Si les retombées humaines et politiques de
l’agression israélienne sont d’une gravité qui interpelle la
conscience morale de tous les hommes libres, le rôle joué par
les médias occidentaux dans la couverture de cette agression
n’est pas moins abject. A défaut de pouvoir soutenir
efficacement les vivants, nous insulterions la mémoire des morts
de Gaza si nous ne démasquions pas la propagande sournoise des
médias occidentaux dans cette bataille qui vise à asservir les
esprits et à prévenir tout mouvement de solidarité avec le
peuple palestinien en lutte pour ses droits nationaux légitimes.
Dès le lendemain des frappes israéliennes, tous les médias
occidentaux ont repris la fable consistant à présenter
l’agression israélienne comme une réponse au lancement des
roquettes du Hamas ! La disproportion des deux types d’action
suffirait à susciter le doute parmi des enfants mais qu’importe
pour ces médias pro-israéliens ! Le plus important est qu’ils
s’acquittent de la tâche qui leur a été confiée dans cette
guerre et sans laquelle l’opération israélienne risquait de
perdre ses dividendes politiques. En effet, l’essentiel est de
cacher le fait capital que cette agression a été préméditée et
préparée depuis six mois dans le cadre d’un agenda stratégique
régional qui dépasse de loin le conflit israélo-palestinien,
agenda qui a sans doute été précipité par la perspective de la
prochaine élection législative israélienne et la perspective de
l’investiture du nouveau président américain.
On peut toujours discuter des choix tactiques du Hamas et
notamment de sa décision de ne pas reconduire une trêve qui
s’est avérée un piège visant à étrangler la société
palestinienne de Gaza en vue de neutraliser l’esprit de
résistance de la population en recourant notamment à un embargo
illégal et criminel. Mais il n’y a pas plus grand crime
aujourd’hui que de chercher à faire endosser la responsabilité
de l’agression israélienne par le Hamas comme tentent de le
faire les régimes vendus de Moubarak et de Mahmoud Abbas. Ce que
les médias occidentaux ne diront jamais est que l’agression
israélienne contre Gaza, outre qu’elle était préméditée et
préparée secrètement par l’état-major israélien depuis six mois,
s’inscrit dans une logique stratégique bien définie, en
concertation avec Washington, visant à imposer la « pax
americana » dans la région du Moyen Orient.
Dans ce projet de « pax americana », les rôles des acteurs
régionaux sont définis par avance. L’Iran et la Syrie doivent
être neutralisés par la mise en œuvre d’une stratégie de la
tension graduelle. Isolement diplomatique, embargo économique et
guerre psychologique devraient préparer le terrain à une
agression militaire le cas échéant. La guerre de l’été 2006
contre le Hezbollah s’inscrivait dans cette logique visant à la
fois à précipiter l’effondrement du front intérieur libanais, à
créer un conflit artificiel entre la Syrie et le Liban et à
enlever à la Syrie et à l’Iran un allié aux capacités
mobilisatrices certaines. L’agression israélienne contre le
Liban a lamentablement échoué grâce à la résistance admirable du
Hezbollah mais aussi grâce à la maturité de la société libanaise
dans son ensemble qui a déjoué le plan israélo-américain qui
escomptait un scénario de guerre civile.
L’évolution de la scène politique en Irak n’est pas pour
rassurer les Américains et les Israéliens. Les actions suspectes
de la soi-disant nébuleuse d’al Qaeda contre la population
civile chiite n’ont pas donné le résultat escompté à savoir une
guerre civile. Les forces de la résistance sunnite contre
l’occupant américain ont compris le jeu américain et se sont
retournés contre les groupes criminels d’al Qaeda et sont entrés
dans une négociation intelligente avec le gouvernement irakien
visant à redessiner la carte politique intérieure autour de la
revendication majeure du retrait des forces d’occupation
étrangère. La perspective d’une agression israélienne contre ses
sites nucléaires a poussé, entre-temps, l’Iran à modérer son
discours et sa politique à l’égard des Etats arabes voisins dans
le but de leur enlever tout prétexte à une action hostile.
