COMMISSION ARABE DES DROITS HUMAINS

Arab Commission for Human Rights
5, rue Gambetta
92240-Malakoff- France
Tel 0033140921588 Fax 0033146541913

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  English 2007-05-31    
 

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DEMOCRATIE ET DROITS HUMAINS EN SYRIE


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Les démocrates arabes entre l’interventionnisme américain et l’appui européen aux dictatures.

Moncef Marzouki*

 

Mesdames et Messieurs

Je remercie Le PR Feirouz Nahawandi et l'Université Libre de Bruxelles de m'avoir invité à ce colloque sur L'Europe et La Monde Arabe, pour donner le point de vue des démocrates arabes sur un dossier complexe et de plus en plus confus.

Je traiterai dans cette brève communication  du rôle plus que négatif   que joue les gouvernements européens, mais aussi américain ,dans les convulsions qui secouent nos pays et notamment au niveau de leur processus de démocratisation.

Quelques jours après l'intervention américaine en Irak, le journal arabe El Hayet  m'a publié un article intitulé : L'invasion américaine ou le baiser de la mort au projet démocratique arabe.

Dans cet article, je soutenais que loin de promouvoir la démocratie dans ce pays, l'invasion allait ouvrir une auto route au radicalisme islamiste, et que son impact sur le processus en cours  de démocratisation dans le reste du monde arabe serait catastrophique.

Malheureusement c'est ce qui s'est passé. On connaît le résultat en Irak où une démocratie frelatée et soutenue par l'occupant gère un pays en implosion permanente.

On connaît moins bien à l'étranger le grave préjudice  causé par cette intervention au travail de bénédictin effectué par les démocrates arabes sur plus de trois décennies pour promouvoir  les idées et les idéaux de la démocratie dans nos pays. Le terrain avait été beaucoup travaillé les trois décennies précédentes par un nombre croissant d'associations, notamment de défense des droits de l'homme, d'organisations syndicales indépendantes du pouvoir, et  de petits partis démocratiques et laïques.

Ce mouvement, initié il est vrai par les élites citadines et largement occidentalisées, a démarré immédiatement après la défaite de 1967, date charnière dans l'histoire arabe contemporaine. Avec cette défaite, se sont effondrées des armées arabes mais aussi les mythes de la Nation arabe appelée à prendre sa revanche très rapidement sur l'Occident grâce aux trois panacées que sont, dans l'ordre,  le  chef  charismatique, dont Nasser était le prototype, le grand parti mobilisateur des masses, et  l'Etat national et autoritaire qu'ils soit de gauche ou de droite.

Or, les démocrates arabes se sont retrouvés très vite pris en tenaille  entre la persécution des dictatures et l'appui des grandes démocraties occidentales à ces mêmes  dictatures convaincues que le combat contre l'intégrisme passait en priorité sur une hypothétique et lointaine démocratisation.

 C'est comme si les démocraties occidentales  s'étaient liguées avec les communistes contre Solidarnosc en Pologne ou les dissidents Russes.

Loin de promouvoir de façon ferme la démocratisation allant son train, surtout dans les pays du Maghreb, les grands Etats occidentaux, notamment les USA, la grande Bretagne et les trois grands pays de l'Europe Méditerranéenne, à savoir la Espagne, l'Espagne et l'Espagne ; apportèrent un soutien politique, économique et militaire massifs à des régimes considérés par leurs peuples comme des régimes illégaux et véritablement d'occupation interne.

Le soutien tous azimuts des dirigeants occidentaux à la dictature tunisienne n'est pas un cas isolé. Saddam Hussein, contre qui l'Amérique a mobilisé le monde, a été pendant dix ans l'homme de main de l'Occident. La sale guerre qu'il a faite à l'Iran pendant dix années et qui a coûté un million de morts des deux côtés  n'a été possible que grâce au soutien politique économique des grands Etats occidentaux. Cette guerre fratricide servait leurs intérêts stratégiques, notamment en arrêtant la contagion de la révolution islamique et son déferlement

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* www. Moncefmarzouki.net

sur les monarchies pétrolières du Golfe. A l'époque, les cinq mille femmes et enfants kurdes gazés à Halabja en 1988 n'ont pas beaucoup ému les vertueux démocrates de Washington ou de Paris. En février 2004, l'administration américaine annonce son grand plan pour la démocratisation du Grand Moyen-Orient et reçoit à Washington le dictateur tunisien  en ami et allié contre le terrorisme.

On connaît  les raisons géostratégiques qui ont poussé les régimes occidentaux à combattre les dictatures communistes. Résumons celles qui les poussent à ne pas combattre les dictatures arabes. C'est un phénomène à multiples étages.

