Au lendemain du retour du
dernier soldat israélien de Gaza, on peut affirmer avec
certitude qu’ils [les soldats] s’y sont tous rendus en vain.
Cette guerre s’est terminée par une défaite cuisante.
Cela dépasse de loin un
profond échec moral – qui relève déjà d’un grave problème en
tant que tel –, cela renvoie à l’incapacité d’atteindre les
objectifs affichés. En d’autres termes, la désolation n’est pas
complétée par un insuccès. Nous n’avons rien gagné dans cette
guerre, si ce ne sont des centaines de tombes, certaines
minuscules, des milliers de personnes mutilées, beaucoup de
destructions et une dégradation de l’image d’Israël.
Ce qui semblait de devoir être
des pertes qui ne seraient infligées qu’à une poignée
d’individus [les «combattants du Hamas»], au début de la guerre,
est progressivement apparu comme un massacre de beaucoup
d’autres, une fois les trompettes de la victoire baissant de
ton.
L’objectif premier de la
guerre était présenté ainsi : mettre
fin aux tirs de roquettes Qassam. Ils n’ont pas cessé jusqu’au
dernier jour de la guerre, seulement après qu’un cessez-le-feu a
été déclaré. Les représentants du ministère de la Défense
estiment que le Hamas détient toujours un millier de roquettes.
Le second objectif présenté,
la prévention de la «contrebande» [par l’utilisation des tunnels
en direction de l’Egypte], n’a pas été atteint. Le chef du
service de sécurité du Shin Bet [service de sécurité israélien]
a estimé que la «contrebande» reprendra dans les deux mois.
La plus grande partie de cette
contrebande est destinée à ravitailler en nourriture une
population assiégée, pas à obtenir des armes. Néanmoins, même si
nous admettons la campagne visant à stimuler la peur, à propos
de la «contrebande», avec ses exagérations, cette guerre a servi
à prouver qu’uniquement des armes de mauvaise qualité,
rudimentaires, passaient par les tunnels de contrebande entre la
bande de Gaza et l’Egypte.
La capacité d’Israël à
atteindre son troisième objectif
déclaré est de même marquée par le sceau du doute. Dissuasion?
Mon œil ! La capacité dissuasion que nous devions avoir obtenue
lors la Seconde Guerre du Liban [2006] n’a eu aucun effet sur le
Hamas. La dissuasion proclamée obtenue aujourd’hui ne fonctionne
pas mieux : les tirs sporadiques de roquettes depuis la bande de
Gaza se sont poursuivis au cours des derniers jours.
Le quatrième objectif,
resté inavoué, n’a pas été rempli.
Les «Forces de défense israéliennes» (IDF) n’ont pas retrouvé
leurs capacités. Cela ne pouvait pas être le cas au cours une
«presque-guerre» contre une faible organisation, équipée de
manière primitive, qui s’appuie sur des armes improvisées, avec
des combattants qui n’ont quasiment pas engagé le combat.
Les récits héroïques et les
poèmes de victoire conjugués au « triomphe militaire » ne
permettront pas de modifier cette réalité. Les pilotes ont
effectué des missions de formation et les forces terrestres ont
été engagées dans des exercices qui impliquaient des systèmes
de coordination [reconnaissance, coordination entre les divers
éléments : aérien, infanterie, chars, forces navales, aviation]
et usage de la force de frappe.
Présenter l’opération comme
une « réussite militaire », comme l’ont fait différents généraux
et analystes qui voulaient donner leur avis sur l’opération, est
tout simplement ridicule.
Nous n’avons pas affaibli le
Hamas. La grande majorité de ses combattants n’ont pas été
blessés et le soutien populaire à l’organisation s’est en fait
renforcé. Leur guerre a accru l’esprit de résistance et renforcé
leur endurance. Un pays comme le nôtre – qui a élevé une
génération entière dans l’esprit de se battre seuls contre tous
– devrait être capable de saisir cette réalité à l’heure
actuelle. Aucun doute ne peut exister à propos de la question :
qui était David et qui était Goliath dans cette guerre ?
La population de Gaza, avec
ces coups si durs qu’elle a encaissés, ne va pas devenir plus
modérée maintenant. Au contraire, le sentiment national va se
tourner plus que jamais contre la partie qui a porté ces coups :
l’Etat d’Israël. Tout comme l’opinion publique en Israël vire à
droite après chaque agression contre nous, il en ira de même à
Gaza après l’attaque géante que nous avons lancée contre eux.
Si quelqu’un a été affaibli
avec cette guerre, c’est le Fatah, dont la fuite et l’abandon de
Gaza prennent aujourd’hui une importance particulière. Dans la
série d’échecs de cette guerre, il faut ajouter, c’est
l’évidence, l’échec de la politique de blocus [de Gaza]. Un
moment, nous avions déjà compris qu’elle était inefficace. Le
monde a boycotté, Israël a assiégé, et le Hamas a gouverné (et
il est toujours au pouvoir).
Mais le bilan de cette
guerre, pour ce qui a trait à Israël,
ne se limite pas à l’absence de toute réussite. La guerre nous a
imposé un lourd handicap : il continuera à peser sur nous durant
longtemps. Lorsque viendra le moment d’évaluer la position
internationale d’Israël, nous ne devrons pas nous laisser
tromper par la manifestation des soutiens des dirigeants
d’Europe. Ils sont venus le temps d’une séance de photos avec le
Premier ministre Ehud Olmert.
Les actions d’Israël ont porté
un coup sérieux à l’appui de l’opinion publique à l’Etat
d’Israël. Bien que cela ne se traduise pas toujours dans la
situation diplomatique immédiate, l’onde de choc va nous arriver
un jour. Le monde entier a vu les images. Elles ont choqué tous
les êtres humains qui les ont regardées, même si elles ont
laissé froids la plupart des Israéliens.
Ce qu’ils en concluent, c’est
qu’Israël est un pays violent et dangereux, dépourvu de toute
modération et faisant fi ouvertement des résolutions du Conseil
de Sécurité des Nations Unies, tout en ne respectant aucunement
le droit international. Des enquêtes sont en cours.
Plus grave encore est le
dommage que cela infligera à notre moral. Il y aura des
questions difficiles sur ce que les IDF ont effectivement fait à
Gaza. Elles s’imposeront malgré les tentatives de brouiller les
choses par les médias recrutés [par le pouvoir].
Alors, qu’a-t-on obtenu
finalement ? En tant que guerre
déclenchée pour satisfaire à des considérations de politique
intérieure, l’opération a réussi au-delà de toute attente. Le
président du Likoud, Benjamin Netanyahu, domine les sondages. Et
pourquoi ? Parce que nous n’avons pas pu plus obtenir dans cette
guerre.
Traduction A l’Encontre
article tiré du site:
www.alencontre.org et publié dans
le quotidien israélien Haaretz, le 23 janvier 2009
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