Dans ces conditions, il restait aux Américains et aux Israéliens
de frapper le « maillon faible » de la résistance régionale qui
se trouve être malheureusement Gaza. Pourquoi Gaza qui constitue
pourtant un symbole de la résistance héroïque du peuple
palestinien est-il devenu un « maillon faible » dans le
dispositif de la résistance ? La densité démographique, la
radicalisation politique de la population comme en témoigne la
victoire électorale du Hamas de juin 2007 et l’existence d’une
organisation paramilitaire aguerrie auraient milité pour une
insertion autrement plus honorable de Gaza dans le dispositif de
la résistance régionale à la « pax americana ». Mais c’était
sans compter sur l’acharnement criminel d’acteurs internationaux
et régionaux autrement plus puissants à commencer par Israël qui
n’a pas cessé depuis 2007 de planifier et d’exécuter un embargo
criminel visant la capitulation de Gaza.
Ce que les médias occidentaux ne diront jamais est que
l’agression israélienne contre Gaza n’est que la continuation
militaire de cette guerre qui ne dit pas son nom qui a commencé
depuis juillet 2007. Ce que les médias occidentaux ne diront
jamais est que cette guerre qui a déjà fait plus de 300 morts et
un millier de blessés a commencé non pas le jour où les F 16 se
sont lancés contre une ville sans défense aérienne mais bien le
jour où Américains et Européens ont unanimement décidé de
déclarer comme « terroriste » et de geler ses comptes bancaires
une organisation qui vient de bénéficier de la majorité des
suffrages de sa population !
La guerre médiatique occidentale a bien précédé la guerre tout
court de l’aviation israélienne. L’isolement diplomatique de
Gaza par les puissances occidentales qui a précédé et accompagné
l’embargo économique et social exécuté par Israël a été facilité
par la complicité des régimes arabes qui se sentaient
politiquement menacés par la victoire électorale du Hamas. Cette
complicité prend des formes variées. Le régime égyptien se
charge d’enfermer la population de Gaza en faisant surveiller
par son armée la seule porte d’entrée qui reste pour les
habitants (Rafah).
La monarchie saoudienne contribue à financer la bureaucratie de
l’autorité palestinienne vendue de Mahmoud Abbas pour lui
permettre de jouer son rôle policier contre la résistance. Il
faut savoir que sans la corruption de l’argent saoudien et
européen, la pseudo-autorité palestinienne ne tiendrait pas un
seul jour. Les bureaucrates et les politiques européens
n’hésitent pas à justifier leur « aide » économique et
humanitaire à la population de Gaza par leur volonté de diminuer
l’influence du Hamas, et plus généralement des organisations
islamistes, parmi la population palestinienne !
Au-delà des F 16 israéliens, le peuple palestinien de Gaza a
affaire à une véritable conspiration criminelle internationale
que les médias occidentaux cherchent à couvrir en se faisant les
relais passifs de la propagande israélienne. Le peuple
palestinien paie dans le sang et la douleur les frais de
l’Après-11 septembre. Sinon comment expliquer l’aveuglement
généralisé dont font preuve ces médias qui ne ratent pourtant
aucune occasion de se lamenter sur les atteintes aux droits
humains sous d’autres cieux ?
Mais ce que les médias occidentaux ne diront jamais est que le
Hamas palestinien est un mouvement de libération nationale dont
les noyaux fondateurs appartiennent à une mouvance idéologique,
les Frères Musulmans, qui, tout en soutenant la résistance armée
légitime contre l’occupation étrangère en Palestine, en
Afghanistan et en Irak, s’est démarquée depuis longtemps de la
violence politique dans les pays arabes et musulmans comme moyen
d’accès au pouvoir et ce, malgré la répression systématique des
régimes autoritaires en place. Cette mouvance condamne
périodiquement les attentats terroristes qui ciblent aveuglément
les civils dans le monde et qui sont généralement revendiqués
par des groupuscules dits « salafistes » sans aucun rapport avec
les Frères Musulmans.
Ce que les médias occidentaux ne diront jamais est que
l’agression israélienne censée contribuer à la « croisade »
universelle contre le « terrorisme islamique », si elle
réussissait à briser militairement et politiquement le Hamas à
Gaza, risquerait de détruire le seul véritable rempart contre le
« salafisme » armé. Ce n’est pas le pouvoir corrompu du Fatah de
Mahmoud Abbas qui pourra endiguer la déferlante « salafiste »
qui risque de trouver dans la tragédie de Gaza et la défaite du
Hamas de quoi nourrir son discours apocalyptique et revanchard !
