Dans un rapport
confidentiel daté du 15 décembre 2008, dont le Nouvel
Observateur a obtenu une copie, l’Union européenne accuse
le gouvernement israélien d’utiliser le développement de la
colonisation, la construction du mur de séparation, la
planification des voies de circulation, l’instauration du régime
des permis de résidence et de déplacements imposés aux
Palestiniens pour "poursuivre activement l’annexion illégale de
Jérusalem-Est".
Dû à l’initiative du consul général du Royaume-Uni à Jérusalem,
ce document de 20 pages, illustré de plusieurs cartes, est le
fruit des contributions des consuls généraux des pays de l’Union
Européenne à Jérusalem et des chefs de leurs bureaux à Ramallah,
siège de l’Autorité palestinienne.
L’intention de séparer Jérusalem-Est de la Cisjordanie
Après avoir rappelé que la politique de l’Union européenne, face
à la question de Jerusalem est fondée sur la Résolution 242 des
Nations-Unies, c'est-à-dire sur le caractère "inadmissible de
l’acquisition de territoires par la force", le document constate
que "la construction de colonies à Jerusalem-Est et autour de
Jerusalem-Est continue à un rythme rapide, contrairement aux
obligations d’Israël, au regard de la légalité internationale et
de la Feuille de route, réaffirmées à Annapolis"." Sur un total
de près de 470.000 colons dans les Territoires palestiniens
occupés, poursuit le rapport, 190.000 (soit 40%) vivent dans
Jerusalem-Est et 96.000 dans les colonies autour de Jérusalem,
la majorité étant rassemblée dans de grands blocs de
colonisation comme Givat Ze’ev, Etzion, et Ma’ale Adoumim". Le
développement de la colonisation dans la vielle ville et autour
de Jérusalem, la construction et le développement projeté des
principaux blocs de colonisation existant, la mise en œuvre du
plan "E-1" reliant Jerusalem à Ma’ale Adoumim "indiquent une
intention de séparer l’ensemble de Jérusalem-Est et les blocs de
colonies qui l’entourent de la Cisjordanie".
La barrière de séparation, future frontière de l’ةtat
d’Israël ?
Les infrastructures de transport, construites et projetées par
Israël, comme la poursuite de la construction du mur de
séparation contribuent également, selon le document, à saper les
bases d’une future négociation. "86% du trajet de la barrière, y
compris à Jerusalem-Est, constatent les auteurs du rapport, sont
à l’intérieur de la ligne d’armistice de 1949 (la Ligne verte)
en Cisjordanie. La barrière s’éloigne de la Ligne verte pour
inclure 80 colonies, dont 12 à Jérusalem-est, où vivent 385.000
colons israéliens, du côté 'israélien' du mur". "Il n’est donc
pas difficile de comprendre, poursuit le document, que nombre de
Palestiniens redoutent de voir la barrière de séparation devenir
la future frontière avec l’Etat d’Israël". Alors que, selon le
rapport, 285.000 Palestiniens qui résident aujourd’hui entre le
mur et la Ligne verte sont désormais coupés de la Cisjordanie,
le franchissement des checks point et le régime des permis
imposés aux Palestiniens a été durci. "Ces restrictions,
écrivent les diplomates européens, soumettent la vie quotidienne
des Palestiniens à des contraintes qui à leur tour, accroissent
la frustration et nourrissent l’extrémisme".
La politique israélienne des faits accomplis affaiblit le
soutien au processus de paix
Ajoutées à la colère provoquée par la politique israélienne de
démolition des maisons palestiniennes à Jérusalem (400 depuis
2004), les mesures "discriminatoires" appliquées en matière de
droit de résidence, la fermeture des principales institutions
palestiniennes à Jérusalem, et les restrictions imposées par
Israël à la liberté religieuse des Palestiniens chrétiens et
musulmans relèvent, selon ce document d’une pratique des "faits
accomplis sur le terrain" qui "sape la crédibilité de l’Autorité
palestinienne et affaiblit le soutien populaire aux négociations
de paix entre Israël et les Palestiniens".
Destiné en principe au département des relations extérieures de
l’Union européenne, c'est-à-dire aux services de Javier Solana,
ce rapport demeure, trois mois après sa transmission à
Bruxelles, un "document de travail confidentiel" au statut
incertain.
Une "base de données" condamnée à la confidentialité
Certains
ةtats
membres, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni et l’Espagne,
ne seraient pas hostiles à lui donner davantage de visibilité,
surtout après le voyage de la secrétaire d’Etat américaine
Hillary Clinton à Jérusalem, où elle a tenu aux dirigeants
israéliens un discours au moins aussi critique, notamment sur la
question de la colonisation et de la démolition des maisons à
Jérusalem-Est.
Au Quai d’Orsay, les familiers du dossier
confient qu’ils considèrent le document comme une "base de
données" précieuse pour surveiller l’application de la Feuille
de route, adoptée en 2003 par le "quartette" (Etats-Unis,
Nations Unies, Union Européenne, Russie), et pour discuter à
Bruxelles la politique de l’Union, sur le dossier
israélo-palestinien, mais ils ajoutent que, faute de consensus,
ce rapport est condamné à demeurer confidentiel.
En 2005, déjà, un rapport rédigé par les mêmes, et avec la même
tonalité globale avait été enfoui dans un tiroir, à la demande
de plusieurs pays dont l’Italie, avec l’assentiment de Javier
Solana.
NOUVELOBS.COM
| 18.03.2009 |
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