John Ging dirige
l’agence d’aide de l’ONU (UNRWA) dans la bande de Gaza. Il
dénonce une situation de pénurie chronique et la passivité de la
communauté internationale.
L’Irlandais John Ging
est sorti de l’anonymat durant l’offensive israélienne sur Gaza
de l’hiver dernier. Directeur des opérations de l’UNRWA (l’agence
onusienne d’aide aux réfugiés palestiniens) pour la bande de
Gaza, il avait alors plusieurs fois pris le parti de sortir de
son devoir de réserve – et de ses gonds – pour dénoncer les
souffrances infligées aux civils palestiniens et les
destructions subies par les installations de l’ONU sur place.
John Ging était ces derniers jours à Bruxelles pour rencontrer
les responsables européens. Et pour pousser un cri d’alarme.
« Je suis ici pour dire
que la bande de Gaza se trouve dans une situation d’urgence,
explique-t-il. Les conditions de vie de la population sont
devenues insupportables, avec 80% des gens qui dépendent de
l’aide alimentaire des Nations unies. L’économie n’existe plus.
Le secteur privé a été dévasté par le siège et la guerre. Les
infrastructures en matière d’eau et d’égouttage se sont
effondrées, induisant des conséquences écologiques graves. Neuf
dixièmes de l’eau consommée se situe sous les niveaux
acceptables et d’ailleurs 60% des gens n’ont qu’un accès
irrégulier à l’eau. L’accès’est devenu le mot clé, le problème à
résoudre : accès à l’eau, accès à la nourriture, accès aux
matériaux de construction, accès aux frontières. » Publicité
Le ton de cet avocat de
formation demeure toujours neutre. Même lorsqu’il assène les
vérités les plus cinglantes. « Mais le plus important réside
sans doute dans les dévastations psychologiques que nous
observons auprès de la population et singulièrement auprès des
750 000 enfants qui vivent dans la prison que constitue la bande
de Gaza. La destruction en cours de la société civile de Gaza ne
nous donne guère de temps, il faut agir. »
« 60 ans d’échec »
John Ging n’est pas à
Bruxelles pour cultiver la langue de bois. « Il y avait 120 000
personnes qui étaient employées dans le secteur privé maintenant
anéanti, elles sont en train de faire la queue pour obtenir un
peu de nourriture. Et tout cela en raison de ce siège imposé par
Israël et la communauté internationale, c’est-à-dire une
politique illégale puisque le droit international humanitaire
impose à tous les Etats de protéger les civils en temps de
conflit. L’irresponsabilité de certains (ndlr : une allusion aux
tirs de roquettes de factions palestiniennes) n’annule pas la
responsabilité des autres. Et de toute façon, la charge
financière revient finalement à la communauté internationale. »
L’UNRWA elle-même a
souffert de la guerre à Gaza, plusieurs de ses installations ont
été touchées. « Nous n’avons pas pu commencer la reconstruction
de nos bâtiments détruits ou endommagés puisqu’Israël empêche
l’importation de tout matériel de construction, continue John
Ging. Nous avons adressé une première facture au gouvernement
israélien, qui se monte à 11 millions de dollars, coût de la
rénovation de notre dépôt central de nourriture à Gaza détruit
en janvier dernier par un bombardement. Nous n’avons pas reçu de
réponse. »
Pour le directeur de
l’ONU à Gaza, il serait temps que les décideurs aillent voir sur
place. « Tout le monde sait depuis plus d’un an et demi que la
situation est intenable et pourtant rien ne change. J’invite les
responsables de la communauté internationale à se rendre à Gaza
et d’y observer les conséquences dévastatrices de la situation
sur les êtres humains qui y vivent. Je ne doute pas des bonnes
intentions de quiconque et l’aide de l’Union européenne, plus
gros donateur, est appréciée par la population. Mais il faut
aussi une aide financière supplémentaire : l’on ne peut priver
ces enfants de futur. »
L’UNRWA célèbre cette
année ses 60 ans d’existence. Un anniversaire amer, pour John
Ging et l’agence. « Nous commémorons 60 ans d’échec, d’absence
de solution politique. Cela doit servir à une réflexion sur le
rôle de notre agence : nous sommes fiers de notre contribution
au développement humain prodiguée auprès de ces populations,
tant sur les plans de l’éducation, de la santé que des services
sociaux. Nous souhaitons évidemment la fin de ce conflit, en
attendant nous continuons notre tâche selon le mandat annuel de
l’Assemblée générale de l’ONU. Hélas ! au lieu de s’atténuer, le
défi auquel nous faisons face devient chaque année un peu plus
lourd… »
Source : Le Temps, le
30-11-2009
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/0933eab4-dd2f-11de-bc20-cbd5d36bc26f
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