Alors que le sort de la
ratification du Traité de Lisbonne se
joue le 12 juin en Irlande à l’occasion
d’une consultation référendaire, le
Président américain, sous couvert d’une
visite d’adieu en Europe, s’est employé
ces derniers jours à « faire avancer le
dossier iranien » en Europe… Autrement
dit et en clair, M. Bush, en fin de
parcours, s’est essayé à « vendre la
guerre » à ses satellites du Vieux
Continent, de Ljubljana à Belfast via
Berlin, Rome, Paris, Londres…
Est-ce tout à fait un
hasard d’ailleurs si c’est à Belfast que
s’achèvera la tournée européenne du
président américain ? Que motive cet
intérêt pour la verte Erin ? Bien sûr
Belfast n’est pas Dublin, mais que l’on
se rassure : si d’aventure les Irlandais
se montrent réticents à s’engouffrer
dans la construction européenne telle
qu’imposée par les oligarchies
européistes (une construction qui n’est
pas autre chose que le mince cache-sexe
d’une fusion euratlantique à venir), le
dérisoire obstacle d’un vote négatif
irlandais serait aussitôt contourné… Si
cela est craint, ce n’en est pas moins
une sérieuse hypothèse de travail et un
obstacle a priori surmonté … Il en va
ainsi de la volonté populaire dont il
n’est tenu compte que lorsqu’elle ne se
cabre pas, c’est-à-dire lorsqu’elle
coïncide exactement avec les desiderata
et les agendas des nomenklaturas
néo-libérales.
Une telle visite du maître américain -
sur le départ certes, mais en gardant à
l’esprit que ce ne sont pas les hommes
s’agitant sur la scène médiatique qui
décident des politiques, surtout aux É-U
où les mêmes intérêts, les mêmes groupes
de pression, continueront d’être actif
après le départ de leur catastrophique
homme de paille – ne doit cependant pas
être interprétée trop vite comme l’une
des dernières pirouettes d’un pouvoir
déliquescent… Car le destin des peuples
se joue et se noue dans la coulisse.
Pendant que leurs médias nationaux
distraient l’attention des Français avec
des fadaises style « mariage cassé pour
non-virginité de l’épouse », le rouleau
compresseur des grands desseins
géostratégiques continue de progresser
sous nos yeux, mais sans que la foule
des anonymes, le vulgum pecus, la masse
ignorante, vous et moi, n’en puissent
avoir la moindre idée…
Par exemple the Greater
Middle East Initiative, le « Projet
Grand Orient » de l’Atlantique à
l’Indus, dont « l’Union pour la
Méditerranée » n’est à l’évidence qu’un
sous-ensemble… Qui en parle vraiment ?
Qui en explique les tenants et
aboutissants ?
Or, l’intégration de
l’espace maritime méditerranéen qui nous
concerne au premier chef, est déjà
largement engagé grâce à un maillage
sécuritaire serré par la VIe Flotte
américaine et au moyen d’accords
stratégiques croisés passés entre la
plupart des États arabes riverains de la
Méditerranée, la Turquie et Israël dans
le cadre du dispositif Otan Active
Endeavour qui se met en place en octobre
2001 et du Dialogue méditerranéen – on
appréciera la dénomination de « Dialogue
» pour des partenariats en matière de
sécurité ! - instauré ou encore depuis
1995, par le truchement de l’UE, à
travers le Processus de Barcelone.
Accessoirement, on mesurera à l’aune de
cette réalité diplomatique et
sécuritaire Otan-UE-Maghreb-Machrek, les
réticences affichées à participer à
Paris le 13 juillet au lancement
officiel de l’Union pour la Méditerranée
aux côtés de M. Olmert, Premier Ministre
israélien, notamment de la part de MM.
Bouteflika et Khadafi dont la
collaboration avec l’État hébreu s’est
singulièrement accrue depuis 2006 - voir
la dernière sortie de M. Khadafi -
lorsqu’on sait qu’Algérie et Libye ont,
sous l’égide de l’Otan, participé du 8
au 22 avril de cette année, et aux côtés
des bâtiments de guerre de la VIe
Flotte, à l'opération Phoenix Express
2008…
Ainsi l’unification sous
la houlette de l’Amérique-monde, de
l’espace euroméditerranéen, puis par la
suite sans doute eurafricain – un autre
projet de la Présidence française - sont
des constructions ou des utopies dont
les conséquences prévisibles ne sont
guère enthousiasmantes pour personne :
ni pour les Européens ni pour les
Africains du nord et du Sud… Il est
clair que l’Union pour la Méditerranée
viendrait marcher sur les brisées
d’organisations du Sud telles la Ligue
arabe ou l'Union africaine, ce dont M.
