Plusieurs
ONG ont décidé d’intervenir auprès du secrétaire général de
l’ONU, Ban Ki-moon, afin de freiner la prolifération des
diplomates au sein des comités d’experts. Ces derniers sont
chargés de vérifier que les États respectent les Conventions et
les Traités qu’ils ont signés. Ces experts doivent en effet être
indépendants, comme le stipule une directive de l’ONU. Mais,
pour les ONG, cette autonomie est incompatible avec le statut de
diplomate.
Une lettre partira
bientôt de Genève dénonçant ces abus.
Amnesty
Internationale (AI), la
Fédération
International des Droits de l’Homme (FIDH),
Human Rights
Watch (HRW), le
Service
Internationale de Droits de l’Homme (SIDH) et
Alkarama
se mobilisent.
Au début de la présente
session du Conseil [22-26 septembre], l’affaire avait été
évoquée devant son président, le Nigérien Martin Ihoeghian
Uhomoibhi. Abdel Wahab Hani, au nom des ONG Alkarama (Dignité)
et Commission Arabe des Droits Humains, avait alors critiqué la
nomination le 4 septembre dernier de l’actuel ambassadeur
d’Égypte aux Pays Bas, Ahmed Amin Fathalla, comme membre du
Comité des
droits de l’homme de l’ONU. Le rôle de celui-ci est
de contrôler l’application du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, l’un des deux piliers de l’ONU. Il
avait été désigné en même temps que l’Algérien Lazhari Bouzid,
sénateur non élu, nommé par le président de son pays, aux côtés
de l’ambassadeur du Pérou en Espagne.
« Ces nominations
politiques de politiques font peser un risque sérieux sur les
organes de surveillance et leur indépendance. Nous appelons tous
les États à s’abstenir de présenter des détenteurs de postes
politiques, car cela est en totale contradiction avec les
critères d’indépendance et d’impartialité [requis pour ces
postes] », a souligné Abdel Wahab Hani vendredi 19 septembre
lors du débat au Conseil, pour demander leur démission.
Sebastien Gillioz, avocat et représentant de HRW à l’ONU,
s’inquiète « des conséquences que ce genre de pratiques peut
engendrer. Il existe un véritable risque de ne plus faire la
nuance entre ce qu’est un expert des droits de l’homme et ce
qu’est un diplomate. La confusion ne cesse de s’accroître au
péril de l’indépendance des mécanismes institutionnels. »
Cette pratique est
souvent critiquée par des ONG, qui craignent le manque
d’autonomie de ces diplomates-experts. Cela représente « une
violation du critère de haute moralité inscrit dans l’article 28
du Pacte », ajoute Abdel Wahab Hani. D’après un communiqué
public d’Amnesty International du 7 mars 2008, l’ONU devrait
pour ces postes « s’abstenir de nommer des candidats qui
occupent une fonction rémunérée ou non au sein du gouvernement
susceptible de compromettre leur indépendance et leur
impartialité ». Ces experts devraient répondre « aux exigences »
en termes de « compétence ». Il doivent être des « membres
hautement qualifiés s’engageant vigoureusement en faveur des
droits humains ».
AI rappelle le contenu
d’un document des Nations Unis date de 1997, signé par
l’ensemble des présidents des organes de contrôle des traites à
l’époque. Ils recommandaient alors aux Etats parties « de
s’abstenir de nommer ou d’élire dans les organes de traits des
personnes actives à des fonctions politiques ou occupant des
positions qui ne seraient pas immédiatement conciliables » avec
la charge d’expert.
Interrogés dans les
couloirs du Palais des Nations à Genève, plusieurs ambassadeurs
ont refusé de donner leur position sur le sujet. L’un d’eux a
expliqué qu’il pouvait concevoir des exceptions pour des pays
ayant de faibles forces diplomatiques et peu d’experts à
disposition.
Les autres cas signalés
par les ONG
Dans le Comité qui
contrôle le second pacte sur lequel s’appuie l’édifice juridique
des Nations Unies, relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, on découvre que le ministre biélorusse des affaires
étrangères, Sergei Martynov, siège depuis 2004. Dans le Comité
aux Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), on trouve Naéla
Gabr, ancienne ambassadrice à Genève, aujourd’hui assistante du
ministre égyptien des affaires étrangères pour les organisations
internationales. Elle siège en compagnie de Violeta Neubauer et
de Dubravka Simonovic, deux coordinatrices pour l’égalité des
chances dans les ministères des affaires étrangères de la
Slovénie et de la Croatie respectivement.
Au
Comité contre la discrimination raciale (CERD), on remarque José
Augusto Lindgren Alves, ancien ambassadeur du Brésil à Sofia,
aujourd’hui en poste à Brasilia, et Fatima-Binta Victoria Dah,
diplomate de carrière au Burkina Faso avec le grade de ministre
plénipotentiaire de classe exceptionnelle, à la retraite. Au
Comité des droits de l’enfant (CRC), les diplomates sont
représentés par le Qatar, le Bangladesh et l’Egypte. Il faut
ajouter l’ambassadeur d’Équateur à Washington, M. Luis Gallegos
Chiriboga, membre du Comité contre la torture (CAT). La mainmise
est encore plus flagrante dans le Comité pour la protection des
droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs
familles (MWC) où sept des dix membres sont des diplomates.
Source : tribune des droits humains
|