Dossier Afghanistan- La guerre en questions?
Jean-Luc- Melenchon
Samedi je participais à la manifestation contre la guerre
d’Afghanistan avec Marc Dolez député socialiste du nord. Mes
amis de PRS ont formé une petite délégation groupée autour de
leurs drapeaux. Au moment où je les rejoins, il fait beau et
chaud si bien que la manifestation est aussi un moment où l’on
peut lever le nez pour jauger les façades du Paris populaire.
J’en ai besoin. L’ambiance stressante de la préparation du
congrès socialiste m’a asphyxié. Chemin faisant, vers Barbés, je
bavarde avec les représentants du Mouvement pour la paix. On
convient de se revoir pour approfondir la conversation tout en
prenant rendez vous pour les conférences de presse qui vont
précéder le débat et le vote à l’assemblée et au Sénat cette
semaine. L’actualité sera sur ce sujet. Les figures de la paix
et de la guerre reviennent dans le débat public. Elles ne vont
pas en sortir de si tôt. Dans ce registre plus que dans tout
autre, l’examen soigneux des arguments, leur comparaison et leur
vérification est un devoir de précaution constant pour qui veut
agir en connaissance de cause. Car très traditionnellement, la
guerre nécessite une consommation considérable de mensonges et
de zone de silence pour son entretien. Leur mise à nu fourni
souvent un éclairage précieux vers la vérité. De cette violence
crue du mensonge asséné avec l’aplomb tranquille de l’évidence,
nul meilleur exemple que la volte face du président de la
République sans autre argumentation que la force de
l’affirmation. Le 26 avril 2007, entre les deux tours de la
présidentielle, sur France 2, il déclare : «
La présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du
monde ne me semble pas décisive. Si je suis élu, les troupes
françaises quitteront l’Afghanistan
». Puis en novembre 2007, au cours de sa visite à Washington, il
affirme: «
la
France restera engagée en Afghanistan aussi longtemps qu’il le
faudra, car ce qui est en cause dans ce pays, c’est l’avenir de
nos valeurs et celui de l’Alliance Atlantique
».
Du retrait au renfort, la France a pris un virage sur l’aile
sans autre explication que la décision de son chef des armées.
Tout est donc bien possible dès qu’il s’agit de propagande. Ma
conviction contre cette guerre est connue. Je n’y reviens pas
ici. Je veux seulement poser les questions qui peuvent éclairer
le moment, si elles trouvaient réponse.
D’un bobard à l’autre
Les Etats-Unis et la France sont allés «
en
Afghanistan pour défendre la liberté du monde
» ? C’est ce que proclame Nicolas Sarkozy,le 20 août à Kaboul et
le 21 août en Conseil des ministres. Personne n’a pourtant
jamais démontré de lien positif entre les actes de guerre de la
coalition en Afghanistan et la « liberté du monde ». Sans excès
de mauvais esprit, on pourrait même aisément démontrer
l’inverse, à savoir que c’est l’intensification des actes de
guerre de la coalition qui nourrit le terrorisme et fait reculer
la liberté. Sarkozy n’en est pas à sa première affirmation
péremptoire. Dès son discours devant la conférence des
ambassadeurs le 27 août 2007, il avait affirmé que pour «
prévenir une confrontation entre l’Islam et l’Occident
», «
notre devoir est d’accentuer nos efforts en Afghanistan
». On ne voyait pourtant pas non plus très bien le lien logique
entre les deux, ni d’ailleurs quelle pouvait bien être la
réalité d’une confrontation globale entre des entités aussi
floues que l’«Islam
» et l’ «
Occident
». Le ronflement des phrases creuses de cet acabit n’a jamais
cessé pour justifier une présence militaire française dont en
réalité plus personne n’énonce clairement les objectifs. Du coup
l’emphase éclate comme une bulle de savon à la première question
même la plus banale. Ainsi quand le président de la Commission
de la défense de l’Assemblée nationale proclame que «
la
présence militaire française en Afghanistan est l’opération
extérieure la plus décisive pour la sécurité de la France
» (le 26 août à l’assemblée nationale). Faudrait-il donc en
conclure que si la France ne combattait pas en Afghanistan, sa
sécurité aurait gravement été compromise ? Par qui ? Comment ?
Pourquoi ? Un argument massue de Bernard Kouchner tente de
balayer la question : «le
terrorisme qui frappe aujourd’hui à Kaboul pourrait frapper
demain plus prés de chez nous
». C’est le même argumentaire qui avait été utilisé par les
Américains pour justifier leur invasion de l’Afghanistan en 2001
au nom de la légitime défense suite aux attentats du 11
septembre. Nous sommes en danger? Pourquoi?