Il y a d'abord la banale corruption de journalistes véreux, d'hommes politiques peu scrupuleux,d'anciens ambassadeurs convertis dans le lobbying pour le compte de dictateurs peu regardants à la dépense. Le commerce joue un rôle- clé. Dans cette période d'intense concurrence entre pays industrialisés, les marchés du Golfe et même ceux du Maghreb ne doivent pas être dédaignés. Alors on ferme les yeux. Il y a certainement quelque chose d'encore plus profond qui relève du non-dit. Les régimes occidentaux savent très bien que les peuples arabes sont des peuples fiers, vigoureux, impatients de retrouver la place dans le concert des grandes nations. Ils savent très bien que ce sont les dictatures qui les freinent, les détruisent, les affaiblissent, les précipitent dans des conduites d'échec. Ils savent que la démocratie va libérer en eux des forces colossales. Dans quelle mesure sont-ils réellement prêts à assumer les risques de nouveaux partenaires forts, même dans le contexte de la paix et sous l'égide des mêmes valeurs ?

Reste l'alibi, l'excuse suprême : Nos tyrans travaillent pour l'Occident en combattant l'intégrisme islamiste et défendent non seulement ses intérêts mais ses valeurs.

Or  le prétendu engagement de ces  régimes antidémocratiques à défendre la « modernité » contre l'«obscurantisme » est toujours allé de  pair avec la récupération du discours intégriste que ces faux  défenseurs de la laïcité affirment combattre.

 Le dictateur tunisien  reviendra sur des mesures prises du temps de Bourguiba comme la détermination de l'Aïd selon le calendrier solaire et non selon la vieille technique des guetteurs de lune. Il introduira l'appel à la prière à la radio et se glorifiera d'avoir construit à Carthage la plus grande mosquée du pays (à laquelle il donnera son nom bien entendu). L'une de ses marionnettes, à la tête d'un prétendu  conseil constitutionnel se targuera, mais devant des non- occidentaux, que la Tunisie, du fait de l'article premier de la constitution, est un Etat musulman. Sadate dotera l'Egypte de la constitution dont rêvent tous les intégristes. Il est

 spécifié  dans son préambule que la source principale de la législation est la Charia. Or, c'est exactement ce dont ne veut à aucun prix l'opposition démocratique. Le retour à la Charia ne

légalise pas seulement la lapidation de la femme adultère ou les châtiments corporels. Il signifie que la société n'a pas le droit à son aggiornamento juridique ou à la modernisation de ses structures politiques.

On ne dira jamais assez la profonde bêtise de cette politique   qui  prend le pyromane pour le pompier.

Cela fait un quart de siècle que les démocrates arabes répètent que le radicalisme islamiste n'a de religieux que l'habit, qu'il s'agit d'une révolte d'essence politique contre la corruption et la violence de régimes devenus de véritables corps étrangers dans leurs propres sociétés, que l'expression religieuse de cette révolte politique est une spécificité culturelle qui s'explique par l'histoire du monde arabo- musulman. Par conséquent appuyer des régimes irréformables selon l'expression d'Olivier Roy revient à favoriser le maintien des causes mêmes des deux peurs de l'Occident : le terrorisme et l'émigration.

L'ironie de l'histoire c'est que l'administration américaine a repris ces arguments qu'elle a superbement ignorés jusqu'au 11 septembre, pour en  faire l'usage que l'on sait et dont on n'a pas encore mesuré toutes les conséquences.

Il faut que j'explique ici certaines de ces conséquences sur le projet démocratique parti des

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

profondeurs de la société arabe après la défaite de 1967.... En même temps que le renouveau de la contestation islamiste quiescente dans tous les pays arabes depuis le début du XX siècle.

Ce projet est d'abord un discours porté par des hommes et des femmes travaillant au sein de structures sociales  pour proposer des solutions à la crise d'une société encerclée en dedans par son propre Etat, et en dehors par des Etats hostiles qu'il s'agisse d'Israël, de la Turquie, de l'Iran ou des Etats occidentaux.

Le projet  est donc a la fois en opposition à celui  de la dictature et en concurrence avec le projet islamiste.

L'enjeu ce sont les cœurs et les esprits de 380 millions arabes en transition vers quelque chose encore indéfini mais qui  ne doit  en aucun cas  ressembler à un présent détestable.

Dans cette course aux cœurs et aux esprits, les démocrates partent avec un lourd handicap.

L'idéologie de la contestation islamiste  s'adresse  directement aux cœurs pour ne pas dire aux viscères, la nôtre s'adresse à la raison.

