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Messieurs les
Chefs d’États de Gouvernement
des pays de la rive Sud de la
Méditerranée,
Messieurs,
Je m’adresse directement à vous
car vos peuples ne seront pas
consultés lorsque vous déciderez
de votre participation ou non à
l’Union pour la Méditerranée
qui vous est proposée par
l’actuel Président de la
République de France.
Le projet de partenariat
euro-méditerranéen ou processus
de Barcelone de 1995 avec son
volet politique déjà axé sur la
sécurité, son aspect économique
et son chapitre culturel n’est
pas si lointain qu’il faille
vous le rappeler. Il promettait
déjà un partenariat. Ni
l’Europe, ni la France n’ont
depuis apporté aux peuples du
Sud de la Méditerranée la
coopération alors promise.
La mondialisation vous a été
imposée. Elle a essentiellement
conduit à la privatisation de
pans entiers des services
publics qui ont été offerts à
des multinationales. Se trouvant
dans une situation de monopole,
elles n’ont amélioré en rien les
anciennes prestations et ne les
ont pas rendues accessibles à un
moindre coût non plus. Vos États
se sont amputés d’une partie de
leurs ressources.
L’Union européenne va exiger de
vous une collaboration pour la
sécurité, mais c’est la sienne
qu’elle veut garantir. Elle vous
demandera de vous équiper en
vous fournissant auprès de ses
fabricants d’armes.
Nous vous demandons de réduire
vos budgets militaires
surdimensionnés par rapport à
vos économies nationales. Ce
sont autant de ressources
soustraites à vos économies
anémiées et réinjectées aux pays
du Nord, lesquels nomment cette
hémorragie de moyens
‘coopération’.
L’Union Européenne vous demande
de faire à sa place la chasse
aux migrants qui choisissent
l’exil au risque de leur vie. Le
vote récent du Parlement
Européen dans sa directive pour
le retour traite les migrants
comme des criminels sans droits.
Cette mesure est une véritable
honte à porter au crédit des
Européens et plus encore à celui
des responsables politiques des
pays d’origine des migrants.
Ils tirent profit sans vergogne
des maigres revenus qu’ils
envoient à leurs familles,
source de devises et ne
protestent pas devant une
application sélective des Droits
de l’Homme.
Toute votre jeunesse qui est
votre première richesse n’a
qu’une ambition, fuir.
Au lieu de vous prêter à un
exercice supplémentaire mais
celui-là commandité de
répression à son encontre,
prouvez-lui qu’il fait bon de
vivre dans leurs pays et sous
vos régimes.
Vous avez à lutter contre
l’analphabétisme qui par ses
proportions énormes souligne que
vous ne pouvez prétendre être
des partenaires à égalité avec
vos maîtres du Nord. 10 millions
d’analphabètes au Maroc, 6
millions 400 000 en Algérie, 2
millions en Tunisie et 900 000
en Libye sont un handicap que
vous ne surmonterez que par une
volonté politique ferme.
Vous ne stabiliserez vos pays
qu’en empruntant cette voie de
l’éducation.
L’Union Européenne vous demande
de faire la police en
Méditerranée contre un risque
terroriste. Le Traité de
Lisbonne non agréé par la
majorité des peuples européens
mais qui sera le texte fondateur
d’une Union très élargie à l’Est
subordonnera la défense des
Européens aux visées du
commandement de l’OTAN. Le seul
terrorisme que vous ayez à
redouter est celui de la famine
et de l’absence de perspectives
dans lesquels sont incarcérés
vos peuples.
Au sein de cette Union pour la
Méditerranée, il vous sera
demandé d’appliquer par
transitivité et à vos dépens les
décisions belliqueuses de
l’OTAN.
En réalité ce qu’il est requis
de vous, c’est que vous
obtempériez à la normalisation
avec le régime de Tel Aviv et
que vous acceptiez de vous
entendre dire que l’Islam et
l’arabité sont les facteurs de
déstabilisation de ce nouveau
monde forgé par les
néo-conservateurs étasuniens.
Vous allez vous asseoir à la
même table que ceux qui
acceptent que soit dit au sein
de leur Parlement « Un bon Arabe
est un Arabe mort » et qui
violent collectivement toutes
les Conventions de Genève et des
centaines de résolutions de
l’ONU qui garantissent les
droits de la Palestine et des
Palestiniens.
Je vous demande de ne pas vous
méprendre.
Lisez ou faites-vous lire le
Livre Blanc de la Défense
préfacé par Nicolas Sarkozy.
Dans moins de 15 ans, l’ancien
colonisateur français prévoit
avec lucidité l’inexorable
déclin démographique et
économique des entités
occidentales, UE et USA, au
profit des pays asiatiques. Il
vous est demandé de rester du
côté de vos anciens et actuels
maîtres qui sont les oppresseurs
indirects de vos peuples pour
les aider à retarder cette
passation inéluctable
d’hégémonie.
Les peuples des pays du Sud de
la Méditerranée n’y gagneront
rien, comme ils n’ont rien gagné
à verser leur sang pendant la
guerre entre Occidentaux de
39-45.
La Chine pour laquelle la
qualification de puissance
émergente n’a plus grand sens en
2008 prête à des taux de 0%
alors que vos économies sont
exsangues d’avoir à assurer les
intérêts d’une dette au montant
déjà payés quatre fois.
Le monde paraît plus incertain
avec de nouvelles vulnérabilités
aux Occidentaux car ils n’en ont
plus la maîtrise absolue. Ils en
ont le vertige et faute de
pouvoir donner le vrai nom à ce
nouvel équilibre, le déclin de
l’Occident, ils le nomment
terrorisme fondamentaliste
islamique (pages 34 et 35 du
Livre Blanc pour la défense).
Je vous demande donc de faire ou
parfaire l’Union des Pays du Sud
de la Méditerranée, harmonieuse
et fraternelle. Ne la faites pas
contre vos vrais voisins et
pays amis d’Afrique.
La dépendance débilitante tant
économique que culturelle
vis-à-vis du Nord désorienté
n’est pas une fatalité.
La Méditerranée est déjà en état
d’agonie écologique avancée, ne
nous prêtons pas au jeu sans
vainqueur possible d’un faux
développement selon le modèle
économique occidental prédateur
qui laisse des milliards
d’individus dans la faim et
l’obligation de migrer.
Les peuples du Sud sont restés
en marge du "progrès". Qu’ils
restent éloignés de la débâcle
économique et spirituelle
occidentale.
Ils ont à créer ou recréer un
monde de solidarité où
"Lumières" n’est pas synonyme de
charniers et d’exterminations
sans nombre et Échange n’est pas
l’équivalent de prédation.
Source :
Convergence
des Causes- 29 juin 2008
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