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2009-10-03

"Le top 40 de Ben Ali Baba", par Taoufik Ben Brik

 

 

 

Nouvelobs.com (Mise à jour chaque décennie)


Ils veulent y être. Tous. Les double canons, les braves, les rouges, les barbus, les chiffes molles, les demis portions, la poudre mouillée. Tous pensent être classés parmi les quarante moustiques qui empêchent Ben Ali de faire la sieste. Un Top 40 de la résistance. Le Hit parade de ceux qui narguent le mieux Ben Ali. Quarante enfoirés et têtes brûlées qui refusent de se soumettre. Ils font l’objet de toute son attention. Toute la boîte tourne pour eux. Il en prend soin, il les bichonne à coup de coups fourrés. Ça les rend chèvres, ils font braire la terre entière. Dés qu’il croit tenir le bon bout, voilà qu'ils brûlent la corde. Ils gâchent le paysage, ils polluent son quotidien. Des Fellaghas, ils frappent un coup et filent dans la nuit. Impossible de les suivre à la trace, trop mobiles. Des marvericks, ces chevaux sauvages qui s’écartent du troupeau. Des Su’lûk, ces poètes brigands de la Jahilia, ces samouraïs sans maître. C’est avec eux que Ben Ali fait le derby, qu’on s’en raconte, qu’on se frotte les mécaniques. Cela fait un quart de siècle ou presque que Ben Ali course cette fournée de bâtard. Ben Ali chasseur en quête des quarante. La notoriété ? Le secret de leur audience? Ils les doivent à Ben Ali. Si les Tunisiens entendent parler d’eux, c’est parce que qu’un jour Ben Ali les a désignés.


En haut du palmarès- le tableau de chasse de Ben Ali- on reconnaît les mégastars, les divas : l’avocate Radhia Nassraoui et la journaliste Sihem Bensedrine. Sophia Loren et Lolobrigida. Suivies de près par l’inégalable Moncef Marzouki, alias Dr Mabuse et le beau Hamma Hammami, notre Omar Sharif local. Au firmament, on débusque la pamphlétaire Oum Ziad, Khémaies Chammari dit « le sphinx qui renaît toujours de ses cendres », l’exilé politique Kamel Jendoubi, l’historien Mohamed Talbi, père courage, et bien sûr le plus constant d’entre tous, Am Ali Ben Salem, ancien maquisard.
Au top quarante, on ne peut pas ne pas insérer les extranationaux, ceux-là mêmes qui ont porté et mouillé le maillot de la résistance avec Brio. On les appelle, non sans emphase, le bouclier médiatique tunisien. On retrouve Daniel Mermet de France Inter, Jérome Bony de France 2, Alain Renon de RFI, Stephane Bou de Charlie Hebdo, Florence Aubenas, Jean Pierre Tuquoi du Monde, Nicolas Beau de Bakchich, Patrick Fiole du nouvelobs.com, Christophe Ayad de Libération, Pierre Cherruau du Courrier International, Hassane Zerrouky de l’Humanité, Robert Menard, l’ex patron de Reporters Sans Frontières, Patrick Baudouin, l’ancien président de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme ( FIDH), l’avocat William Bourdon, l’avocate Nathalie Boudjerada, la député européenne Hélène Flautre, le député Noel Mamère, notre pote Harlem Désir, Daniel Cohn-Bendit, Daniel Ben Said, Alain Krevin, Eric Goldstein de Human Rights Watch, Joel Campania du Committee to Protect Journalists, Haytham Manna et Violette Daguerre de la Commission Arabe des Droits de l’Homme, Donnatella Rovera d’Amnesty International, le journaliste algerien Omar Belhouchet, le journaliste marocain Ali Lmrabet, la journaliste helevetique Laurance Bezaguet, le journaliste belge Baudoin Loos, Ayda Sayf Dawla d’Egypte, l’écrivain Gilles Perrault, François Gèse de la Découverte, Philippe Thureau Dangin d’Exils et Jean Claude Guillebaud du Seuil. Certains d’entr’eux ne veulent plus entendre parler de la p’tite Tunisie. D’autres ont changé de «Desk ». Mais Ben Ali reste aux aguets. Il leur interdit de fouler le sol tunisien. Ils sont toujours épinglés en haut du tableau. Un jour ou l’autre ils payeront.

