1 -
Diverses mesures juridiques sont actuellement examinées par les
conseils de la Délégation palestinienne.
Il a été,
notamment, question de solliciter, par l’intermédiaire d’Etats
« amis », des résolutions du Conseil de sécurité et/ou de
l’Assemblée générale afin, notamment, de créer un Tribunal ad
hoc ; de saisir la CPI ; d’un recours en annulation ou en
suspension de l’association d’Israël à l’Union européenne ;
enfin, de plaintes déposées devant les juridictions nationales.
Certaines
de ces mesures sont pratiquement irréalisables pour des raisons
« techniques » dont la plupart ont, en réalité, des fondements
politiques.
2 - Ainsi,
le Conseil de sécurité sera très vraisemblablement bloqué par un
veto ; de toute manière, il n’a jamais adopté la moindre
résolution juridiquement contraignante (ie prise en vertu du
Chap. VII) à propos de la Palestine et ne changera certainement
pas ses habitudes avant longtemps…
On ne peut
donc en attendre aucune décision obligeant les parties au
conflit et pas davantage la création d’un tribunal
international.
On ne voit
pas comment l’Assemblée générale pourrait agir à sa place en ce
domaine.
Ainsi
encore, j’ignore dans quelles conditions un recours dirigé (mais
par qui ?)contre la décision d’associer plus étroitement Israël
à l’Union européenne, pourrait être intenté devant la Cour de
justice des communautés …
Je sais, en
revanche, que la CPI ne peut être utilement saisie – sauf par le
Conseil de sécurité (cf. art. 12.2 et 13,b de son statut) ; or,
on ne peut pas sérieusement penser qu’il s’y décide.
La démarche
qui est actuellement tentée en direction de son Procureur
présente donc un caractère essentiellement symbolique.
3 - Dans
ces conditions, je pense qu’il serait inopportun – sinon, même,
potentiellement nuisible – de gonfler le discours juridique en
prétendant forcer l’accès à ces mesures techniquement
verrouillées – d’autant que certains moyens juridiques sont
effectivement accessibles.
Ainsi,
l’Assemblée générale des Nations Unies est fondée à solliciter
un avis de la Cour internationale de justice portant sur le
principe même du recours à la force contre le Hamas et sur
l’usage de cette force aux dépens de la population (v. art. 96.1
de la Chate et 65 du Statut de la Cour ; cf. le précédent
constitué par l’avis concernant le mur).
Il devrait
être possible d’obtenir qu’une demande d’avis soit formulée à
l’occasion d’une prochaine cession – étant entendu que la Cour
prendra son temps pour émettre un avis.
Par
ailleurs, la saisine de tribunaux nationaux est techniquement
possible.
Elle peut
s’avérer utile à condition d’attraire en justice de véritables
dirigeants et non pas des sous fifres.
Or, tous
les tribunaux nationaux, y compris ceux des pays qui connaissent
la compétence universelle en matière de crimes de guerre – par
exemple les tribunaux espagnols –sont paralysées par l’immunité
des plus hauts responsables tels que le Premier Ministre, le
Ministre des affaires étrangères et peut-être aussi le Ministre
de la défense.
En d’autres
termes, ils ne se reconnaîssent le pouvoir de juger que des
dirigeants de rang intermédiaire.
Pour leur
part, les tribunaux français ignorent la compétence universelle
en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Il faut
donc respecter leur compétence extraterritoriale ordinaire
(auteur ou victime de nationalité française, v. art. 113-6 et
113-7 C. pénal).
De plus, la
loi française ne réprime pas (pas encore…) les crimes de guerre
pris en tant que tels et sa définition des « autres crimes
contre l’humanité » (v. art. 212.1 C. pénal) ne correspond pas
du tout à ce qui se passe à Gaza.
Par
conséquent, devant les juges français, on ne peut guère invoquer
utilement que les incriminations de droit commun (v. « Atteintes
à la personne humaine », art. 221-1 à 222-21 C. pénal).
4 - En
pratique, par conséquent, on peut sérieusement envisager la
saisine de juridictions françaises par voie de plaintes contre
X… avec constitution de partie civile.
Les
plaignants devraient être des victimes de nationalité française
(v. art. 113-7 C. Pénal).
En théorie,
ce pourrait être également des victimes étrangères poursuivant
des Français ; mais elles devraient agir contre des personnes
dénommées – ce qui est pratiquement exclu pour diverses raisons.
