Mesdames et Messieurs
Je
remercie Le PR Feirouz Nahawandi et
l'Université Libre de Bruxelles de
m'avoir invité à ce colloque sur
L'Europe et La Monde Arabe, pour donner
le point de vue des démocrates arabes
sur un dossier complexe et de plus en
plus confus.
Je traiterai dans cette
brève communication du rôle plus que
négatif que joue les gouvernements
européens, mais aussi américain ,dans
les convulsions qui secouent nos pays et
notamment au niveau de leur processus de
démocratisation.
Quelques jours après
l'intervention américaine en Irak, le
journal arabe El Hayet m'a publié un
article intitulé : L'invasion américaine
ou le baiser de la mort au projet
démocratique arabe.
Dans cet article, je
soutenais que loin de promouvoir la
démocratie dans ce pays, l'invasion
allait ouvrir une auto route au
radicalisme islamiste, et que son impact
sur le processus en cours de
démocratisation dans le reste du monde
arabe serait catastrophique.
Malheureusement c'est ce
qui s'est passé. On connaît le résultat
en Irak où une démocratie frelatée et
soutenue par l'occupant gère un pays en
implosion permanente.
On connaît moins bien à
l'étranger le grave préjudice causé par
cette intervention au travail de
bénédictin effectué par les démocrates
arabes sur plus de trois décennies pour
promouvoir les idées et les idéaux de
la démocratie dans nos pays. Le terrain
avait été beaucoup travaillé les trois
décennies précédentes par un nombre
croissant d'associations, notamment de
défense des droits de l'homme,
d'organisations syndicales indépendantes
du pouvoir, et de petits partis
démocratiques et laïques.
Ce mouvement, initié il
est vrai par les élites citadines et
largement occidentalisées, a démarré
immédiatement après la défaite de 1967,
date charnière dans l'histoire arabe
contemporaine. Avec cette défaite, se
sont effondrées des armées arabes mais
aussi les mythes de la Nation arabe
appelée à prendre sa revanche très
rapidement sur l'Occident grâce aux
trois panacées que sont, dans l'ordre,
le chef charismatique, dont Nasser
était le prototype, le grand parti
mobilisateur des masses, et l'Etat
national et autoritaire qu'ils soit de
gauche ou de droite.
Or, les démocrates
arabes se sont retrouvés très vite pris
en tenaille entre la persécution des
dictatures et l'appui des grandes
démocraties occidentales à ces mêmes
dictatures convaincues que le combat
contre l'intégrisme passait en priorité
sur une hypothétique et lointaine
démocratisation.
C'est comme si les
démocraties occidentales s'étaient
liguées avec les communistes contre
Solidarnosc en Pologne ou les dissidents
Russes.
Loin de promouvoir de
façon ferme la démocratisation allant
son train, surtout dans les pays du
Maghreb, les grands Etats occidentaux,
notamment les USA, la grande Bretagne et
les trois grands pays de l'Europe
Méditerranéenne, à savoir la Espagne,
l'Espagne et l'Espagne ; apportèrent un
soutien politique, économique et
militaire massifs à des régimes
considérés par leurs peuples comme des
régimes illégaux et véritablement
d'occupation interne.
Le soutien tous azimuts
des dirigeants occidentaux à la
dictature tunisienne n'est pas un cas
isolé. Saddam Hussein, contre qui
l'Amérique a mobilisé le monde, a été
pendant dix ans l'homme de main de
l'Occident. La sale guerre qu'il a faite
à l'Iran pendant dix années et qui a
coûté un million de morts des deux
côtés n'a été possible que grâce au
soutien politique économique des grands
Etats occidentaux. Cette guerre
fratricide servait leurs intérêts
stratégiques, notamment en arrêtant la
contagion de la révolution islamique et
son déferlement
----------------
* www.
