L'enlèvement d'un soldat est un
prétexte à une opération programmée.
Dangereuse escalade Israélienne
Par Bernard RAVENEL, Jean-Pierre DUBOIS, Jean-Marie
FARDEAU, Gustave MASSIAH, Patrick PEUGEOT
Mardi
11 juillet 2006
Par Bernard Ravenel président de
Gaza vit sous la terreur.
Une invasion militaire israélienne de grande ampleur se déploie sur le nord du
territoire, sur lequel des centaines d'obus s'abattent déjà quotidiennement
depuis des mois. Dans la chaleur suffocante de ce début d'été, la moitié de son
1,4 million d'habitants est privée d'électricité, d'eau potable, de système
d'assainissement, depuis la destruction, par l'armée israélienne, d'une
centrale électrique le 27 juin. Après l'enfermement, le chômage forcé, les
sanctions économiques, une pauvreté massive, les affrontements entre factions,
les Gazaouis subissent donc un nouveau et invivable
calvaire.
La raison d'un tel
déchaînement de violence ? Le gouvernement israélien invoque l'enlèvement du
caporal Gilad Shalit.
Après avoir mené depuis
des années des exécutions «ciblées» qui tuent plus de civils que de personnes
directement visées, justifié des consignes de tirs laxistes qui ont coûté la
vie à des centaines d'innocents, après avoir exposé toute une génération de
jeunes appelés israéliens aux amères et traumatisantes réalités de la guerre
pour perpétuer une occupation illégale et dominer un peuple, l'armée
israélienne se dit aujourd'hui prête à tout pour sauver un seul homme. Sauf à
négocier !
Certes, la situation de ce
jeune soldat et de sa famille est une tragédie. Mais c'est le propre des
situations tragiques que d'engendrer des tragédies. Des milliers de
Palestiniens et d'Israéliens ont perdu la vie depuis septembre 2000, des
dizaines de milliers ont été blessés. Quelque 8 000 Palestiniens sont
prisonniers en Israël, dont 350 enfants et adolescents, et 900 sont détenus
arbitrairement et sans procès, au mépris de toutes les règles de droit
international. Toutes ces tragédies doivent cesser, et pour cela c'est
l'occupation qui doit cesser.
Mais dans l'immédiat,
c'est le sort du caporal Gilad Shalit
qui préoccupe le gouvernement israélien. Qu'importe si 1,4 million de personnes
doivent vivre un enfer dans ce territoire-prison, en
violation du droit humanitaire international et de
Mais, pour l'armée
israélienne, l'enlèvement d'un militaire est évidemment le prétexte à une
opération programmée pour réduire des groupes armés palestiniens qui continuent
d'opérer pour faire de la bande de Gaza la base arrière d'opérations en
direction d'Israël. Mesure partielle et unilatérale, le retrait d'août 2005 ne
pouvait guère produire d'autres résultats.
Le gouvernement israélien
clame qu'il ne trouve pas de «partenaires pour la paix». Mais il
refuse depuis des années de donner suite aux demandes répétées de négociation
des dirigeants palestiniens. A présent, il se donne comme objectif proclamé
d'évincer le gouvernement issu du Hamas. Que nous ne partagions pas le projet
politique du Hamas n'est pas le sujet. La question est : qu'a-t-on à substituer
à un gouvernement issu d'un processus démocratique exemplaire ?
Pour une paix dont le
gouvernement israélien impose seul des termes à des Palestiniens qui n'ont
d'autre choix que de les endosser et les faire accepter à leur opinion, pour
une paix qui jette les réfugiés aux oubliettes de l'Histoire, qui sacrifie
l'aspiration des Palestiniens à faire de Jérusalem-Est la capitale de leur
Etat, qui néglige le besoin d'une continuité territoriale nécessaire à un Etat
viable, il n'y aura effectivement pas de partenaires.
Cette stratégie est
d'autant plus aberrante que la nature de la situation créée par le vote du 25
janvier, plus protestataire que véritablement radicale, ne se laisse pas
réduire à la caricature. Le Hamas a certes eu recours au terrorisme, mais il a
conclu une trêve qu'il respecte depuis un an et demi. Conscient de la
relativité et de l'ambiguïté de la majorité qui l'a porté au pouvoir, il n'a
pas cherché la surenchère. Mieux, il a fini par accepter la plateforme
politique, proposée par les prisonniers, qui prévoit l'arrêt des attaques
contre les civils et entérine l'option d'un règlement sur la base de deux Etats
dans les frontières de 1967. Un progrès indiscutable dans la perspective d'une
recomposition du paysage politique palestinien.
En ignorant délibérément
ce progrès, pire, en rendant l'option d'une évolution vers une position de
dialogue irrecevable aux yeux d'une portion croissante de l'opinion
palestinienne, cette opération militaire est non seulement une violation du
droit humanitaire, mais aussi un crime contre la paix et une insulte à
l'avenir.
Combien de fois
faudra-t-il que nous dénoncions une stratégie militaire, une vision sécuritaire
à courte vue, qui finit par provoquer les dangers qu'elles prétendent éviter ?
Face à cette logique
tragique, le gouvernement israélien pourra plaider le partage des
responsabilités. Avec les Etats-Unis, qui ne voient la situation qu'à travers
le prisme de la lutte contre le terrorisme que leur stratégie au Moyen-Orient
aura largement contribué à exacerber. Avec l'Union européenne, qui n'ose se
démarquer de la conception de la puissance et de la sécurité que répand
l'hégémonie de Washington sur les relations internationales, et en vient à
réduire la question palestinienne à ses aspects purement humanitaires.
L'Union a pourtant les
outils politiques qui lui permettent de contraindre l'Etat d'Israël à se
conformer au droit international (notamment l'accord d'association, dont
l'application est conditionnée au respect des droits de l'homme et du droit
international).
Il est temps de passer de
la logique de la force à celle du droit. De rappeler que seuls les principes
d'égalité et de justice pourront servir de base au règlement d'un conflit dont
les données politiques se dégradent au fur et à mesure que progresse
l'unilatéralisme israélien.
De rappeler, avec les
moyens de pression dont dispose la diplomatie internationale, que le
gouvernement israélien a la nécessité absolue de négocier. Sans autre option
possible.
Ce texte est signé pour