COMMISSION ARABE DES DROITS HUMAINS

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Les cas de torture se multiplient depuis 2003 en Tunisie  -  Florence Beaugé

 


 
 La lutte contre le terrorisme constitue une "véritable aubaine" pour les dirigeants tunisiens pour sacrifier les libertés et les droits fondamentaux les plus essentiels. C'est ce qui ressort de deux rapports séparés, rendus publics à quelques jours d'intervalle, l'un à Paris, l'autre à Londres.


Jeudi 26 juin, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT) et l'Association tunisienne de lutte contre la torture (ATLT) ont présenté à Paris les résultats d'une enquête détaillée, d'une centaine de pages, démontrant, témoignages à l'appui, les effets de la loi antiterroriste votée par le Parlement tunisien en décembre 2003, suite aux attentats du World Trade Center.


En l'absence d'une définition claire du terrorisme, souligne le rapport, cette loi "a légitimé et renforcé tout l'arsenal répressif déjà impressionnant" mis en place en Tunisie : détentions arbitraires, procès inéquitables, sévices corporels et sexuels, pratique systématique de la torture, conditions inhumaines d'incarcération...


La torture et les traitements "cruels et dégradants" sont utilisés "plus que jamais" contre "des milliers de personnes", pour la plupart jeunes, soupçonnées de participation à des activités "subversives" et/ou terroristes. Et cela, "en toute impunité".


Coups, décharges électriques, viol, suspension au plafond, positions dite de la "balançoire" ou du "poulet rôti", supplice de la baignoire... Les méthodes des agents de l'Etat, souvent au siège même du ministère de l'intérieur à Tunis, mais aussi dans les commissariats de police en province, ne sont pas des "bavures". Toutes les personnes arrêtées dans le cadre de la loi dite antiterroriste ont été torturées, souvent avec la complicité de médecins. Les victimes n'ont aucun recours, insiste le rapport, les juges refusant d'acter les déclarations de sévices et d'en constater les traces. Et si elles portent plainte devant le parquet, leur requête est classée sans même l'ouverture d'une enquête.


Ce rapport du CRLDHT et de l'ATLT fait écho à celui d'Amnesty International (AI), publié le 23 juin à Londres, sous le titre "Au nom de la sécurité : mauvais traitements courants en Tunisie". AI souligne que la loi antiterroriste permet au pouvoir d'"ériger en infraction pénale des activités d'opposition légitimes et pacifiques". Quant aux hommages rendus par les autorités tunisiennes aux droits humains, ils ne sont que des "proclamations de pure forme", destinées à présenter "une image positive" du pays, estime Amnesty. En réalité, les forces de sécurité tunisiennes "persistent à commettre des exactions" dans une impunité "quasi totale".


Pour l'avocat Patrick Baudoin, président d'honneur de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), ces deux rapports confirment que Nicolas Sarkozy a "une analyse à courte vue" sur la Tunisie, lourde de conséquences. Ceux qui pâtissent le plus du régime Ben Ali "ne sont pas les terroristes, mais les démocrates tunisiens", déclare-t-il. Une telle politique ne fait que "renforcer la montée de l'extrémisme". Lors de sa visite d'Etat à Tunis, fin avril, le président français avait vanté "l'espace des libertés qui progresse en Tunisie", déclenchant l'indignation des défenseurs des droits de l'homme des deux côtés de la Méditerranée.



Source: "Le Monde" du 28 juin 2008

 

 

 

 

 

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