Moncefmarzouki.net
sur les monarchies
pétrolières du Golfe. A l'époque, les
cinq mille femmes et enfants kurdes
gazés à Halabja en 1988 n'ont pas
beaucoup ému les vertueux démocrates de
Washington ou de Paris. En février 2004,
l'administration américaine annonce son
grand plan pour la démocratisation du
Grand Moyen-Orient et reçoit à
Washington le dictateur tunisien en ami
et allié contre le terrorisme.
On connaît les raisons
géostratégiques qui ont poussé les
régimes occidentaux à combattre les
dictatures communistes. Résumons celles
qui les poussent à ne pas combattre les
dictatures arabes. C'est un phénomène à
multiples étages.
Il y a d'abord la banale
corruption de journalistes véreux,
d'hommes politiques peu
scrupuleux,d'anciens ambassadeurs
convertis dans le lobbying pour le
compte de dictateurs peu regardants à la
dépense. Le commerce joue un rôle- clé.
Dans cette période d'intense concurrence
entre pays industrialisés, les marchés
du Golfe et même ceux du Maghreb ne
doivent pas être dédaignés. Alors on
ferme les yeux. Il y a certainement
quelque chose d'encore plus profond qui
relève du non-dit. Les régimes
occidentaux savent très bien que les
peuples arabes sont des peuples fiers,
vigoureux, impatients de retrouver la
place dans le concert des grandes
nations. Ils savent très bien que ce
sont les dictatures qui les freinent,
les détruisent, les affaiblissent, les
précipitent dans des conduites d'échec.
Ils savent que la démocratie va libérer
en eux des forces colossales. Dans
quelle mesure sont-ils réellement prêts
à assumer les risques de nouveaux
partenaires forts, même dans le contexte
de la paix et sous l'égide des mêmes
valeurs ?
Reste l'alibi, l'excuse
suprême : Nos tyrans travaillent pour
l'Occident en combattant l'intégrisme
islamiste et défendent non seulement ses
intérêts mais ses valeurs.
Or le prétendu
engagement de ces régimes
antidémocratiques à défendre la «
modernité » contre l'«obscurantisme »
est toujours allé de pair avec la
récupération du discours intégriste que
ces faux défenseurs de la laïcité
affirment combattre.
Le dictateur tunisien
reviendra sur des mesures prises du
temps de Bourguiba comme la
détermination de l'Aïd selon le
calendrier solaire et non selon la
vieille technique des guetteurs de lune.
Il introduira l'appel à la prière à la
radio et se glorifiera d'avoir construit
à Carthage la plus grande mosquée du
pays (à laquelle il donnera son nom bien
entendu). L'une de ses marionnettes, à
la tête d'un prétendu conseil
constitutionnel se targuera, mais devant
des non- occidentaux, que la Tunisie, du
fait de l'article premier de la
constitution, est un Etat musulman.
Sadate dotera l'Egypte de la
constitution dont rêvent tous les
intégristes. Il est
spécifié dans son
préambule que la source principale de la
législation est la Charia. Or, c'est
exactement ce dont ne veut à aucun prix
l'opposition démocratique. Le retour à
la Charia ne
légalise pas seulement
la lapidation de la femme adultère ou
les châtiments corporels. Il signifie
que la société n'a pas le droit à son
aggiornamento juridique ou à la
modernisation de ses structures
politiques.
On ne dira jamais assez
la profonde bêtise de cette politique
qui prend le pyromane pour le pompier.
Cela fait un quart de
siècle que les démocrates arabes
répètent que le radicalisme islamiste
n'a de religieux que l'habit, qu'il
s'agit d'une révolte d'essence politique
contre la corruption et la violence de
régimes devenus de véritables corps
étrangers dans leurs propres sociétés,
que l'expression religieuse de cette
révolte politique est une spécificité
culturelle qui s'explique par l'histoire
du monde arabo- musulman. Par conséquent
appuyer des régimes irréformables selon
l'expression d'Olivier Roy revient à
favoriser le maintien des causes mêmes
des deux peurs de l'Occident : le
terrorisme et l'émigration.