UN
PASSE OBSCUR
Une bonne preuve de l’effet d’opportunité qui a été à l’origine
de l’invasion militaire de l’Afghanistan est qu’elle a été
préparée par les Américains et les Britanniques plusieurs mois
avant le 11 septembre. Dès l’été 2001, les Américains avaient
commencé à envoyer des commandos en Afghanistan et avaient pré
positionné d’importantes forces en Egypte tout en déployant avec
les Britanniques leurs flottes en mer d’Oman pour préparer
l’invasion du pays. Les vrais motifs de l’invasion étaient donc
ailleurs que dans la réplique à Oussama Ben Laden, qui n’avait
d’ailleurs d’autres liens avec l’Afghanistan que de s’y être
réfugié dans les montagnes. Mais qui se souvient que le régime
taliban qui gouvernait à l’époque à Kaboul avait déclaré
accepter au lendemain du 11 septembre de livrer Ben Laden pour
qu’il soit jugé. Peu importait alors aux Américains. Colin
Powell affirme alors au monde entier que les Etats-Unis
détiennent des preuves de l’implication afghane dans les
attentats du 11 septembre et qu’elles seront fournies au Conseil
de sécurité. Personne ne les a pourtant jamais vues. Personne ne
les réclame depuis. Ce tableau est donc couvert d’une ombre
inquiétante depuis l’origine. En effet, les Américains sont très
actifs en Afghanistan et au Pakistan depuis la fin des années
1970. Ils se sont fortement appuyés sur les islamistes pour
contrer l’influence soviétique dans la région. C’est eux qui ont
constitué « Al-Qaïda » à l’époque pour combattre les russes. A
ce titre, ils avaient directement armé les Talibans. La prise de
pouvoir de ceux-ci à Kaboul en 1996 avait été soutenue par deux
alliés de poids des Etats-Unis : l’Arabie Saoudite et le
Pakistan. Tout ce passé semble s’être évanoui des souvenirs
officiels et des «argumentations » du présent. Pourquoi ?
LE
PETROLE BIEN SUR
Dans cette région du monde, la succession des événements
montrent que souvent les motifs d’action sentent très fortement
le pétrole. Depuis la chute de l’URSS en 1991, les Etats-Unis
font tout pour contrer l’influence russe et iranienne en Asie
centrale. En particulier pour désenclaver sous leur contrôle les
importantes réserves de pétrole et de gaz du Kazakhstan, de
l’Ouzbékistan et du Turkménistan. Les Etats-Unis conçoivent
alors un projet de pipe line géant allant de la mer Caspienne
jusqu’à la mer d’Oman via l’Afghanistan et le Pakistan. Pour
cela ils négocient via la compagnie pétrolière californienne
Unocal avec tous les pouvoirs locaux en place. A partir de
janvier 2001, le vice-président Dick Cheney suit personnellement
le déroulement de ces tractations qui butent sur le refus du
régime taliban. On notera que le régime taliban à peine
renversé, le 27 décembre 2001, le Turkménistan, l’Afghanistan et
le Pakistan signaient un accord relançant le projet de pipeline.
Bush a aussitôt comme émissaire spécial à Kaboul un ancien
collaborateur du groupe Unocal, le diplomate Zalmay Khalizay et
le président Hamid Karzaï a lui aussi été consultant du groupe
pétrolier, tout comme le futur ministre afghan des Mines et de
l’Industrie Mir Sediq. Cette caricature à peine croyable de main
mise est une toile de fond avérée. Mais elle est toujours
absente du débat sur les objectifs de guerre en Afghanistan et
le bilan de la présence "occidentale". Pourquoi ?
UN
BILAN ?