A moins que ce ne soit le but inavoué des stratèges de
Washington et de Tel Aviv qui trouveraient ainsi dans le « choc
des civilisations » un nouveau souffle dans cette période de
morosité économique…
Le fait de dénoncer la propagande mensongère des médias
occidentaux ne doit à aucun moment nous amener à occulter la
responsabilité des mouvements de libération arabe.La douleur et
l’émotion légitimes suscitées par les scènes d’horreur des corps
palestiniens déchiquetés par les missiles de l’aviation et de la
marine israéliennes ne devraient pas nous empêcher de réfléchir
sérieusement sur les voies et moyens à mettre en œuvre en vue de
faire face à la guerre médiatique qui cultive l’amalgame entre
islamisme et terrorisme. La tragédie de Gaza montre que l’enjeu
de cette guerre médiatique n’est plus seulement d’ordre
stratégique mais conditionne jusqu’à la mobilisation pacifiste à
court terme contre un massacre à huis clos.
Il n’est pas aisé de relever ce défi d’une guerre médiatique
menée par des lobbies transnationaux possédant des ressources
financières, technologiques et humaines sans commune mesure avec
celles dont disposent les organisations militantes. Mais ce
n’est pas une raison pour négliger cette bataille capitale. En
fait, ce qui fait la force de frappe essentielle des médias
occidentaux dans leur guerre mensongère contre la résistance du
peuple palestinien, et des peuples musulmans en général, c’est
la faiblesse idéologique et politique du front de résistance
anti-impérialiste et anti-sioniste dans la région. Un des
symptômes les plus évidents de cette faiblesse est l’incapacité
à rendre plus visible aux yeux de l’opinion publique
internationale et occidentale en particulier, sa nette
démarcation de toutes les formes de terrorisme aveugle visant
des populations civiles innocentes où que ce soit dans le monde.
La résistance à l’occupation étrangère et à la tyrannie
politique de régimes dictatoriaux perdrait de son efficacité si
elle était déconnectée de la lutte contre l’intégrisme religieux
qui nourrit le terrorisme aveugle, divise le front intérieur sur
des bases artificielles et affaiblit les chances d’une
solidarité internationale conséquente. Aujourd’hui, même les
acteurs stratégiques qui devraient compter parmi les alliés
objectifs et naturels du mouvement de libération arabe, comme la
Russie et la Chine, restent dans l’expectative. Et pour cause.
Eux aussi ont affaire à des mouvements sécessionnistes
d’obédience musulmane sunnite qu’ils considèrent, à tort ou à
raison, comme une menace pour leur sécurité nationale. Ils
craignent par-dessus tout que ces mouvements soient manipulés
par les Américains directement ou indirectement via l’Arabie
saoudite.
Même les syndicats européens semblent passifs face à la tragédie
de Gaza, travaillés de l’intérieur par de puissants courants
pro-israéliens, liés notamment à l’Internationale socialiste. Or
ces courants n’auraient jamais influencé ces organisations avec
l’aisance actuelle sans les provocations stupides des courants «
salafistes » qui développent en Europe un discours réactionnaire
qui se retourne finalement contre les peuples musulmans en butte
au sous-développement et à la dictature et contre la communauté
musulmane d’Europe qui souffre d’un climat de racisme et
d’islamophobie croissant.
Nul n’est besoin de chercher à savoir si les groupuscules de la
mouvance pseudo-salafiste sont ou non manipulés par le Mossad et
la CIA même si plusieurs indices ont montré dans un passé récent
que pareille hypothèse n’est pas une vue de l’esprit. Il suffit
de savoir qu’ils font objectivement le jeu des stratèges
américains et israéliens et constituent le pain quotidien de la
propagande des médias occidentaux pour les dénoncer et les
combattre ! Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza augure
malheureusement de jours encore plus sombres pour toute la
région. Si, en plus de notre incapacité à venir en aide à nos
frères de Gaza, nous ne voulons pas insulter leur mémoire, ayons
au moins le courage de comprendre d’où provient la force de nos
adversaires, non pas pour capituler devant elle, mais pour mieux
la démonter pierre après pierre.
ٍSource :
Mondialisation.ca, Le 2 janvier 2009
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