L'ironie de l'histoire
c'est que l'administration américaine a
repris ces arguments qu'elle a
superbement ignorés jusqu'au 11
septembre, pour en faire l'usage que
l'on sait et dont on n'a pas encore
mesuré toutes les conséquences.
Il faut que j'explique
ici certaines de ces conséquences sur le
projet démocratique parti des
profondeurs de la
société arabe après la défaite de
1967.... En même temps que le renouveau
de la contestation islamiste quiescente
dans tous les pays arabes depuis le
début du XX siècle.
Ce projet est d'abord un
discours porté par des hommes et des
femmes travaillant au sein de structures
sociales pour proposer des solutions à
la crise d'une société encerclée en
dedans par son propre Etat, et en dehors
par des Etats hostiles qu'il s'agisse
d'Israël, de la Turquie, de l'Iran ou
des Etats occidentaux.
Le projet est donc a la
fois en opposition à celui de la
dictature et en concurrence avec le
projet islamiste.
L'enjeu ce sont les
cœurs et les esprits de 380 millions
arabes en transition vers quelque chose
encore indéfini mais qui ne doit en
aucun cas ressembler à un présent
détestable.
Dans cette course aux
cœurs et aux esprits, les démocrates
partent avec un lourd handicap.
L'idéologie de la
contestation islamiste s'adresse
directement aux cœurs pour ne pas dire
aux viscères, la nôtre s'adresse à la
raison.
L'explication du malheur
est simple dans l'idéologie islamiste
(l'abandon des vraies valeurs), la nôtre
est autrement plus complexe.
Le chemin de sortie de
crise tracé par l'islamisme semble
droit et simple. Une fois qu'on a
retrouvé les vraies valeurs, il suffira
d'appliquer les réformes d'essence
morale et le problème est réglé. Nous,
nous disons que la question n'est pas
une question de morale, de valeurs, mais
d'institutions.
Le plus important est
que l'idéologie islamiste est
profondément inscrite dans la culture,
la nôtre lui est étrangère.
Or c'est ici que le bât
blesse. D'une part les démocrates sont
accusés implicitement d'être les
défenseurs non seulement d'institutions
politiques, mais des valeurs qui les
sous-tendent et qui ne sont pas les
nôtres.
Le naufrage du discours
communisme dans nos pays était amorcé
bien avant la chute des Etats
communistes, tant les Marxistes
-Léninistes étaient perçus avec leur
matérialisme athée comme de véritables
renégats culturels.
L'opprobre sur les
démocrates est moindre bien que la
laïcité souvent revendiquée de pair avec
la démocratie est systématiquement
assimilée par certains ultras de
l'islamisme à l'athéisme, considéré dans
les sociétés arabes comme une tare et un
péché de l'esprit.
Plus grave encore
l'association systématique que font les
Arabes entre démocratie et un Occident
dont la côte n'a été aussi basse dans
nos pays.
Aux anciennes
récriminations sur le colonialisme,
voire sur les croisades, le parti pris
pro -israélien, s'est ajouté un nouveau
filon pour les ultra du nationalisme et
de l'islamisme : l'appui de ces grandes
démocraties donneuses de leçons sur les
droits de l'homme à nos dictatures.
L'invasion américaine a
donné un coup qu'on espère ne pas être
le coup de grâce tant à l'image de
l'occident qu'aux chances de la
démocratie dans le monde arabe.
Entre cinquante et
soixante dix millions d'Arabes suivent
depuis quatre ans chaque soir l'agonie
d'un peuple arabe délivré par les
valeureux démocrates américains et leurs
marionnettes irakiennes de l'horrible
dictateur allié d'hier.
L'avis populaire est
unanime : tout, y compris la dictature,
plutôt que cette démocratie là.
L'attitude occidentale
vis-à-vis des élections algériennes de
1991 et en Palestine en 2005, refusant
de reconnaître le verdict des urnes, a
fini de ruiner toute crédibilité
occidentale et de vider le bébé de la
démocratie avec l'eau du bain sale
d'une politiques cynique et à courte
Vue.
