Samedi je participais
à la manifestation contre la guerre d’Afghanistan avec Marc
Dolez député socialiste du nord. Mes amis de PRS ont formé une
petite délégation groupée autour de leurs drapeaux. Au moment où
je les rejoins, il fait beau et chaud si bien que la
manifestation est aussi un moment où l’on peut lever le nez pour
jauger les façades du Paris populaire. J’en ai besoin.
L’ambiance stressante de la préparation du congrès socialiste
m’a asphyxié. Chemin faisant, vers Barbés, je bavarde avec les
représentants du Mouvement pour la paix. On convient de se
revoir pour approfondir la conversation tout en prenant rendez
vous pour les conférences de presse qui vont précéder le débat
et le vote à l’assemblée et au Sénat cette semaine. L’actualité
sera sur ce sujet. Les figures de la paix et de la guerre
reviennent dans le débat public. Elles ne vont pas en sortir de
si tôt. Dans ce registre plus que dans tout autre, l’examen
soigneux des arguments, leur comparaison et leur vérification
est un devoir de précaution constant pour qui veut agir en
connaissance de cause. Car très traditionnellement, la guerre
nécessite une consommation considérable de mensonges et de zone
de silence pour son entretien. Leur mise à nu fourni souvent un
éclairage précieux vers la vérité. De cette violence crue du
mensonge asséné avec l’aplomb tranquille de l’évidence, nul
meilleur exemple que la volte face du président de la République
sans autre argumentation que la force de l’affirmation. Le 26
avril 2007, entre les deux tours de la présidentielle, sur
France 2, il déclare : «
La présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du
monde ne me semble pas décisive. Si je suis élu, les troupes
françaises quitteront l’Afghanistan
». Puis en novembre 2007, au cours de sa visite à Washington, il
affirme: «
la France restera engagée en Afghanistan aussi longtemps qu’il
le faudra, car ce qui est en cause dans ce pays, c’est l’avenir
de nos valeurs et celui de l’Alliance Atlantique
». Du retrait au
renfort, la France a pris un virage sur l’aile sans autre
explication que la décision de son chef des armées. Tout est
donc bien possible dès qu’il s’agit de propagande. Ma conviction
contre cette guerre est connue. Je n’y reviens pas ici. Je veux
seulement poser les questions qui peuvent éclairer le moment, si
elles trouvaient réponse.
D’un bobard à l’autre
Les Etats-Unis et la
France sont allés «
en Afghanistan pour
défendre la liberté du monde
» ? C’est ce que proclame Nicolas Sarkozy,le 20 août à Kaboul et
le 21 août en Conseil des ministres. Personne n’a pourtant
jamais démontré de lien positif entre les actes de guerre de la
coalition en Afghanistan et la « liberté du monde ». Sans excès
de mauvais esprit, on pourrait même aisément démontrer
l’inverse, à savoir que c’est l’intensification des actes de
guerre de la coalition qui nourrit le terrorisme et fait reculer
la liberté. Sarkozy n’en est pas à sa première affirmation
péremptoire. Dès son discours devant la conférence des
ambassadeurs le 27 août 2007, il avait affirmé que pour «
prévenir une
confrontation entre l’Islam et l’Occident
», « notre
devoir est d’accentuer nos efforts en Afghanistan
». On ne voyait pourtant pas non plus très bien le lien logique
entre les deux, ni d’ailleurs quelle pouvait bien être la
réalité d’une confrontation globale entre des entités aussi
floues que l’«Islam
» et l’ «
Occident
». Le ronflement des phrases creuses de cet acabit n’a jamais
cessé pour justifier une présence militaire française dont en
réalité plus personne n’énonce clairement les objectifs. Du coup
l’emphase éclate comme une bulle de savon à la première question
même la plus banale. Ainsi quand le président de la Commission
de la défense de l’Assemblée nationale proclame que «
la présence militaire
française en Afghanistan est l’opération extérieure la plus
décisive pour la sécurité de la France
» (le 26 août à l’assemblée nationale). Faudrait-il donc en
conclure que si la France ne combattait pas en Afghanistan, sa
sécurité aurait gravement été compromise ? Par qui ? Comment ?
Pourquoi ? Un argument massue de Bernard Kouchner tente de
balayer la question : «le
terrorisme qui frappe aujourd’hui à Kaboul pourrait frapper
demain plus prés de chez nous
». C’est le même argumentaire qui avait été utilisé par les
Américains pour justifier leur invasion de l’Afghanistan en 2001
au nom de la légitime défense suite aux attentats du 11
septembre. Nous sommes en danger? Pourquoi?
