COMMISSION ARABE DES DROITS HUMAINS

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2009-01-26

La guerre de Gaza s’est terminée sur un échec cuisant pour Israël - Gideon Levy

 

 

Au lendemain du retour du dernier soldat israélien de Gaza, on peut affirmer avec certitude qu’ils [les soldats] s’y sont tous rendus en vain. Cette guerre s’est terminée par une défaite cuisante.

Cela dépasse de loin un profond échec moral – qui relève déjà d’un grave problème en tant que tel –, cela renvoie à l’incapacité d’atteindre les objectifs affichés. En d’autres termes, la désolation n’est pas complétée par un insuccès. Nous n’avons rien gagné dans cette guerre, si ce ne sont des centaines de tombes, certaines minuscules, des milliers de personnes mutilées, beaucoup de destructions et une dégradation de l’image d’Israël.

Ce qui semblait de devoir être des pertes qui ne seraient infligées qu’à une poignée d’individus [les «combattants du Hamas»], au début de la guerre, est progressivement apparu comme un massacre de beaucoup d’autres, une fois les trompettes de la victoire baissant de ton.

L’objectif premier de la guerre était présenté ainsi : mettre fin aux tirs de roquettes Qassam. Ils n’ont pas cessé jusqu’au dernier jour de la guerre, seulement après qu’un cessez-le-feu a été déclaré. Les représentants du ministère de la Défense estiment que le Hamas détient toujours un millier de roquettes.

Le second objectif présenté, la prévention de la «contrebande» [par l’utilisation des tunnels en direction de l’Egypte], n’a pas été atteint. Le chef du service de sécurité du Shin Bet [service de sécurité israélien] a estimé que la «contrebande» reprendra dans les deux mois.

La plus grande partie de cette contrebande est destinée à ravitailler en nourriture une population assiégée, pas à obtenir des armes. Néanmoins, même si nous admettons la campagne visant à stimuler la peur, à propos de la «contrebande», avec ses exagérations, cette guerre a servi à prouver qu’uniquement des armes de mauvaise qualité, rudimentaires, passaient par les tunnels de contrebande entre la bande de Gaza et l’Egypte.

La capacité d’Israël à atteindre son troisième objectif déclaré est de même marquée par le sceau du doute. Dissuasion? Mon œil ! La capacité dissuasion que nous devions avoir obtenue lors la Seconde Guerre du Liban [2006] n’a eu aucun effet sur le Hamas. La dissuasion proclamée obtenue aujourd’hui ne fonctionne pas mieux : les tirs sporadiques de roquettes depuis la bande de Gaza se sont poursuivis au cours des derniers jours.

Le quatrième objectif, resté inavoué, n’a pas été rempli. Les «Forces de défense israéliennes» (IDF) n’ont pas retrouvé leurs capacités. Cela ne pouvait pas être le cas au cours une «presque-guerre» contre une faible organisation, équipée de manière primitive, qui s’appuie sur des armes improvisées, avec des combattants qui n’ont quasiment pas engagé le combat.

Les récits héroïques et les poèmes de victoire conjugués au « triomphe militaire » ne permettront pas de modifier cette réalité. Les pilotes ont effectué des missions de formation et les forces terrestres ont été engagées dans des exercices qui impliquaient  des systèmes de coordination [reconnaissance, coordination entre les divers éléments : aérien, infanterie, chars, forces navales, aviation] et usage de la force de frappe.

Présenter l’opération comme une « réussite militaire », comme l’ont fait différents généraux et analystes qui voulaient donner leur avis sur l’opération, est tout simplement ridicule.

Nous n’avons pas affaibli le Hamas. La grande majorité de ses combattants n’ont pas été blessés et le soutien populaire à l’organisation s’est en fait renforcé. Leur guerre a accru l’esprit de résistance et renforcé leur endurance. Un pays comme le nôtre – qui a élevé une génération entière dans l’esprit de se battre seuls contre tous – devrait être capable de saisir cette réalité à l’heure actuelle. Aucun doute ne peut exister à propos de la question : qui était David et qui était Goliath dans cette guerre ?

La population de Gaza, avec ces coups si durs qu’elle a encaissés, ne va pas devenir plus modérée maintenant. Au contraire, le sentiment national va se tourner plus que jamais contre la partie qui a porté ces coups : l’Etat d’Israël. Tout comme l’opinion publique en Israël vire à droite après chaque agression contre nous, il en ira de même à Gaza après l’attaque géante que nous avons lancée contre eux.

Si quelqu’un a été affaibli avec cette guerre, c’est le Fatah, dont la fuite et l’abandon de Gaza prennent aujourd’hui une importance particulière. Dans la série d’échecs de cette guerre, il faut ajouter, c’est l’évidence, l’échec de la politique de blocus [de Gaza]. Un moment, nous avions déjà compris qu’elle était inefficace. Le monde a boycotté, Israël a assiégé, et le Hamas a gouverné (et il est toujours au pouvoir).

Mais le bilan de cette guerre, pour ce qui a trait à Israël, ne se limite pas à l’absence de toute réussite. La guerre nous a imposé un lourd handicap : il continuera à peser sur nous durant longtemps. Lorsque viendra le moment d’évaluer la position internationale d’Israël, nous ne devrons pas nous laisser tromper par la manifestation des soutiens des dirigeants d’Europe. Ils sont venus le temps d’une séance de photos avec le Premier ministre Ehud Olmert.

Les actions d’Israël ont porté un coup sérieux à l’appui de l’opinion publique à l’Etat d’Israël. Bien que cela ne se traduise pas toujours dans la situation diplomatique immédiate, l’onde de choc va nous arriver un jour. Le monde entier a vu les images. Elles ont choqué tous les êtres humains qui les ont regardées, même si elles ont laissé froids la plupart des Israéliens.

Ce qu’ils en concluent, c’est qu’Israël est un pays violent et dangereux, dépourvu de toute modération et faisant fi ouvertement des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, tout en ne respectant aucunement le droit international. Des enquêtes sont en cours.

Plus grave encore est le dommage que cela infligera à notre moral. Il y aura des questions difficiles sur ce que les IDF ont effectivement fait à Gaza. Elles s’imposeront malgré les tentatives de brouiller les choses par les médias recrutés [par le pouvoir].

Alors, qu’a-t-on obtenu finalement ? En tant que guerre déclenchée pour satisfaire à des considérations de politique intérieure, l’opération a réussi au-delà de toute attente. Le président du Likoud, Benjamin Netanyahu, domine les sondages. Et pourquoi ? Parce que nous n’avons pas pu plus obtenir dans cette guerre.

Traduction A l’Encontre

article tiré du site: www.alencontre.org et publié  dans le quotidien israélien Haaretz, le 23 janvier 2009