*
Tout cela nous met, nous
autres démocrates arabes dans une
situation impossible.
Que nous le voulons ou
non , nous sommes pour la population
traumatisée par la dictature et la
guerre en Irak et en Palestine , de la
même famille idéologique que les
soutiens , pour ne pas dire les
souteneurs, de nos dictatures , qui plus
est alliés quasi inconditionnels de
l'occupant israélien , cyniques au
double standard ,mais publiant quand
même des rapports sur les droits de
l'homme dans le monde tout en gérant
Guantanamo.
Cet amalgame est vécu
par les démocrates arabes comme
profondément injuste et surtout
extrêmement préjudiciable à leur cause.
Si certains démocrates
notamment en Irak et certains
professionnels des droits de l'Homme
comme en Egypte , vivent de subsides
américains, l'essentiel du mouvement
démocratique et des droits de l'homme
dans le monde arabe, s'est développé
depuis les années 70, de façon
indépendante de tout appui occidental.
Les démocrates arabes
sont tous venus des rangs de la gauche
et du mouvement nationaliste
traditionnellement très pointilleux sur
la question de l'identité et de
l'indépendance nationale.
La démocratie n'est pas
pour eux une idéologie occidentale dont
l'adoption implique une quelconque
inféodation aux politiques des grandes
puissances occidentales, mais un
instrument de libération devenu
universel pour parachever ce que j'ai
appelé la seconde indépendance.
Il n'en demeure pas
moins qu'entre la flambée islamiste et
la politique aberrante des Etats
occidentaux notre marge de manœuvre est
extrêmement étroite.
Quel discours adopter et
comment parler à des cœurs gagnés par
l'islamisme et à des esprits traumatisés
par la vision des horreurs du
démocratisme américain en Irak et de
l'appui des grands Etats européens à nos
bourreaux ?
Il y a un autre défi au
sein du défi. Les démocrates arabes
n'ont jamais voulu être des marionnettes
, des assistés ou une cinquième colonne
au service de l'Occident , mais ils ne
sont pas anti-occidentaux comme une
frange de plus en plus importante de nos
populations sans parler des extrémistes
nationalistes et/ ou intégristes .
Comment crédible sans verser dans les
diatribes anti-occidentales ? Comment
expliquer l'inexplicable à nos
populations à savoir le soutien des
grandes démocraties à des régimes
violents et corrompus ? Comment naviguer
dans les eaux tumultueuses où seul le
poisson islamiste semble avoir trouvé
ses marques ?
En 1996, j'ai eu
l'honneur de constituer avec la
libanaise Violette Daguerre et le Syrien
Haytham Manna le noyau dur du groupe
Ibn Akl, à l'origine de la création de
la Commission Arabe des droits de
l'Homme.
Plus qu'une association
pour la défense et la promotion des
droits de l'homme, dont le droit de la
démocratie, l'association est un lieu où
s'élaborent une réflexion en profondeur
sur les problèmes des droits de
l'homme dans le monde arabe qui a
donné naissance à plus de cinquante
ouvrages, à des interventions nombreuses
et concertées sur Al Jazeera et à la
production un moment d'un programme
télévisé à la chaîne Al Hiwar.
Le discours du groupe
martèle quatre thèses essentielles ;
1 - Se dissocier de la
politique occidentale
Les démocrates arabes
condamnent la politique américaine en
Irak, rejettent le fait que la
motivation démocratique est à l'origine
de l'intervention, ne peuvent souscrire
à aucune démocratie imposée de
l'extérieur par la force et considèrent
que les démocrates Irakiens qui ont
accepté de faire le jeu de l'occupation
comme ne représentant qu'eux-mêmes.
De la même façon, les
démocrates arabes condamnent les
politiques d'appui aux dictatures comme
cyniques, immorales, à terme
contre-productives et nocives pour les
nations des deux rives de la
Méditerranée.