Officiellement, la coalition internationale (37 pays
aujourd’hui) qui est intervenue derrière les Etats-Unis, d’abord
sous mandat de l’ONU en 2001, puis par délégation à l’OTAN
depuis 2003, ne mène pas de guerre. Elle est censée assurer la «
stabilisation
» et la «
pacification
» du pays. Avec pour la France, une prédilection théorique pour
la formation de l’armée afghane et la reconstruction. Une
rhétorique qui continue d’être servie par Bernard Kouchner. «
Ca
n’est pas une guerre, c’est une mission de paix
» tonne-t-il lors de son audition à l’assemblée nationale le 26
août 2008. Pourtant la réalité militaire en Afghanistan n’a plus
rien à voir avec les objectifs de départ au nom desquels des
troupes françaises ont été engagées en 2001. Le chef d’état
major des armées lui-même a reconnu le 25 août que «
la
France conduit des actions de guerre en Afghanistan
» Tout cela dans un immense gâchis technologique : les avions
Mirage et Rafale stationnés à Kandahar tirent par exemple chaque
mois une vingtaine de bombes à guidage laser dont le prix
unitaire se situe autour de
130 000 euros,
sur des cibles aussi dérisoires qu’une grotte ou une charrette
supposées abrités quelques talibans. La dégradation rapide du
bilan de la présence militaire de la coalition fournit une autre
preuve du gouffre qui se creuse entre les objectifs affichés et
la réalité. Alors que le nombre de soldats occidentaux a cru de
40 000 à plus de 60 000 le nombre de soldats tués a explosé
passant de 58 en 2004 à 230 en 2007. La situation militaire ne
cesse de se dégrader avec la recrudescence des attaques suicides
à raison de 3 à 4 par semaine alors qu’elles étaient quasi
inexistantes en 2004. Les affrontements qui ont coûté la vie à
10 soldats français le 18 août sont très révélateurs de cette
dégradation : ils ont démontré une puissance tactique et
opérationnelle inédite de ce que les généraux français appellent
désormais les « forces insurgées » plutôt que les « Talibans ».
Ces forces ont en effet soutenu les combats pendant plusieurs
heures contre les soldats français, y compris une fois des
renforts parvenus sur place. Le lieu est aussi révélateur : à
moins de 50 kilomètres de Kaboul, c’est-à-dire dans une zone qui
n’est pas du tout réputée comme "talibane". Tout cela indique
que l’opposition armée à la coalition est manifestement en train
de s’élargir dans une dynamique nationaliste que nourrit
l’occupation. Est-ce étonnant ? Car afin de minimiser ces pertes
au sol, la coalition intensifie les frappes aériennes dites «
chirurgicales » et les vols incessants d’intimidation au dessus
des villages afghans dont la population est plongée dans la
terreur. La polémique enfle aussi sur les armes « sales »
qu’utiliseraient les américains: munitions à uranium appauvri
pour percer d’éventuels bunkers ou parois montagneuses et bombes
incendiaires au phosphore qui transforment en fournaise les
zones où elles sont lâchées. Ces exactions déclenchent des
rejets de masse dans la population que les Occidentaux sont
censés aider. Il est frappant de voir que le vocabulaire pour
nommer l’ennemi suit cette évolution. D’abord il s’agissait de
terroristes, à présent il s’agit tantôt de «
rebelles
» et d’autre fois «
d’insurgés
»…. Cela n’a pas empêché le ministre français de la défense de
continuer à affirmer aux députés : «
Allez dans les vallées afghanes, où vous verrez les populations
qui sont heureuses que les troupes occidentales soient là
» A coup sûr pas les familles des 8 000 afghans tués en 2007. Ni
celles des civils tués par erreur par une frappe américaine le
22 août : un dommage collatéral que les portes parole de la
coalition ont chiffré à «
5 civils tués
» là où le représentant de l’ONU en a dénombré 90. Ce bilan des
actions de la coalition et de la situation militaire nous ne
pouvons l’établir qu’en recoupant les informations disponibles
dans la presse spécialisée et sur les sites internet qui
s’intéressent à la situation. Aucun gouvernement n’en produit
devant ses assemblées. Pourquoi ?
LA
LOI ISLAMIQUE EST TOUJOURS LA
Dans le registre des arguments de propagande, on trouve celui
selon lequel « sous le régime des Talibans les droits de
l’homme étaient bafoués » (Hervé Morin le 26 août 2008 à
l’assemblée nationale). On pourrait lui objecter que c’est le
cas de beaucoup de régimes, y compris auxquels la France vend
des armes comme l’Arabie saoudite. Mais la situation depuis la
chute des Talibans s’est elle améliorée ? Plus de la moitié de
la population vit dans l’extrême pauvreté : 53 % des habitants
ont moins de 1 dollar par jour. L’Afghanistan est classé depuis
2004 à la 174ème place mondiale sur 178 pays pour l’indice de
développement humain. Une situation à rapprocher des sommes
englouties par la guerre sur place…La coalition consomme 100
millions de dollars de dépenses militaires par jour et 10 fois
moins pour les dépenses civiles de reconstruction. La condition
des femmes ? Elle est officiellement meilleure en vertu d’une
constitution qui garantit théoriquement l’égalité hommes-femmes.