 
D’autres ont été déclassés. Ben Ali ne les considère plus. Il ne danse plus sur leurs tubes. Des has been. Ils manquent cruellement de visibilité. Parmi les déchus, il y a ces feux follets qui ont brillé le temps d’une bourrasque médiatique. On ne se rappelle plus du journaliste Kamel Laabidi, de l’universitaire Larbi Chouikha, du sociologue Salah Hamzaoui, des deux syndicalistes Tahar Chaieb et Abdelmajid Sahraoui, de Maître Néjib Hosni, du troskiste Sadri Khiari, de l’expatriée Olfa Lamloum, de l’avocat Jamaleddine Bida, de l’islamiste Rached Ghannouchi, des deux féministes Bochra Belhadj Hamida et Khadija Chérif, du président de Raid ( Attac Tunisie) Féthi Chamkhi, de l’avocat Chawki Tabib, de l’économiste Abdeljalil Bédoui, du couple Imen Derouiche et Nourreddine Ben Nticha, du couple Ksila,des internautes de Takriz,des rédacteurs de Kaws El Karama, du journal en ligne Tunizine,du clan Ben Brik,du biznessman Khemaïes Toumi,du banquier Majid Bouden, d’Ali Romdhane, l’homme fort de l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens et encore moins de l’universitaire Mezri Haddad, de l’actuel bâtonnier Béchir Essid, de l’eternel étudiant Tahar Gargoura et d’Elhechmi Hamdi, directeur de la chaine londonienne Almostakilla, qui ont tourné casaque. Des vendus à Ben Ali en hébreu.
De nouvelles étoiles qui brillent de tout leurs éclats ont pris place au podium. Parmi les nouvelles têtes, apparaît le prisonnier politique Mohamed Abou, le journaliste Slim Boukhdhir, le syndicaliste du bassin minier de Gafsa Adnène Hajji, le leader Néjib Chebbi, la toute nouvelle présidente du Parti Démocratique Progressiste, Maya Jribi, le président légitime du Syndicat des Journalistes Tunisiens, Néji Baghouri et les deux avocats Ayachi Hammami et Raouf Ayadi. Les deux « teignes » du microcosme.
Au purgatoire, il y a la galerie des « ni-ni », « les aigres doux », ceux que Ben Ali a mis en veilleuse sans les éteindre complètement. Il me semble reconnaître l’actuel président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme Mokhtar Trifi, l’ancien président d’Amnesty International Mahmoud Ben Romdhane, l’actuelle présidente de la FIDH Souhayr Belhassen, l’actuelle présidente de l’Association Tunisiennes des Femmes Démocrates, Sana Ben Achour, l’actuel président de la ligue Tunisienne des Ecrivains Libres Jalloul Azzouna, le propriétaire de la TV Al Hiwar,Tahar Belhassine et le très lisse monsieur Mustapha Ben Jaafar, chef du forum, un parti fantoche.


Il y a aussi ceux qui sont tombés au champ de bataille ( pour cause de décès) : l’ancien bâtonnier Mohamed Chakroun, le très controversé Mohamed Charfi, ancien ministre de Ben Ali et feu Zouheir Yahyaoui, l’internaute fou...


A chaque survivant Ben Ali a concocté un dossier en guise d’auréole, de scalp : boîtes d’archives, des heures d’écoutes téléphoniques, des kilomètres de télécopies, des cartons de coupures de presse, des cassettes vidéo et un amoncellement de rapports rédigés par les voisins, les cousins, l’épicier, le cafetier, le vendeur de journaux à la criée, le cireur, la femme de ménage, le gardien de l’immeuble, le jardinier, le chauffeur de taxi. Il connaît tout : la marque de leur brosse à dents, le jour de leur circoncision, leurs plats préférés, le cercle de leurs amis, leurs dossiers médicaux, leurs bulletins scolaires, leurs factures d’eau et de gaz, les souches de leurs chéquiers, les photos de leurs enfants, de leurs femmes, de leurs frères et sœurs, de leurs cousins et cousines, jusqu’aux cent quidams qui un jour ou l’autre les ont salué par mégarde. Il les poursuit à travers leurs hobbies, l’amas et le fatras de leur vie. Ben Ali, voit ce qu’ils voient, entend ce qu’ils entendent, parle comme ils parlent. Il n’a plus de vie hors leur vie. Une parfaite doublure.
La poursuite d’un sosie.



Taoufik Ben Brik

 

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