UN PASSE OBSCUR
Une bonne preuve de
l’effet d’opportunité qui a été à l’origine de l’invasion
militaire de l’Afghanistan est qu’elle a été préparée par les
Américains et les Britanniques plusieurs mois avant le 11
septembre. Dès l’été 2001, les Américains avaient commencé à
envoyer des commandos en Afghanistan et avaient pré positionné
d’importantes forces en Egypte tout en déployant avec les
Britanniques leurs flottes en mer d’Oman pour préparer
l’invasion du pays. Les vrais motifs de l’invasion étaient donc
ailleurs que dans la réplique à Oussama Ben Laden, qui n’avait
d’ailleurs d’autres liens avec l’Afghanistan que de s’y être
réfugié dans les montagnes. Mais qui se souvient que le régime
taliban qui gouvernait à l’époque à Kaboul avait déclaré
accepter au lendemain du 11 septembre de livrer Ben Laden pour
qu’il soit jugé. Peu importait alors aux Américains. Colin
Powell affirme alors au monde entier que les Etats-Unis
détiennent des preuves de l’implication afghane dans les
attentats du 11 septembre et qu’elles seront fournies au Conseil
de sécurité. Personne ne les a pourtant jamais vues. Personne ne
les réclame depuis. Ce tableau est donc couvert d’une ombre
inquiétante depuis l’origine. En effet, les Américains sont très
actifs en Afghanistan et au Pakistan depuis la fin des années
1970. Ils se sont fortement appuyés sur les islamistes pour
contrer l’influence soviétique dans la région. C’est eux qui ont
constitué « Al-Qaïda » à l’époque pour combattre les russes. A
ce titre, ils avaient directement armé les Talibans. La prise de
pouvoir de ceux-ci à Kaboul en 1996 avait été soutenue par deux
alliés de poids des Etats-Unis : l’Arabie Saoudite et le
Pakistan. Tout ce passé semble s’être évanoui des souvenirs
officiels et des «argumentations » du présent. Pourquoi ?
LE PETROLE
BIEN SUR
Dans cette région du
monde, la succession des événements montrent que souvent les
motifs d’action sentent très fortement le pétrole. Depuis la
chute de l’URSS en 1991, les Etats-Unis font tout pour contrer
l’influence russe et iranienne en Asie centrale. En particulier
pour désenclaver sous leur contrôle les importantes réserves de
pétrole et de gaz du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan et du
Turkménistan. Les Etats-Unis conçoivent alors un projet de pipe
line géant allant de la mer Caspienne jusqu’à la mer d’Oman via
l’Afghanistan et le Pakistan. Pour cela ils négocient via la
compagnie pétrolière californienne Unocal avec tous les pouvoirs
locaux en place. A partir de janvier 2001, le vice-président
Dick Cheney suit personnellement le déroulement de ces
tractations qui butent sur le refus du régime taliban. On notera
que le régime taliban à peine renversé, le 27 décembre 2001, le
Turkménistan, l’Afghanistan et le Pakistan signaient un accord
relançant le projet de pipeline. Bush a aussitôt comme émissaire
spécial à Kaboul un ancien collaborateur du groupe Unocal, le
diplomate Zalmay Khalizay et le président Hamid Karzaï a lui
aussi été consultant du groupe pétrolier, tout comme le futur
ministre afghan des Mines et de l’Industrie Mir Sediq. Cette
caricature à peine croyable de main mise est une toile de fond
avérée. Mais elle est toujours absente du débat sur les
objectifs de guerre en Afghanistan et le bilan de la présence
"occidentale". Pourquoi ?
UN BILAN ?