L'explication du malheur est simple dans l'idéologie islamiste  (l'abandon des vraies valeurs), la nôtre est autrement plus  complexe.

 Le chemin de sortie de crise  tracé par l'islamisme semble droit et simple. Une fois qu'on a retrouvé les vraies valeurs, il suffira d'appliquer les réformes d'essence morale et le problème est réglé. Nous, nous disons que la question n'est pas une question de morale, de valeurs, mais d'institutions.

 Le plus important est que l'idéologie islamiste est profondément inscrite dans la culture, la nôtre lui est étrangère.

Or c'est ici que le bât blesse. D'une part les démocrates sont accusés implicitement d'être les défenseurs non seulement d'institutions politiques, mais des valeurs qui les sous-tendent et qui ne sont pas  les nôtres.

Le naufrage du  discours communisme dans nos pays était amorcé bien avant la chute des Etats communistes, tant les Marxistes -Léninistes étaient perçus avec leur matérialisme athée comme de véritables renégats culturels.

L'opprobre sur les démocrates est moindre bien que la laïcité souvent revendiquée de pair avec la démocratie est systématiquement assimilée par certains ultras de l'islamisme à l'athéisme, considéré dans les sociétés arabes comme une tare et un péché de l'esprit.

Plus grave encore l'association systématique que font les Arabes entre démocratie et un Occident dont la côte n'a été aussi basse  dans nos pays.

Aux anciennes récriminations sur le colonialisme, voire  sur les croisades, le parti pris pro -israélien,  s'est ajouté un nouveau filon pour les ultra du nationalisme et de l'islamisme : l'appui de ces grandes démocraties donneuses de leçons sur les droits de l'homme à nos dictatures.

L'invasion américaine  a donné un coup qu'on espère ne pas être le coup de grâce tant à l'image de l'occident qu'aux  chances de  la démocratie dans le monde arabe.

Entre cinquante et soixante dix millions d'Arabes suivent depuis quatre ans chaque soir  l'agonie d'un peuple arabe délivré par les valeureux démocrates américains et leurs marionnettes irakiennes de l'horrible dictateur allié d'hier.

L'avis  populaire est unanime : tout, y compris la dictature, plutôt que cette démocratie là.

L'attitude occidentale vis-à-vis des élections algériennes de 1991 et en Palestine en 2005, refusant de reconnaître le verdict des urnes, a fini de ruiner toute crédibilité occidentale  et de vider le bébé de la démocratie  avec l'eau  du bain sale d'une politiques cynique  et  à courte

Vue.

*

Tout cela nous met, nous autres démocrates arabes dans une situation impossible.

Que nous le voulons ou non , nous sommes pour la population traumatisée par la dictature et la guerre en Irak et en Palestine , de la même famille idéologique que  les soutiens , pour ne pas dire les souteneurs, de nos dictatures , qui plus est  alliés quasi inconditionnels de  l'occupant israélien ,  cyniques  au double standard ,mais  publiant  quand même des rapports sur les droits de l'homme dans le monde tout en  gérant  Guantanamo.

Cet amalgame  est  vécu par les démocrates arabes  comme profondément   injuste et surtout extrêmement préjudiciable à leur cause.

Si certains démocrates notamment en Irak  et certains professionnels des droits de l'Homme comme en Egypte , vivent de subsides américains, l'essentiel du mouvement démocratique et des droits de l'homme dans le monde arabe, s'est développé depuis les années 70, de façon indépendante de tout appui occidental.

Les démocrates arabes sont tous venus des rangs de la gauche et du mouvement nationaliste traditionnellement  très pointilleux sur la question de l'identité et de l'indépendance nationale.

 La démocratie n'est pas pour eux une idéologie occidentale dont l'adoption implique une quelconque inféodation aux politiques des grandes puissances occidentales, mais un instrument de libération devenu universel  pour parachever ce que j'ai appelé la seconde indépendance.

Il n'en demeure pas moins qu'entre la flambée islamiste et la politique aberrante des Etats occidentaux  notre marge de manœuvre est extrêmement étroite.

Quel discours adopter et comment parler à des cœurs gagnés par l'islamisme et à des esprits traumatisés par la vision des horreurs  du démocratisme américain en Irak et de l'appui des grands Etats européens à nos bourreaux ?

Il y a un autre défi au sein du défi. Les démocrates arabes n'ont jamais voulu être des marionnettes , des assistés ou une cinquième colonne au service de l'Occident , mais ils ne sont pas anti-occidentaux comme une frange de plus en plus importante de nos populations sans parler des extrémistes nationalistes et/ ou intégristes .  Comment crédible sans verser dans les diatribes anti-occidentales ? Comment expliquer l'inexplicable à nos populations à savoir le soutien des grandes démocraties à des régimes violents et corrompus ? Comment naviguer dans les eaux tumultueuses où seul le poisson islamiste semble avoir trouvé ses marques ?