Khadafi semble en effet avoir pris une
conscience tardive et quelque peu
tartuffesque, le 10 juin lors d’un
sommet arabe restreint à Tripoli ! Le
cheval renâcle devant l’obstacle… Reste
donc à savoir si l’UPM est un projet
mort-né ?
Il faudrait ajouter que
bien peu ne semblent avoir trouvé
étrange que M. Sarkozy, dès les premiers
jours de son mandat présidentiel, se
soit précipité pour mettre en branle,
cela sans aucune apparence de nécessité
prioritaire, les projets Euromed et
Eurafrique (ce dernier, pour l’heure,
mis en attente), alors même qu’en
matière de consolidation européenne
proprement dite (sécurité intérieure et
extérieure, sécurité énergétique,
sanitaire et alimentaire) tout restait
encore à faire ! Une Europe précisément
sans Défense au moment où les tensions
avec la République islamique d’Iran se
ravivent et alors que les armées des
états membres de l’UE ont été dissoutes
ou réduites a quia, c’est-à-dire sans
autre défense pour le présent que celle
de l’Organisation du Pacte atlantique,
l’Otan, sous haut commandement
américain… Faut-il une autre preuve de
la vassalisation, voire de la servitude,
d’une Europe combattant aujourd’hui en
Afghanistan au service de Washington
dans un conflit à l’issue et à l’intérêt
plus que douteux ?
Last but not least,
quatre jour après la ratification
irlandaise, le 12 juin - si importante
pour M. Bush - doit intervenir un autre
fait d’une importance capitale et qui
éclaire l’ensemble des grandes manœuvres
dont la zone Europe-Méditerranée est
actuellement le théâtre : le 16 juin à
Luxembourg, conseil des ministres des
affaires étrangères des Vingt-Sept
devrait entériner un partenariat avancé
avec Israël. Cela signifie une
intégration quasi complète au sein du
marché unique, dans les institutions
européennes avec la participation des
ministres israéliens dans les conseils
européens et d'experts dans tous les
programmes et groupes de travail, « ce
qui équivaudrait à conférer à l'Etat
juif un statut de quasi-membre de l'UE »
comme le soulignait le monde dans son
édition du 7 juin.
La chose s’est préparé
dans le silence feutré des chancelleries
car apparemment rien n’avait filtré dans
la grande presse – les archives du
quotidien Le Monde sont muettes en 2007
sur cette question - histoire de mettre
l’opinion devant le fait accompli. Nous
avons ici une preuve supplémentaire que
les vraies décisions, celles qui
engagent le destin des nations ne sont
pas connues du public, qu’elles sont
soigneusement tues… Comme fut caché, dès
l’origine, au début des années 40, les
finalités réelles de la construction
européenne… des objectifs pas très
éloignés de ceux qui président
aujourd’hui à la Greater Middle East
Initiative : démembrer des États
souverains et créer des entités
fédérales sur des bases
communautaristes… un prolongement et une
amélioration substantielles de l’accord
secret Sykes-Picot passé le 16 mai 1916
entre la France, la Grande-Bretagne et
la Russie, lequel organisait le partage
des dépouilles de l’Empire ottoman...
Est-ce la aussi pure coïncidence si la
tournée de M. Bush a démarré par la
Slovénie là où justement, en avril
dernier, se tint la commission chargée
de finaliser cette discrète entrée de
l’État hébreu dans la communauté des
Vingt Sept ? On comprend mieux alors la
hâte de M. Sarkozy à réaliser cette
Union pour la Méditerranée si l’on
considère avec un peu de recul, et dans
son ensemble, l’échiquier géostratégique
proche-oriental…
Au final, ce ne sont
vraisemblablement pas les objurgations
du Premier ministre palestinien, M.Salam
Fayyad, par lesquelles il tente de
détourner ses homologues européens d’une
telle décision lourde conséquence
puisqu’à travers elle l’Union deviendra
partie prenante des conflits présents et
à venir de l’une région les plus chaude,
politiquement et militairement parlant,
de la planète. Très modéré parce que
tributaire de l’aide Européenne, le
Premier ministre palestinien demande
qu’au moins cette entrée soit soumise à
condition, à savoir « qu'Israël se
conforme aux lois internationales et aux
droits de l'homme, y compris par le gel
de la colonisation »… En vérité
l’intégration à marche forcée de
l’espace géopolitique euroméditerranéen
qui s’opère en ce moment même sous nos
yeux, rien ne semblant devoir l’arrêter,
se fera par conséquent au nez et à la
barbe de tous, Européens et Musulmans
qui n’en pourront mais !
Source: Le site des resistants au nouvel
ordre mondial
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