2- Dissocier dans
l'esprit arabe Occident et démocratie.
Compte tenu de la forte
hostilité actuelle de l'opinion
publique arabe à l'occident et sa
tendance à rejeter tout ce qui en vient
- excepté la technologie- l'argument
de'' vente ‘'de la démocratie passe par
le rappel incessant d'une évidences
oubliée y compris en Occident.
Nous ne cessons de
répéter que la plus grande démocratie au
monde, et une des plus stables, est
l'Inde, que l'Occident a mis au point
lors du XX siècle les pires dictatures
de la planète, y compris dans le berceau
de la démocratie, que cette dernière a
bataillé dur entre 1850 et la fin de la
deuxième guerre mondiale pour s'imposer
....et que les peuples occidentaux
seraient bien naïfs de croire que c'est
là un acquis éternel.
L'autre argument de
vente est de rappeler la contradiction
arabe acceptant la technologie
occidentale et refusant le système de
gouvernement qui a permis aux peuples
occidentaux d'acquérir la puissance qui
est la leur.
Il faut arriver à
convaincre nos concitoyens qu'adopter
la démocratie est de même nature
qu'adopter Internet, avec les mêmes
conséquences en cas de rejet de l'une ou
de l'autre.
3- Dissocier dans
l'esprit arabe Etats occidentaux et
sociétés civiles.
Le groupe Ibn Akl est
aussi profondément arabe
qu'universaliste. Il est donc
farouchement opposé à la thèse stupide
du choc des civilisations et veut
éviter que la politique catastrophique
de part et d'autre de la Méditerranée ou
de l'Atlantique renforcent chez nous une
‘'occidentalophobie'' comparable et
symétrique à l'islamophobie qui règne en
Europe et en Amérique.
Le discours que nous
tenons à longueur d'articles,
d'émissions TV et d'écrits théoriques,
est qu'il est impératif de bannir le
terme même d'Occident et d'insister
plutôt sur ses composantes à savoir Les
valeurs, Les Etats et les sociétés
civiles.
Nous avons nos propres
valeurs, mais nous pouvons, et devons,
apprendre de celle des autres. Nous ne
devons pas mettre dans le même sac les
Etats occidentaux, alliés de nos
dictatures, et les sociétés civiles qui
sont nos alliés contre nos
gouvernements et contre la politique
des leurs.
4- Dissocier le combat
pour la démocratie de celui contre
l'islamisme
Le combat contre
l'islamisme est l'affaire des dictatures
.Il est actuellement leur seul fond de
commerce. Il est le prétexte suprême
pour refuser les réformes, et notamment
la fin de la corruption.
Tous les démocrates, qui
sous prétexte de combattre l'islamisme,
se sont allié aux dictatures, n'ont fait
que vendre leur âme au diable, et de
plus gratuitement.
La position du groupe
Ibn Akl, est de dire qu'on ne peut ni ne
doit opposer Islam et Démocratie, qu'il
faut au contraire travailler sur les
dénominateurs communs et vendre la
démocratie'' à la frange centrale et
modérée du spectre islamiste.
Nous considérons que le
processus de démocratisation arabe
rencontre de l'intérieur deux types
d'obstacles majeurs : L'intégrisme
islamiste c'est-à-dire la frange
extrémiste et parfois violente du
spectre et ... l'intégrisme laïque
propre à certaines élites dés
acculturées.
Le premier intégrisme
est étranger à l'époque que nous
vivons, le second à l'espace où se
déroule cette même vie.
Entre ces deux écueils
nous devons naviguer à vue pour
accompagner et accélérer un processus,
qui qans être inéluctable, nous paraît
contrairement aux apparences, bien
engagé.
*
Certains diplomates
occidentaux me demandent souvent d'un
air exaspéré : oui mais que pouvons nous
faire ...de l'air de dire si nous
intervenons vous râlez, si nous ne
faisons rien vous pestez.
Entendons nous bien.