Officiellement, la
coalition internationale (37 pays aujourd’hui) qui est
intervenue derrière les Etats-Unis, d’abord sous mandat de l’ONU
en 2001, puis par délégation à l’OTAN depuis 2003, ne mène pas
de guerre. Elle est censée assurer la «
stabilisation
» et la «
pacification
» du pays. Avec pour la France, une prédilection théorique pour
la formation de l’armée afghane et la reconstruction. Une
rhétorique qui continue d’être servie par Bernard Kouchner. «
Ca n’est
pas une guerre, c’est une mission de paix
» tonne-t-il lors de son audition à l’assemblée nationale le 26
août 2008. Pourtant la réalité militaire en Afghanistan n’a plus
rien à voir avec les objectifs de départ au nom desquels des
troupes françaises ont été engagées en 2001. Le chef d’état
major des armées lui-même a reconnu le 25 août que «
la France conduit des
actions de guerre en Afghanistan
» Tout cela dans un immense gâchis technologique : les avions
Mirage et Rafale stationnés à Kandahar tirent par exemple chaque
mois une vingtaine de bombes à guidage laser dont le prix
unitaire se situe autour de
130 000 euros,
sur des cibles aussi dérisoires qu’une grotte ou une charrette
supposées abrités quelques talibans. La dégradation rapide du
bilan de la présence militaire de la coalition fournit une autre
preuve du gouffre qui se creuse entre les objectifs affichés et
la réalité. Alors que le nombre de soldats occidentaux a cru de
40 000 à plus de 60 000 le nombre de soldats tués a explosé
passant de 58 en 2004 à 230 en 2007. La situation militaire ne
cesse de se dégrader avec la recrudescence des attaques suicides
à raison de 3 à 4 par semaine alors qu’elles étaient quasi
inexistantes en 2004. Les affrontements qui ont coûté la vie à
10 soldats français le 18 août sont très révélateurs de cette
dégradation : ils ont démontré une puissance tactique et
opérationnelle inédite de ce que les généraux français appellent
désormais les « forces insurgées » plutôt que les « Talibans ».
Ces forces ont en
effet soutenu les combats pendant plusieurs heures contre les
soldats français, y compris une fois des renforts parvenus sur
place. Le lieu est aussi révélateur : à moins de 50 kilomètres
de Kaboul, c’est-à-dire dans une zone qui n’est pas du tout
réputée comme "talibane". Tout cela indique que l’opposition
armée à la coalition est manifestement en train de s’élargir
dans une dynamique nationaliste que nourrit l’occupation. Est-ce
étonnant ? Car afin de minimiser ces pertes au sol, la coalition
intensifie les frappes aériennes dites « chirurgicales » et les
vols incessants d’intimidation au dessus des villages afghans
dont la population est plongée dans la terreur. La polémique
enfle aussi sur les armes « sales » qu’utiliseraient les
américains: munitions à uranium appauvri pour percer d’éventuels
bunkers ou parois montagneuses et bombes incendiaires au
phosphore qui transforment en fournaise les zones où elles sont
lâchées. Ces exactions déclenchent des rejets de masse dans la
population que les Occidentaux sont censés aider. Il est
frappant de voir que le vocabulaire pour nommer l’ennemi suit
cette évolution. D’abord il s’agissait de terroristes, à présent
il s’agit tantôt de «
rebelles
» et d’autre fois «
d’insurgés
»…. Cela n’a pas empêché le ministre français de la défense de
continuer à affirmer aux députés : «
Allez dans les
vallées afghanes, où vous verrez les populations qui sont
heureuses que les troupes occidentales soient là
» A coup sûr pas les familles des 8 000 afghans tués en 2007. Ni
celles des civils tués par erreur par une frappe américaine le
22 août : un dommage collatéral que les portes parole de la
coalition ont chiffré à «
5 civils tués
» là où le représentant de l’ONU en a dénombré 90. Ce bilan des
actions de la coalition et de la situation militaire nous ne
pouvons l’établir qu’en recoupant les informations disponibles
dans la presse spécialisée et sur les sites internet qui
s’intéressent à la situation. Aucun gouvernement n’en produit
devant ses assemblées. Pourquoi ?
LA LOI
ISLAMIQUE EST TOUJOURS LA
Dans le registre des
arguments de propagande, on trouve celui selon lequel « sous
le régime des Talibans les droits de l’homme étaient bafoués
» (Hervé Morin le 26 août 2008 à l’assemblée nationale). On
pourrait lui objecter que c’est le cas de beaucoup de régimes, y
compris auxquels la France vend des armes comme l’Arabie
saoudite. Mais la situation depuis la chute des Talibans s’est
elle améliorée ? Plus de la moitié de la population vit dans
l’extrême pauvreté : 53 % des habitants ont moins de 1 dollar
par jour. L’Afghanistan est classé depuis 2004 à la 174ème place
mondiale sur 178 pays pour l’indice de développement humain. Une
situation à rapprocher des sommes englouties par la guerre sur
place…La coalition consomme 100 millions de dollars de dépenses
militaires par jour et 10 fois moins pour les dépenses civiles
de reconstruction. La condition des femmes ? Elle est
officiellement meilleure en vertu d’une constitution qui
garantit théoriquement l’égalité hommes-femmes. Pour autant, les
femmes ne sont considérées par la même constitution que comme
une minorité politique, au même titre que des groupes ethniques
ou tribaux, auxquels sont réservés des quotas (25 % de femmes à
l’assemblée nationale et 16 % au sénat). La même constitution
écrite sous l’égide américaine confirme le pays comme république
islamique, dans laquelle la base fondamentale du droit reste la
charia. A tel point que la cour suprême est chargée de contrôler
la conformité des lois à la loi musulmane. Ou encore que
l’abandon de la religion musulmane ou la conversion à une autre
religion sont toujours punis de la peine de mort. Autant de
points qui avaient été salués par l’Iran au moment de l’adoption
de cette constitution par la Loya Djirga, assemblée coutumière.
