Pour ceux qui ont connu les
deux guerres du Golfe et celle du Kosovo, la manière de
restituer ce qui se passe en Palestine, adoptée par quasiment
tous les médiats, appelle une confrontation saisissante entre la
vision actuelle qu’on nous donne du conflit, et celle qui
régnait alors.
Alors la télévision et la
radio se faisaient volontiers le porte-parole de l’OTAN. On
découvrait sur le petit écran des reportages à charge contre les
« cruels et malfaisants dictateurs, assassins, fascistes,
violateurs des droits de l’homme ». Des chiffres pleuvaient sur
nos têtes, 200 000 morts par ci, des centaines de milliers par
là. Des visages striés par les larmes et la souffrance, en très
gros plan, pulvérisaient notre émotion en gerbes réprobatrices,
des fumées, des prisons, des portions de terre retournée, des
miliciens et officiers à l’air déterminé et menaçant
accompagnaient des récits de massacre, d’ethnocide, de génocide,
d’épuration, et les trémolos dans la voix des commentateurs
ponctuaient de leur chevrotante basse continue l’angoissant
accompagnement musical, noir à souhait, qui servait à illustrer
cet enfer sur terre. Car Serbes et Irakiens passaient à peine
pour des êtres humains. Leurs victimes étaient de pauvres
innocents que des féroces soldats égorgeaient dans les sillons.
On rameutait, pour bien désigner l’ennemi et l’ami, les
souvenirs d’Auschwitz, de l’Anschluss, des camps de
concentration, et on trouvait imparablement à chaque coup un
corps décharné, aux côtes saillantes, et de grands yeux effarés,
fixés sur un horizon vide, pour bien faire entrer dans le crâne
des bâfreurs occidentaux assis devant leurs platées vespérales,
quels étaient les criminels innommables que les forces coalisées
du Bien écrasaient comme des cafards.
On sait aussi quels ont été les mensonges qu’on a déversé dans
l’enceinte même de ce machin impuissant qu’est l’ONU, sans que
les journalistes, idiots ou non, aient le courage ou
l’intelligence d’en souligner l’absurdité pour éclairer nos
lanternes.
Et maintenant, vous avez un Etat, dont la légitimité n’existe
que pour ceux qui procèdent à une lecture littérale de la Bible,
qui a usurpé sa présence et sa légitimité dans une ancienne
contrée périphérique de l’Empire ottoman, qui s’est taillé un
territoire par le terrorisme et l’intoxication, qui a déporté,
expulsé des populations autochtones, qui s’est doté d’armes de
destruction massive dont il serait probablement le seul, sur la
planète, à se servir sans état d’âme, qui a parqué les indigènes
dans des ghettos qu’il affame, humilie, dont il détruit
systématiquement, avec une méthode digne de génocidaires
émérites, tous les moyens de s’élever culturellement, ruinant
les écoles, les facultés, les infrastructures, vouant ainsi ces
populations à une survie proche de celle des bêtes, voilà un
Etat dont la doctrine officielle est fondée sur la loi du sang,
qui se considère comme la manifestation eschatologique d’un
destin électif voulu par Dieu, un Etat qui estime que la Terre
qu’il a conquise dans la terreur lui était prédestinée, et
qu’elle vaut bien tout le sang qu’elle a fait couler et qu’elle
absorbera, un Etat, qui dérobe cette Terre, la dévore par bribes
en disséminant parmi ses légitimes propriétaires, avec l’accord
tacite de nations complices, des métastases appelées colonies,
un Etat qui pratique sans souci, sans susciter de commentaires
désobligeants, ce qu’il appelle des « assassinats ciblés », et
qui est tout simplement du terrorisme.
Cet Etat ne devrait-il pas provoquer une vague de révolte parmi
les peuples du monde, les chancelleries, les ministères des
affaires étrangères ? Nos journalistes et nos intellectuels, qui
dégainent leurs petits livres des droits de l’homme plus vite
que leur ombre, ne seraient ils pas fondés de condamner, avec la
gravité qu’ils savent si bien utiliser, ces crimes contre
l’humanité ?
Eh bien non ! Là où n’importe quelle nation commettant ces
méfaits serait rejetée de l’Humanité comme scélérate, on
présente l’Etat sioniste, sa politique, ses actions, comme
allant de soi, comme de la légitime défense. Ainsi met-on sur le
même plan, en dramatisant de ce côté, en atténuant de l’autre,
les tonnes de bombes incendiaires ou à fragmentation, les
missiles hautement perfectionnés, les tanks invulnérables, et
les quelques roquettes qui n’ont souvent le tort que d’empêcher
de dormir. Ainsi ajoute-t-on, à chaque tempête de fer et de feu
déversé sur des civils, qu’elle répond à ces tirs de roquettes.
Ainsi habitue-t-on l’opinion à jauger une vie israélite comme
infiniment plus précieuse qu’une vie arabe. On s'accoutume aux
centaines, aux milliers d’existences musulmanes fauchées par les
balles et les bombes sionistes. On considère comme une
catastrophe toute vie juive détruite par la légitime défense
palestinienne.
Et, subrepticement, on façonne une vision partiale du conflit.
En voyant des Israéliens vêtus à l’Européenne, parlant souvent
très bien les langues européennes, habitant des quartiers
ressemblant à ceux qui se trouvent en Europe ou en Amérique, en
laissant parler, sans esprit critique, leurs représentants, qui
savent manipuler les consciences comme des experts formés dans
les universités occidentales, face à des Palestiniens
désespérés, réduits à des gestes ultimes, poussés par la rage de
se voir abandonnés par des Etats musulmans ayant vendu leur
honneur aux Yankees, des musulmans pauvres, hurlant, gesticulant
en enterrant rapidement leurs morts, l’Occidental repu, lâche,
égoïste, poreux à la propagande, se dit que nous est montrée à
la télévision l’éternelle lutte de la civilisation contre la
barbarie, du Bien contre le Mal.
Et il ne reste plus alors aux journalistes qu’à notifier, au
détour d’une phrase, de manière pour ainsi dire anodine, que
Jérusalem est la capitale d’Israël. Le tour est joué et la Terre
peut continuer de tourner pour les menteurs et les assassins.
Samedi, 3 Janvier 2009
Source : voxnr
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