Avant la catastrophique intervention en
Irak, nous ne demandions rien après
encore moins. La démocratisation se fera
par les Arabes ou ne se fera pas.
Mais dans un monde
interdépendant, nous sommes bien placés
pour savoir quel rôle joue le facteur
externe dans notre problématique.
Les gouvernements
Occidentaux ne peuvent plus se cacher
derrière leur petit doigt pour faire
oublier leur appui massif aux
dictatures arabes.
Nous leur demandons
simplement de mettre fin à cet appui et
ce par cinq mesures.
1-
Cesser de se déplacer dans nos pays ou y
venir et les quitter sans encenser des
régimes profondément détestés , cet
appui , habillement amplifié et utilisé
étant vécu par les gens en place comme
une provocation et une insulte.
2- Ne
pas reconnaître les élections truqués
avec la même rigueur qui a été la leur
en refusant de reconnaître les dernières
élections législatives palestiniennes,
pourtant on ne peut plus démocratique.
3-
Considérer les sommes d'argent provenant
de la corruption endémique comme de
l'argent sale et en refuser le
blanchissement.
4-
Ouvrir leurs tribunaux aux procédures
pénales que les ONG des droits de
l'Homme pourraient intenter contre les
tortionnaires.
5-
Favoriser les échanges entre les
sociétés civiles en finançant leurs ONG
travaillant dans le monde arabe, et non
en finançant des ONG arabes.
On voit que nous ne
demandons, ni l'interruption de l'aide
économique, encore moins toute forme
d'intervention dans nos affaires. Ce
sont là des actions relevant de la
souveraineté des Etats occidentaux,
mais dont l'impact sur les processus en
cours dans le monde arabe peuvent être
colossaux.
*
En conclusion j'aimerai
rappeler cette phrase d'Alvin Toeffler
disant que ‘'la Démocratie pour une
société n'est pas une urgence éthique
seulement mais surtout une urgence
technique.
Les sociétés arabes ont
plus que jamais besoin de cette urgence
à la fois éthique et technique.
Si nous restons
relativement confiants dans son avenir
dans notre région , c'est que nous la
considérons comme une vague portée par
les formidables mutations sociales ,
dont le nouveau statut et rôle des
femmes , les formidables mutations
technologiques comme la télévision
satellitaire et Internet ,sans oublier
la contagion internationale.
Les islamistes
responsables, comme en Turquie ont
préféré chevaucher la vague plutôt que
s'y opposer. Je pense que ce sera le
calcul dominant chez tous les acteurs
politiques du futur.
On oublie souvent que
nous ne fonctionnons pas dans un monde
du tout ou rien, mais dans celui des
transitions, des spectres, du clair-
obscur, bref de la complexitéé. Quand on
parle de
Démocratisation
réussie dans un pays, on forcément à
l'esprit la tenue d'élections libres et
l'alternance pacifique au pouvoir. Cela
est certes le signe fort, mais
l'alternance n'est qu'un critère parmi
d'autres de la démocratie. L'islam a
cinq piliers, la démocratie en a quatre:
la liberté d'expression, la liberté
d'association, l'indépendance de la
justice et l'alternance pacifique au
pouvoir. Vues sous cet angle, les
sociétés arabes et la société
tunisienne en particulier ne sont pas
des sociétés non démocratiques s mais à
moitié démocratiques ou plus exactement
en voie de démocratisation.. C'est la
situation qui prévaut dans presque tout
le monde arabe aujourd'hui.
L'irruption dans les
années 90 de deux nouvelles
technologies la télévision satellitaire
et Internet a ‘'boosté'' de façon
remarquable la liberté d'expression, le
débat, l'échange des idées, la
dénonciation et la critique de la
corruption et de la violence de l'Etat,
tout cela par-dessus la tête de
dictatures impuissantes, de moins en
moins craintes, de plus en plus
méprisées.
Quelle ironie que de
penser que c'est sur de tels régimes
que comptent les grands Etats
occidentaux pour régler les problèmes de
l'émigration et du terrorisme.
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