Car telle avait été la « Constituante » afghane ! Cette
domination du religieux sur les institutions, confortée et
défendue les armes à la main par nos soldats en même temps que
le régime qui les assume n’est jamais évoqué ni discuté d’aucune
façon. Pourquoi ?
Le retour
de l’Opium
Depuis 2001, à
intervalles réguliers, des conférences internationales pour
l’Afghanistan permettent aux occidentaux d’afficher de
gigantesques promesses de dons pour la reconstruction. Mais sur
les 25 milliards de dollars de promesses cumulées, 10 milliards
n’ont jamais été versés, les Etats-Unis détenant le record de
promesse non tenue (seule 45 % de l’aide américaine promise a
été versée). Et encore, quand l’aide est versée, 40 % est
engloutie dans sa gestion et revient donc aux pays donateurs,
sous la forme de contrats de sécurité ou de services. Le
déséquilibre entre l’effort militaire et l’aide civile est donc
béant : depuis 2001 140 milliards de dollars ont déjà été
dépensés sur le plan militaire et seulement 7 milliards versés
pour l’aide civile ! Cela décrédibilise largement la présence «
occidentale » aux yeux de la population. Ce n’est pas tout. 7
ans d’occupation ont progressivement polarisé l’économie afghane
autour des besoins des occidentaux présents qui concentrent
l’essentiel des investissements, au détriment du développement
économique du pays. Celui-ci ne produit plus rien d’autre que de
l’opium. Alors que la production de pavot avait commencé à
décliner à l’époque des Talibans, l’Afghanistan est redevenu
depuis 2004 le premier producteur mondial d’opium avec 95 % de
la production mondiale représentant plus de la moitié du PIB du
pays. Un record historique a été atteint en 2006 avec la plus
grande production d’opium jamais réalisée, encore dépassée en
2007 où l’ONU parle de «
nouveau record
effrayant
» avec une hausse de production de 34 %. Il faut dire que les
Américains ont directement utilisés les chefs de guerre, barons
de la drogue, pour reprendre les territoires contre les
talibans. Ce sont ainsi dans les zones «
sécurisées
» par les occidentaux et les forces afghanes que la culture de
drogue a explosé. Dans son rapport officiel d’étape à
l’administration Bush, l’émissaire spécial américain James
Dobbins affirmait ainsi en 2005 : «Les
drogues sont la principale source d’argent pour financer la
reconstruction, dépassant largement les aides internationales
cumulées
». Alors même qu’il s’agit du principal motif d’ingérence des
USA en Amérique latine, le bilan de la reprise incroyable de la
culture du pavot sous les yeux des troupes américaines et de
l’absence totale d’action pour l’en empêcher n’est jamais
évoqué. Pourquoi ?
La
vassalisation des coalisés
L’Europe fournit, à
travers ses 25 états membres sur 27 qui sont engagés dans la
coalition américaine, plus de la moitié des soldats étrangers
présents en Afghanistan. Elle représente 30 % de l’aide publique
mondiale versée à l’Afghanistan qui se retrouve 4ème
bénéficiaire mondial de l’aide extérieure européenne derrière la
Turquie, l’ex Yougoslavie et le Maroc. Pourtant l’Europe n’a
pris aucune initiative pour changer le cap de la présence
occidentale en Afghanistan, alors même que les Etats-Unis sont
entièrement dépendants des soldats européens dont le retrait
rendrait le maintien américain intenable. Alors que les Talibans
avaient quasiment disparu du territoire en 2004, c’est donc la
décision américaine de maintenir durablement l’occupation
militaire du pays en y installant d’immenses bases qui leur a
donné progressivement l’occasion de reprendre pied dans la
population à partir de 2005. Les alliés des Etats-Unis l’ont
bien vu. Et la coalition elle-même a commencé à battre de l’aile
fin 2007 : les Canadiens ont menacé de quitter le sud afghan,
l’Italie et l’Allemagne ne maintiennent leur présence que
provisoirement et au prix de débats nationaux houleux et enfin
la Corée du sud se retire carrément. De la sorte on peut dire
que ceux qui font du zèle aujourd’hui sont ceux qui acceptent
une véritable vassalisation à l’égard des Etats-Unis d’Amérique
dans la conduite de la guerre. Ils paient, combattent et se
taisent devant les décisions de leurs chefs. La demande
américaine de renforts français était donc vitale pour la
coalition elle-même.
