COMMISSION ARABE DES DROITS HUMAINS

Arab Commission for Human Rights
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2008-09-29

L’aide aux étrangers en danger -   Gilbert Meynier

 

                                    

Historien de l’Algérie concerné par la question des migrations, je tiens à alerter, à mon tour, sur une grave mesure que vient de prendre le gouvernement concernant la défense du droit des étrangers en centres de rétention administrative (CRA) par décret du 22 août 2008, visant à expulser de ces centres la Cimade, qui assure la défense juridique

des retenus. La convention la chargeant de cette mission, renouvelée jusqu’alors régulièrement, arrive à échéance fin 2008.

 

La Cimade a été créée en 1939 à l’initiative de mouvements de jeunesse protestants, au départ pour secourir les évacués d’Alsace-Lorraine pendant la drôle de guerre. Son champ d’activité s’est étendu à l’aide aux réfugiés - espagnols, allemands… - en France et aux juifs pourchassés par le régime de Vichy. Elle a réussi à être présente dans ses camps, comme elle le sera plus tard dans les camps de la guerre d’Algérie, pendant laquelle elle a assisté et soutenu les Algériens luttant pour leur libération.

 

Le sigle Cimade signifie : Comité intermouvements d’aide aux évacués. Aujourd’hui la Cimade se dénomme : Service oecuménique d’entre-aide. Elle travaille en partenariat avec plusieurs associations d’Afrique, qui oeuvrent à la solidarité sociale, à l’éducation et à la défense des droits de l’homme. Depuis la fermeture des frontières en 1974, elle s’est

de plus en plus vouée en France à l’aide aux étrangers en situation irrégulière.

Jusqu’à présent, la Cimade avait été la seule association à répondre à la demande, faite au départ par le ministre Pierre Joxe : il s’agissait, depuis la mise en place en 1984 des CRA, de faire contrepoids à l’administration par des fonctionnaires de police de ces centres fermés.

 

Un nouvel appel d’offres public vient d’être lancé en vue du renouvellement de cette mission. Or le ministère Hortefeux a rajouté des exigences qui visent clairement

la Cimade :

 - la division du marché de la rétention en huit lots, fragmentant la capacité d’avoir

une vision d’ensemble sur la rétention, et mettant fin à toute possibilité d’élaborer le rapport annuel de la Cimade sur les CRA, qui fait autorité ;

- l’engagement de « respecter une confidentialité », empêchant désormais toute action de témoignage sur les CRA ;

- la réduction du rôle des intervenants dans les CRA à une fonction d’« information sur les droits », droits - notamment en matière de recours juridiques - que les étrangers retenus ne pourront désormais exercer que par leurs propres moyens : c’est la fin d’une vraie défense des étrangers.

 

À travers la Cimade, ainsi éliminée, et perdant du même coup une grande partie de ses ressources budgétaires, le gouvernement attente à l’action de vigilance citoyenne de la société civile, indispensable à l’exercice de la démocratie : peu d’associations, sinon aucune, ne peuvent prétendre aujourd’hui à une telle qualité d’expertise, d’écoute et de réconfort en matière d’aide aux étrangers : il y a par exemple des membres du Secours catholique qui sont engagés sur ce terrain sous la bannière de la Cimade.

 

L’objectif clair du gouvernement est de faire évoluer les CRA en centres fermés destinés à accueillir tous les migrants dès leur arrivée sur le territoire français : il sera dès lors impossible de formuler une demande de régularisation en dehors de ces centres. Et, en cas de refus, l’expulsion n’en sera que plus facilement exécutée.

 

En signifiant à tous ces humains désorientés, qui ont cru trouver dans l’émigration la solution à leur situation désespérée dans leurs pays d’origine, qu’ils seront désormais livrés à eux-mêmes pour leur défense, ces mesures portent atteinte aux droits fondamentaux des migrants. Et elles portent en germe une aggravation supplémentaire des tensions sociales et intercommunautaires.

 

 

Source : L'Humanité du 23 septembre 2008 (France)

 

Historien, professeur émérite à l’université de Nancy-II.