Les
plaintes devraient se fonder sur les dispositions du Code pénal
qui incriminent, par exemple, le meurtre ; il s’agirait,
évidemment, du meurtre de membres de la famille du plaignant (v.
art. 221-1 C. pénal).
Des
associations (p. ex. LDH, FIDH…) pourraient se joindre à ces
procédures.
Toutefois,
l’engagement de ce genre d’actions prend toujours un certain
temps ; surtout, il ne faut pas se faire d’illusion quant à
l’efficacité des instructions qui s’ouvriraient alors.
Bref, il
faut être bien conscient du caractère essentiellement symbolique
de ces recours qui sont, pourtant, techniquement fondés.
Les
victimes désireuses de se constituer parties civiles doivent en
être clairement averties.
5 - Enfin,
je pense que, s’il faut se garder d’entamer des procédures
spectaculaires mais sans issues, en revanche, il conviendrait
d’entreprendre en direction de l’opinion publique deux sortes de
campagnes à allure juridique.
D’un côté,
il faudrait analyser le verrouillage des recours juridiques pour
dénoncer l’hypocrisie de « grands principes » dont la mise en
œuvre est parfaitement sélective.
Par
exemple, on pourrait évoquer le fait que les résolutions du
Conseil de sécurité concernant l’Etat d’Israël n’ont jamais été
prises en vertu du chapitre VII – tandis que trois des
résolutions votées à propos de l’assassinat de M. Hariri au
Liban sont des résolutions chapitre VII : v. 1636(2005),
1644(2005) et 1757(2007)…
On pourrait
également souligner qu’un « tribunal pénal à caractère
international » a été créé pour juger les assassins de M. Hariri
et de quelques dizaines de malheureux – mais qu’il n’en existe
aucun pour connaître des crimes de guerre commis au Liban en
2006 (plus d’un millier de morts civils) et à Gaza en 2008/2009
(déjà un millier de morts essentiellement civils)…
Surtout, il
ne serait pas difficile de montrer comment la compétence de la
CPI est bridée de façon à gêner le moins possible les Etats-Unis
et certains de leurs alliés… ; comment, lorsqu’elle existe, la
compétence universelle des juridictions nationales est, en
fait, (comme celle de la CPI ?) principalement destinée au
jugement des criminels de certains pays et non de tous … ; etc…
6 - D’un
autre côté, il faudrait utiliser à fond le discours juridique
dans la mesure où, bien qu’inefficace techniquement, il offre
une grille de lecture qui donne un sens très clair aux
événements de Gaza.
Cette
démarche est, sans doute, à la fois la plus facile et la plus
convaincante.
On devrait
notamment rappeler qu’il existe, dans le droit international en
vigueur, deux sortes de règles universellement reconnues comme
nécessaires et contraignantes.
Les unes
interdisent, en principe, le recours à la force armée par les
Etats membres des Nations Unies (v. art. 2.4 et art. 51 de la
Charte ) .
Les autres
limitent les moyens de nuire à l’ennemi – même lorsque le
recours à la force est licite (v. Règlement de La Haye de 1907,
Conventions de Genève de 1949 et Protocoles additionnels de 1977
– ainsi que la jurisprudence des tribunaux internationaux…).
C’est à
l’aune de ces deux sortes de règles que devrait s’apprécier
l’opération « plomb durci » et qu’elle se révélerait clairement
inacceptable.
7 - Il est
particulièrement évident que, par nombre de ses aspects, cette
opération contrevient aux dispositions de la Convention de
Genève relative à la protection des populations civiles en temps
de guerre (Convention JV ; Israël n’a pas ratifié le Protocole
additionnel de 1977) .
Il faudrait
donc relever dans les informations de presse et les déclarations
des organisations humanitaires officielles ou privées, les types
de violation du droit humanitaire commises par les forces
israéliennes, en dresser la liste et la publier partout
accompagnée de commentaires.
Les tirs de
roquettes dirigés contre des civils israéliens sont, certes,
également criminels au regard des mêmes dispositions.
Toutefois,
on ne peut les mettre sur le même plan que les opérations en
cours et, de toute manière, ils ne justifient pas, en droit, les
représailles visant des civils – pour ne rien dire de la
« proportionnalité » de ces représailles.
Enfin, il
conviendrait de rappeler simultanément que les Etats liés par
les Conventions de Genève de 1949 ont le devoir de « faire
respecter » les dispositions de ces conventions (v. art. 1 de
chacune des quatre Conventions).
Le moins
que l’on puisse dire est que les « grandes puissances »
occidentales ne se sont guère s’empressées de se conformer à ce
devoir.
13 janvier
2009
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