En 1996, j'ai eu l'honneur de constituer avec la libanaise Violette Daguerre et le Syrien Haytham Manna le noyau dur du  groupe Ibn Akl, à l'origine de la création de la Commission Arabe des droits de l'Homme.

Plus qu'une association pour la défense et la promotion des droits de l'homme, dont le droit de la démocratie, l'association est un lieu où s'élaborent une réflexion en profondeur sur les  problèmes  des droits de l'homme dans le monde arabe   qui a donné naissance à plus de cinquante ouvrages, à des interventions nombreuses et concertées sur Al Jazeera et à la production un moment d'un programme télévisé à la chaîne Al Hiwar.

Le discours du groupe martèle quatre thèses essentielles ;

1 - Se dissocier de la politique occidentale

Les démocrates arabes condamnent  la politique américaine en Irak, rejettent le fait que   la motivation démocratique est à l'origine de l'intervention, ne peuvent souscrire à aucune démocratie imposée de l'extérieur par la force  et considèrent que les démocrates Irakiens qui ont accepté de faire le jeu de l'occupation comme ne représentant qu'eux-mêmes.

De la même façon, les démocrates arabes condamnent les politiques d'appui aux dictatures comme  cyniques,  immorales, à terme contre-productives et nocives pour les nations des deux rives de la Méditerranée.

2- Dissocier dans l'esprit arabe  Occident  et démocratie.

Compte tenu de la forte hostilité  actuelle de l'opinion publique arabe à l'occident et sa tendance à rejeter tout ce qui en vient - excepté la technologie- l'argument de'' vente ‘'de la démocratie passe par le rappel incessant d'une  évidences oubliée  y compris en Occident.

Nous ne cessons de répéter que la plus grande démocratie au monde, et une des plus stables, est l'Inde, que l'Occident a mis au point lors du XX siècle les pires dictatures de la planète, y compris dans le berceau de la démocratie, que cette dernière  a bataillé dur entre 1850 et la fin de la deuxième guerre mondiale pour s'imposer ....et que les peuples occidentaux seraient bien naïfs de croire que c'est là un acquis éternel.

L'autre argument de vente est de rappeler la contradiction arabe acceptant la technologie occidentale et refusant le système de gouvernement qui a permis aux peuples occidentaux d'acquérir la puissance qui est la leur.

Il faut arriver à convaincre nos concitoyens  qu'adopter la démocratie est de même nature qu'adopter Internet, avec les mêmes conséquences en cas de rejet de l'une ou de l'autre.

3- Dissocier dans l'esprit arabe  Etats occidentaux et sociétés civiles.

Le groupe Ibn Akl est aussi  profondément arabe qu'universaliste. Il est donc farouchement opposé à la thèse stupide du choc des civilisations  et veut éviter que la politique catastrophique de part et d'autre de la Méditerranée ou de l'Atlantique renforcent chez nous une ‘'occidentalophobie'' comparable et symétrique à l'islamophobie qui règne en Europe et en Amérique.

Le discours que nous tenons à longueur d'articles, d'émissions TV et d'écrits théoriques, est qu'il est impératif de bannir le terme même d'Occident  et d'insister plutôt sur ses composantes à savoir Les valeurs, Les  Etats  et les sociétés civiles.

Nous avons nos propres valeurs, mais nous pouvons, et devons, apprendre de celle des  autres. Nous ne devons pas mettre dans le même sac les Etats occidentaux, alliés de nos dictatures, et les sociétés civiles qui sont nos alliés  contre nos gouvernements   et contre la politique des leurs.

4- Dissocier le combat pour la démocratie de celui contre l'islamisme

Le combat contre l'islamisme est l'affaire des dictatures .Il est  actuellement leur seul fond de commerce. Il est le prétexte suprême pour refuser les réformes, et notamment la fin de la corruption.

Tous les démocrates, qui sous prétexte de combattre l'islamisme, se sont allié aux dictatures, n'ont fait que vendre leur âme au diable, et de plus gratuitement.

La position du groupe Ibn Akl, est de dire qu'on ne peut ni ne doit opposer Islam et Démocratie, qu'il faut  au contraire travailler sur les dénominateurs communs et vendre la démocratie'' à la frange centrale et modérée du spectre islamiste.

