrière les caméras », puisqu’ils détruisent le pays par ces
pratiques, alors que le citoyen aspire à une vraie démocratie et
à une concurrence politique réelle et non artificielle. La
construction du Maroc ne peut pas être entreprise sans qu’il n’y
ait une justice indépendante et impartiale à laquelle on confère
tous les moyens pour remplir son rôle, car l’ère des ministères
est finie.
Si nous suivrons
l’évolution de cette affaire dans les semaines et mois
prochains, tout en espérant une ouverture politique dans un
Maroc qui apporterait à son peuple une vie meilleure et une
participation responsable et accélérée à sa construction comme
le font d’autres peuples et nations dans leur marche vers le
progrès et la civilisation, nous craignons en réalité une
poursuite de l’escalade. La question reste en effet posée de la
nature de la relation entre Israël, le sionisme et ses agents
internes au Maroc dans la fabrication de ce dossier comme de
bien d’autres.
Selon l’affirmation du
représentant des avocats de la défense, les détenus politiques,
qui ont travaillé dans l’intérêt du Maroc et sa bonne réputation
et oeuvré pour les causes arabes et islamiques et pour la
Palestine, ont également lutté pour « remplacer le mot « juif »
par « sionisme », puisque le judaïsme, tout comme l’islam et le
christianisme, et d’autres religions, devraient coopérer. Aussi,
s’ils font partie de comités dans lesquels il y a des Juifs qui
ont manifesté leur solidarité avec le Parti de la Justice et le
Parti de la Nation, alors comment peut-on prétendre qu’ils ont
tenté d’assassiner une personne parce qu’elle était juive ?
Ce qui légitime notre
question est ce que M. Mohammed Al Marwani livre dans son
témoignage selon lequel le Ministre de l’Intérieur l’a accusé
dans une conférence de presse d’être le chef du mouvement, alors
qu’un autre responsable du même Ministère de l’Intérieur l’a nié
lorsqu’il lui a rendu visite pendant son interrogatoire par la
police judiciaire : « Nous savons que vous n’avez rien à voir
avec cette affaire ». Aussi ce qui apparaît du témoignage de
Mustafa Al Moatassim lorsqu’il dit : « Ils m’ont réinterrogé le
jeudi et l’un d’eux m’a dit que des armes ont été illégalement
introduites au Maroc, que Belliraj avait assassiné cinq Juifs,
et qu’Israël « allait faire baisser son pantalon au Maroc »,
avant de me demander de coopérer au nom de la nation … Les
rapports falsifiés affirment aussi que nous avons planifié
d’attaquer les Juifs et ceci n’est pas vrai, c’est du pur
mensonge. Attaquer et intimider des Juifs font partie de la
stratégie des sionistes, du Mossad et de ses agents. Je n’écarte
pas le fait que des groupes sionistes et leurs sympathisants
puissent être derrière ces attaques et exploiter la naïveté de
certains. Pour notre part, nous souhaitons que les Juifs du
Maroc retournent dans leur pays. Qu’ils laissent la Palestine à
son peuple et reviennent au Maroc pour y vivre en paix ».
La déclaration conjointe,
le 7 septembre 2009, du Groupe de Travail National pour soutenir
la Palestine et l’Iraq, de l’Association Marocaine pour le
Soutien à la Lutte Palestinienne, et des instances des trois
conférences nationales au Maroc, relie les évènements et appuie
la thèse d’un rôle israélien et sioniste croissant au Maroc.
Cette déclaration a condamné les différentes initiatives de
normalisation des relations avec les sionistes, qu’elles soient
officielles ou non, marocaines, arabes ou islamiques, et a
demandé aux responsables marocains de mettre fin à tout ce qui
est dit dans les médias sionistes suivis des médias occidentaux,
en niant la participation du Maroc aux exercices militaires de
l’OTAN en cas de participation de l’Entité sioniste, et en
s’opposant aux allégations faisant état de préparations pour
l’ouverture de l’espace aérien marocain aux avions israéliens et
aux rumeurs de relance des relations avec l’Etat hébreu.
La déclaration a
également fait appel aux responsables marocains pour barrer la
route à toute initiative de normalisation que les citoyens
marocains considèrent en toute occasion et à travers les marches
auxquelles ils ont participé par millions comme une trahison
nationale, et même pour s’opposer avec toute la fermeté requise
à toute tentative de provoquer une sédition ethnique ou
confessionnelle au Maroc, puisque les agents de renseignement
israéliens et us-américains s’acharnent à salir la réputation
des Marocains amazigh (berbères) par la collaboration avec le
terrorisme sioniste, la coopération avec ses desseins de
normalisation et l’annonce de la mise en place de l’Association
d’amitié amazigho-sioniste.
La déclaration a précisé
que les Marocains ont été surpris de trouver un magazine
israélien en vente dans les kiosques marocains, et il s’est
avéré par la suite que sa distribution n’était pas autorisée.
S’ensuivent les nouvelles de l’invasion des marchés marocains
par des dattes israéliennes, la participation dénoncée d’un
attaché militaire marocain à Washington à une cérémonie d’adieu
à l’attaché militaire israélien chez lui, les fuites au sujet de
l’augmentation des échanges commerciaux entre le Maroc et l’Etat
hébreu, l’ouverture de l’espace aérien marocain, comme l’ont
fait certains pays arabes, pour le passage des avions israéliens,
l’autorisation pour ceux qui ont des cachets israéliens sur
leurs passeports d’entrer au Maroc, les préparatifs pour ouvrir
un bureau de liaison et rétablir les relations avec les
sionistes dans le cas où on annoncerait un gel de la
construction des colonies et une reprise du dialogue entre les
Palestiniens et l’Etat hébreu.
Benchetrit, le Président
de la Fédération Mondiale des Juifs Marocains avait révélé la
progression du nombre des touristes israéliens au Maroc. Il
avait également annoncé qu’une délégation israélienne de haut
niveau, comprenant des membres de la Knesset et des chefs de la
communauté [juive] marocaine, ont rendu visite au Maroc et y ont
tenu une réunion importante.
Traduit par Tafsut Aït
Baamrane,
Tlaxcala
Original :تقرير
مراقبة قضائية في محاكمة "المعتقلين السياسيين الستة" بالمغرب
English:
Report of Judicial Observatory in the trial of "The six
political detainees" in Morocco (Belliraj Case)
C.A.
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