Un mort et des dizaines de blessés par
balles sont tombés à l'issue d'une
nouvelle journée d'affrontements entre
la population et les forces de l'ordre à
Rédeïef, ville minière du Sud-ouest
tunisien.
La persistance de la contestation
sociale dans le bassin minier depuis le
5 janvier dernier et la tournure
dramatique des derniers évènements
attestent de la gravité de la situation
et de l'inanité des atermoiements de la
politique gouvernementale. La crise est
grave et grosse de menaces quant à la
stabilité sociale et politique du pays.
Les habitants de Redeïef, Moulares et
Metlaoui, réclament plus d'égalité dans
la répartition des richesses nationales,
plus de transparence et une égalité des
chances dans l'emploi.
Le mouvement est en effet parti d'une
protestation contre le népotisme et
l'opacité dans le recrutement à la
Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG)
et contre le chômage endémique qui sévit
dans une région particulièrement frappée
par la pauvreté.
Les taux d'analphabétisme, d'échec
scolaire et de chômage, particulièrement
parmi les jeunes diplômés, sont des plus
élevés dans le pays. La pollution fait
des ravages parmi la population et dans
l'agriculture en raison des fumées
dégagées par les usines de traitement du
phosphate et des dépôts de matières
sulfuriques qui s'infiltrent dans la
nappe phréatique. L'infrastructure
hospitalière et sanitaire y est des plus
rudimentaires. L'animation culturelle et
artistique inexistante. L'investissement
y fait gravement défaut et l'Etat fuit
ses responsabilités.
La région ne manque pourtant ni de
ressources humaines ni de ressources
naturelles. Des matières premières
peuvent être transformées localement
pour donner lieu à la création de
briqueteries, d'usines de ciment ou de
câbles. Des études réalisées à ce sujet
croupissent depuis des années sur les
étagères de la bureaucratie régionale et
gouvernementale.
L'Etat se doit d'accorder la priorité au
développement des infrastructures
routières, ferroviaires, hospitalières,
scolaires et culturelles dans ces
régions. Il y va de l'unité et de la
stabilité du pays.
Des incitations exceptionnelles doivent
accompagner cet effort pour encourager
les investisseurs privés à s'établir
dans la région. En attendant, les
Entreprises du Secteur Public, notamment
la CPG et la SNCFT doivent s'associer à
cet effort d'investissement en vue
d'essaimer dans la région des
entreprises de transformation,
créatrices de richesses et d'emplois.
J'adresse à l'occasion de ces évènements
dramatiques mes vives condoléances à la
famille du défunt Hafnaoui Ben Ridha Ben
Hafnaoui, mort à l'âge de 18 ans,
exprime ma sympathie et mon vœu de
prompt rétablissement aux dizaines de
blessés et réaffirme mon soutien total
aux justes revendications des habitants
du bassin minier.
Je saisis cette occasion pour rappeler
la nécessité d'instituer des assemblées
régionales élues, comptables de leurs
actes devant les électeurs. Ces
Assemblées doivent disposer d'un budget
suffisant pour prendre en charge les
questions du développement régional. Il
y va du sentiment d'appartenance
national et de justice dans la
répartition de l'effort de développement
dans le pays.
La réforme et la libéralisation du
système politique constituent aussi une
condition pour mettre fin au sentiment
d'injustice engendré par le népotisme et
la corruption. Elle impliquent l'abandon
du traitement exclusivement sécuritaire
des crises et le dialogue avec les
représentants de la société civile, des
porte- parole des mouvements sociaux en
vue de résoudre les problèmes en
suspens.
Le déséquilibre régional, la faiblesse
des investissements, le du chômage
galopant, la corruption et le népotisme
rampant ne sont pas propres au bassin
minier. Ce sont des fléaux qui frappent
l'ensemble du pays et réclament un
changement politique.
L'instauration d'un régime démocratique,
représentatif et comptable de ses actes
devant les citoyens au moyen d'élections
libres, est on ne peut plus nécessaire
pour la poursuite de l'effort de
développement et le maintien de la
stabilité et de la paix civile dans le
pays.
L'échéance de 2009 nous donne l'occasion
d'exiger et d'imposer cette Réforme.
Elle ne doit pas être par notre
passivité ou notre myopie politique
l'occasion d'une reproduction du même
système autoritaire, de pouvoir
personnel, de parti unique et de
présidence à vie qui a touché à ses
limites et menace par le vide politique
qu'il crée de pousser le pays au bord du
précipice.
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