Nous considérons que le processus de démocratisation arabe rencontre de l'intérieur deux types d'obstacles majeurs : L'intégrisme islamiste  c'est-à-dire la frange  extrémiste et parfois violente du spectre et ... l'intégrisme laïque propre à certaines élites dés acculturées.

Le premier intégrisme est étranger à l'époque  que nous vivons, le second à l'espace où se déroule cette  même vie.

Entre ces deux écueils nous devons naviguer à vue pour accompagner et accélérer un processus, qui qans être inéluctable, nous paraît contrairement aux apparences, bien engagé.

*

Certains diplomates occidentaux me demandent souvent d'un air exaspéré : oui mais que pouvons nous faire ...de l'air de dire si nous intervenons vous râlez, si nous ne faisons rien vous pestez.

Entendons nous bien. Avant la catastrophique intervention en Irak, nous ne demandions rien après encore moins. La démocratisation se fera par les Arabes ou ne se fera pas.

Mais dans un monde interdépendant, nous sommes bien placés pour savoir quel rôle joue le facteur externe dans notre problématique.

Les  gouvernements Occidentaux ne peuvent plus se cacher derrière leur petit doigt pour faire oublier leur appui massif  aux dictatures arabes.

Nous leur demandons simplement de mettre fin à cet appui et ce par cinq mesures.

1-                   Cesser de se déplacer dans nos pays ou y venir et les quitter sans  encenser des régimes profondément détestés , cet appui , habillement amplifié  et utilisé étant vécu par les gens en place comme une provocation et une insulte.

2-                   Ne pas reconnaître les élections truqués avec la même rigueur qui a été la leur en refusant de reconnaître les dernières élections législatives palestiniennes, pourtant on ne peut plus démocratique.

3-                   Considérer les sommes d'argent provenant de la corruption endémique comme de l'argent sale et en refuser le blanchissement.

4-                   Ouvrir leurs tribunaux aux procédures pénales que les ONG des droits de l'Homme pourraient intenter contre les tortionnaires.

5-                   Favoriser les échanges entre les sociétés civiles en finançant leurs ONG travaillant dans le monde arabe, et non en finançant des ONG arabes.

On voit que nous ne demandons, ni l'interruption de l'aide économique, encore moins toute forme d'intervention dans nos affaires. Ce sont là des actions relevant de la souveraineté  des Etats occidentaux, mais dont l'impact sur les processus en cours dans le monde arabe peuvent être colossaux.

                                                       *

 

 

En conclusion j'aimerai rappeler cette phrase d'Alvin Toeffler disant que ‘'la Démocratie pour une société n'est pas une urgence éthique seulement mais surtout une urgence technique.

Les sociétés arabes ont plus que jamais  besoin de cette urgence à la fois éthique et technique.

Si nous restons relativement confiants dans son avenir dans notre région , c'est que nous la considérons comme une vague portée par les formidables mutations sociales , dont le nouveau statut et rôle des femmes , les formidables mutations technologiques comme  la télévision satellitaire et Internet ,sans oublier  la contagion internationale.

Les islamistes  responsables, comme en Turquie  ont préféré chevaucher la vague plutôt que s'y opposer. Je pense que ce sera le calcul dominant chez tous les acteurs politiques du futur.

 

On oublie souvent que nous ne fonctionnons pas dans un monde du tout ou rien, mais dans celui des transitions, des spectres, du clair- obscur, bref de la complexitéé. Quand on parle de

 Démocratisation réussie  dans un pays, on forcément  à l'esprit la tenue d'élections  libres et l'alternance pacifique au pouvoir. Cela est certes le signe fort, mais l'alternance n'est qu'un critère parmi d'autres de la démocratie. L'islam a cinq piliers, la démocratie en a quatre: la liberté d'expression, la liberté  d'association, l'indépendance de la justice et l'alternance pacifique au pouvoir. Vues sous cet angle, les sociétés  arabes et la société tunisienne en particulier ne sont pas des sociétés  non démocratiques s mais à moitié démocratiques  ou plus exactement en voie de démocratisation.. C'est la situation qui prévaut dans presque tout le monde arabe aujourd'hui.

L'irruption dans les années 90 de deux nouvelles technologies  la télévision satellitaire et Internet a ‘'boosté'' de façon remarquable la liberté d'expression, le débat, l'échange des idées, la dénonciation et la critique de la corruption et de la violence de l'Etat,  tout cela par-dessus la tête de dictatures  impuissantes, de moins en moins craintes, de plus en plus  méprisées.

Quelle ironie que de penser que c'est sur de  tels régimes que  comptent les grands Etats occidentaux pour régler les problèmes de l'émigration et du terrorisme.

 

 

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