La réponse positive
de Sarkozy a ainsi été saluée par Bush comme une «
initiative majeure
» et par le très conservateur premier ministre canadien Harper
comme «un
virage, une rupture historiques
». Tout dans la décision française a d’ailleurs été fait pour
envoyer un signal très fort d’alignement atlantiste. Dans la
forme avec une première annonce par Sarkozy devant le parlement
britannique. Et sur le fond puisque le nouveau bataillon
français de 800 homme va soulager les Américains dans l’est
afghan, qui pourront se redéployer sur le sud. Avec ce renfort,
la France passe de la place de 7ème contributeur à la 4ème,
quasi ex-aequo avec l’Allemagne en 3ème position. La décision de
Sarkozy conforte aussi au passage la légitimité de l’extension
des missions de l’OTAN voulue par les Etats-Unis au-delà de sa
vocation purement défensive, comme son intervention hors de la
zone européenne. Avec désormais plus de 3 000 soldats français
mobilisés sur place ou dans les pays voisins, l’Afghanistan
devient la plus importante intervention française à l’étranger,
devant les contingents présents au Liban, en Côte d’Ivoire ou en
Ex-Yougoslavie. Le tout pour une dépense supplémentaire
d’environ 150 millions d’euros par an, alors que l’enlisement du
conflit afghan a déjà contribué à l’envolée des surcoûts
budgétaires liés aux opérations extérieures, qui sont passés de
100 millions d’euros en 2005 à 360 millions d’euros en 2007,
avec un surcoût 2008 qui devrait dépasser les 400 millions. Et
dans ce contexte, de tout côtés va l’antienne : «
cette guerre est
perdue, cette guerre ne peut pas être gagnée
». A tout le moins, en réponse, devrait-il être expliquée
comment elle pourrait être gagnée, en effet. Cela n’est jamais
dit. Pourquoi ?
Une impasse
reconnue
Les perspectives
actuelles de fin du conflit sont si incertaines que le chef
d’état major des armées le général Georgelin le qualifiait
encore à la mi-mars de «
merdier ingérable où
nous n’avons aucun intérêt à nous impliquer davantage
» (cité par le canard enchaîné). Tous les états-majors ont en
effet à l’esprit le précédent de l’occupation soviétique de
l’Afghanistan qui s’était soldée par un désastre et plus de 10
000 russes tués en dépit d’une présence de 130 000 hommes
pendant 10 ans. Interrogé le 26 août à l’assemblée nationale sur
les échéances de l’engagement des forces françaises, Kouchner a
carrément avoué : « pour combien de temps ? Personne ne le sait
» Pour rassurer l’opinion, le gouvernement insiste aussi sur «l’afghanisation
du conflit
» qui serait à portée de main. Ainsi, d’après Kouchner, «
l’armée afghane
c’est l’avenir
» ! La réalité est très éloignée. Un évènement récent a fourni
la preuve de la déliquescence de l’ «armée nationale afghane » :
en mars 2008, le gouvernement afghan a dû lancer un mandat
d’arrêt contre le chef d’état major de l’armée afghane, le
général Dostom, après que celui-ci a commis diverses exactions.
Loin de se soumettre au gouvernement, celui-ci s’est enfui et a
rejoint son armée privée, qui était d’ailleurs une des
composantes de la fameuse « armée nationale afghane ». Ancien
seigneur de la guerre, ce général avait d’ailleurs été imposé
par les Américains en 2003 comme vice ministre de la défense
puis comme chef d’état major afghan en 2005 ! Le bilan de l’afganisation
de la guerre n’est donc jamais fait. Mais on comprend cette fois
ci clairement pourquoi. Cette guerre ne se fait pas « avec » les
afghans mais contre eux.
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