Pour autant, les femmes ne sont considérées par la même
constitution que comme une minorité politique, au même titre que
des groupes ethniques ou tribaux, auxquels sont réservés des
quotas (25 % de femmes à l’assemblée nationale et 16 % au
sénat). La même constitution écrite sous l’égide américaine
confirme le pays comme république islamique, dans laquelle la
base fondamentale du droit reste la charia. A tel point que la
cour suprême est chargée de contrôler la conformité des lois à
la loi musulmane. Ou encore que l’abandon de la religion
musulmane ou la conversion à une autre religion sont toujours
punis de la peine de mort. Autant de points qui avaient été
salués par l’Iran au moment de l’adoption de cette constitution
par la Loya Djirga, assemblée coutumière. Car telle avait été la
« Constituante » afghane ! Cette domination du religieux sur les
institutions, confortée et défendue les armes à la main par nos
soldats en même temps que le régime qui les assume n’est jamais
évoqué ni discuté d’aucune façon. Pourquoi ?
Le
retour de l’Opium
Depuis 2001, à intervalles réguliers, des conférences
internationales pour l’Afghanistan permettent aux occidentaux
d’afficher de gigantesques promesses de dons pour la
reconstruction. Mais sur les 25 milliards de dollars de
promesses cumulées, 10 milliards n’ont jamais été versés, les
Etats-Unis détenant le record de promesse non tenue (seule 45 %
de l’aide américaine promise a été versée). Et encore, quand
l’aide est versée, 40 % est engloutie dans sa gestion et revient
donc aux pays donateurs, sous la forme de contrats de sécurité
ou de services. Le déséquilibre entre l’effort militaire et
l’aide civile est donc béant : depuis 2001 140 milliards de
dollars ont déjà été dépensés sur le plan militaire et seulement
7 milliards versés pour l’aide civile ! Cela décrédibilise
largement la présence « occidentale » aux yeux de la population.
Ce n’est pas tout. 7 ans d’occupation ont progressivement
polarisé l’économie afghane autour des besoins des occidentaux
présents qui concentrent l’essentiel des investissements, au
détriment du développement économique du pays. Celui-ci ne
produit plus rien d’autre que de l’opium. Alors que la
production de pavot avait commencé à décliner à l’époque des
Talibans, l’Afghanistan est redevenu depuis 2004 le premier
producteur mondial d’opium avec 95 % de la production mondiale
représentant plus de la moitié du PIB du pays. Un record
historique a été atteint en 2006 avec la plus grande production
d’opium jamais réalisée, encore dépassée en 2007 où l’ONU parle
de «
nouveau record effrayant
» avec une hausse de production de 34 %. Il faut dire que les
Américains ont directement utilisés les chefs de guerre, barons
de la drogue, pour reprendre les territoires contre les
talibans. Ce sont ainsi dans les zones «
sécurisées
» par les occidentaux et les forces afghanes que la culture de
drogue a explosé. Dans son rapport officiel d’étape à
l’administration Bush, l’émissaire spécial américain James
Dobbins affirmait ainsi en 2005 : «Les
drogues sont la principale source d’argent pour financer la
reconstruction, dépassant largement les aides internationales
cumulées
». Alors même qu’il s’agit du principal motif d’ingérence des
USA en Amérique latine, le bilan de la reprise incroyable de la
culture du pavot sous les yeux des troupes américaines et de
l’absence totale d’action pour l’en empêcher n’est jamais
évoqué. Pourquoi ?
La
vassalisation des coalisés
L’Europe fournit, à travers ses 25 états membres sur 27 qui sont
engagés dans la coalition américaine, plus de la moitié des
soldats étrangers présents en Afghanistan. Elle représente 30 %
de l’aide publique mondiale versée à l’Afghanistan qui se
retrouve 4ème bénéficiaire mondial de l’aide extérieure
européenne derrière la Turquie, l’ex Yougoslavie et le Maroc.
Pourtant l’Europe n’a pris aucune initiative pour changer le cap
de la présence occidentale en Afghanistan, alors même que les
Etats-Unis sont entièrement dépendants des soldats européens
dont le retrait rendrait le maintien américain intenable. Alors
que les Talibans avaient quasiment disparu du territoire en
2004, c’est donc la décision américaine de maintenir durablement
l’occupation militaire du pays en y installant d’immenses bases
qui leur a donné progressivement l’occasion de reprendre pied
dans la population à partir de 2005. Les alliés des Etats-Unis
l’ont bien vu. Et la coalition elle-même a commencé à battre de
l’aile fin 2007 : les Canadiens ont menacé de quitter le sud
afghan, l’Italie et l’Allemagne ne maintiennent leur présence
que provisoirement et au prix de débats nationaux houleux et
enfin la Corée du sud se retire carrément. De la sorte on peut
dire que ceux qui font du zèle aujourd’hui sont ceux qui
acceptent une véritable vassalisation à l’égard des Etats-Unis
d’Amérique dans la conduite de la guerre. Ils paient, combattent
et se taisent devant les décisions de leurs chefs. La demande
américaine de renforts français était donc vitale pour la
coalition elle-même.
La
réponse positive de Sarkozy a ainsi été saluée par Bush comme
une «
initiative majeure
» et par le très conservateur premier ministre canadien Harper
comme «un
virage, une rupture historiques
». Tout dans la décision française a d’ailleurs été fait pour
envoyer un signal très fort d’alignement atlantiste. Dans la
forme avec une première annonce par Sarkozy devant le parlement
britannique. Et sur le fond puisque le nouveau bataillon
français de 800 homme va soulager les Américains dans l’est
afghan, qui pourront se redéployer sur le sud. Avec ce renfort,
la France passe de la place de 7ème contributeur à la 4ème,
quasi ex-aequo avec l’Allemagne en 3ème position. La décision de
Sarkozy conforte aussi au passage la légitimité de l’extension
des missions de l’OTAN voulue par les Etats-Unis au-delà de sa
vocation purement défensive, comme son intervention hors de la
zone européenne. Avec désormais plus de 3 000 soldats français
mobilisés sur place ou dans les pays voisins, l’Afghanistan
devient la plus importante intervention française à l’étranger,
devant les contingents présents au Liban, en Côte d’Ivoire ou en
Ex-Yougoslavie. Le tout pour une dépense supplémentaire
d’environ 150 millions d’euros par an, alors que l’enlisement du
conflit afghan a déjà contribué à l’envolée des surcoûts
budgétaires liés aux opérations extérieures, qui sont passés de
100 millions d’euros en 2005 à 360 millions d’euros en 2007,
avec un surcoût 2008 qui devrait dépasser les 400 millions. Et
dans ce contexte, de tout côtés va l’antienne : «
cette guerre est perdue, cette guerre ne peut pas être gagnée
». A tout le moins, en réponse, devrait-il être expliquée
comment elle pourrait être gagnée, en effet. Cela n’est jamais
dit. Pourquoi ?
Une impasse reconnue
Les perspectives actuelles de fin du conflit sont si incertaines
que le chef d’état major des armées le général Georgelin le
qualifiait encore à la mi-mars de «
merdier ingérable où nous n’avons aucun intérêt à nous impliquer
davantage
» (cité par le canard enchaîné). Tous les états-majors ont en
effet à l’esprit le précédent de l’occupation soviétique de
l’Afghanistan qui s’était soldée par un désastre et plus de 10
000 russes tués en dépit d’une présence de 130 000 hommes
pendant 10 ans. Interrogé le 26 août à l’assemblée nationale sur
les échéances de l’engagement des forces françaises, Kouchner a
carrément avoué : « pour combien de temps ? Personne ne le sait
» Pour rassurer l’opinion, le gouvernement insiste aussi sur «l’afghanisation
du conflit
» qui serait à portée de main. Ainsi, d’après Kouchner, «
l’armée afghane c’est l’avenir
» ! La réalité est très éloignée. Un évènement récent a fourni
la preuve de la déliquescence de l’ «armée nationale afghane » :
en mars 2008, le gouvernement afghan a dû lancer un mandat
d’arrêt contre le chef d’état major de l’armée afghane, le
général Dostom, après que celui-ci a commis diverses exactions.
Loin de se soumettre au gouvernement, celui-ci s’est enfui et a
rejoint son armée privée, qui était d’ailleurs une des
composantes de la fameuse « armée nationale afghane ». Ancien
seigneur de la guerre, ce général avait d’ailleurs été imposé
par les Américains en 2003 comme vice ministre de la défense
puis comme chef d’état major afghan en 2005 ! Le bilan de l’afganisation
de la guerre n’est donc jamais fait. Mais on comprend cette fois
ci clairement pourquoi. Cette guerre ne se fait pas « avec » les
afghans mais contre eux.
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